mercredi 25 février 2015

LA GRANDE GUERRE AU JOUR LE JOUR 18 DECEMMBRE 1914

18 DÉCEMBRE 1914


I)
Les Français, en difficulté devant Arras, demandent aux Britanniques de lancer une offensive afin de fixer les troupes Allemandes plus au nord. Cette demande intervient après une série d’attaques Anglaises au sud d’Ypres, toutes repoussées avec de lourdes pertes.
Le scénario est toujours le même : Des assauts frontaux de l’infanterie, après un bref bombardement, incapable d’endommager suffisamment les lignes de barbelés, les tranchées et les nids de mitrailleuses ennemies.
De fait, les réserves de munitions sont au plus bas et 40 coups seulement par pièce ont été alloués, pour l’essentiel des schrapnels, dont l’effet est limité sur des positions fortifiées.

6 attaques simultanées, à faible échelle, ont été programmées par le général French. L’effort principal est demandé au Corps Indien, déjà fortement éprouvé depuis son arrivée en Flandres, quelques semaines plus tôt. Les troupes Indiennes ont, en effet, subi de lourdes pertes lors de la défense d’Ypres et lors d’une série d’attaques entre la frontière Belge et le canal de La Bassée. Un grand nombre des survivants sont épuisés et fortement affectés par les terribles conditions hivernales qui règnent dans les tranchées en Flandres, pour la plupart inondées, les vêtements chauds font défaut et la nourriture est insuffisante...

II)
Situation en France
Les journaux Parisiens publient des informations relatives aux appels des jeunes gens sous les drapeaux, la classe de 1916 est concernée, voici ce que nous pouvons lire dans le Figaro :
« Dimanche prochain aura lieu l'unique publication des tableaux de recensement de la classe 1916 qui sera appelée à passer le conseil de révision à partir du lundi 4 janvier.
En conséquence, les jeunes gens appartenant à la classe 1916 sont invités à se présenter d'urgence à la mairie de leur domicile pour s'y faire inscrire. Rappelons que les appelés de la classe 1916 originaires des départements envahis doivent se faire inscrire au lieu de leur résidence et qu'il sera statué à leur égard comme s'ils étaient domiciliés dans ce département.

Sur le plan militaire, la situation est décrite par le ministère de la Guerre de cette façon : « De la Lys à l'Oise, nous avons progressé dans la région de Notre-Dame-de-la-Consolation (sud de La Bassée) de plus d'un kilomètre, au cours des 2 dernières journées. Nous avons fait également des progrès dans la direction de Carency, à Saint-Laurent et Blangy, malgré de très vives contre-attaques, les positions conquises le 17 ont été maintenues.

Dans la région d'Albert, nous avons, dans la nuit du 17 au 18 et dans la journée du 18, avancé sous un feu très violent et atteint les réseaux de fils de fer de la seconde ligne de tranchées ennemies.

Au nord de Maricourt, nous avons dû abandonner une tranchée prise la veille et incendiée par l'ennemi au moyen de grenades à mains. Plusieurs tranchées Allemandes ont été enlevées dans la région de Mametz, et dans celle de Lihons, 3 violentes contre-attaques Allemandes ont été repoussées.

Dans la région de l'Aisne ont lieu des combats d'artillerie.

En Champagne, l'artillerie ennemie a montré plus d'activité que le jour précédent.

En Argonne, dans le bois de la Grurie, nous avons fait sauter une sape Allemande, près de Saint-Hubert, l'ennemi, par une attaque très vive, a réussi à progresser légèrement.

Il est confirmé que sur les Hauts-de-Meuse, notre tir, réglé par avions, a démoli 2 batteries lourdes et endommagé une troisième batterie.

De la Meuse aux Vosges, rien à signaler.
Dans les Vosges, vive fusillade Allemande, mais pas d'attaque.

En Belgique, le communiqué officiel indique que les Alliés organisent le terrain gagné la veille au sud de Dixmude et poussent leur front au sud du cabaret Korteker. Leur avance au sud d'Ypres s'est poursuivie dans un terrain marécageux très difficile.

Dans la campagne Russe, les dépêches indiquent que le point critique de la bataille est actuellement au centre, sur le front de la Bzoura. Sur ce point le feld-maréchal von Hindenburg vient de recevoir encore l'appoint de 3 corps d'armée, ce qui porte à 9 corps les renforts qu'il a reçus depuis 5 semaines pour sa nouvelle offensive en Pologne. Grâce à ces renforts, il a pu non seulement exercer une certaine pression sur le centre Russe qui couvre Varsovie, mais il a pu aussi envoyer des troupes vers Cracovie afin d'aider à la défense de cette place et de soutenir la nouvelle offensive Autrichienne dans les Carpates.

Il y a donc à cette heure 2 centres d'offensive, l'un Allemand contre le front Russe de la Bzoura, entre Sokhaczef et la Vistule, et l'autre Austro-Allemand, au sud de Cracovie. Ce sont 2 actions combinées se résumant dans la poussée sur Varsovie pour dégager Cracovie et Przemysl, clefs de la Silésie et de la Hongrie.
Les contre-attaques opposées par de nouvelles forces Russes à l'offensive Allemande au centre paraissent avoir réussi à contenir l'avance Allemande vers la Bzoura.

Dans la guerre avec la Turquie, une dépêche d'Athènes en provenance de Ténédos annonce que le bombardement du golfe Xyros par la flotte Anglaise a complètement détruit les casernes Turques et causé de graves dommages aux travaux de fortification.

Le maréchal Allemand von der Goltz est nommé commandant militaire de Constantinople, le ministre de la Guerre, Enver pacha, étant parti prendre le commandement des troupes Turques en Anatolie.

III)
La chambre de commerce d'Armentières adresse au ministre du Commerce une lettre signalant la situation des employés des postes qui continuent d'assurer le service. Dans cette lettre, on peut lire :
« Un certain nombre d'employés ayant été évacués sur d'autres centres ont reçu une indemnité spéciale dont sont privés ceux qui restent. »

Rendant hommage au personnel postal, la chambre de commerce d'Armentières fait remarquer que :
« Ce n'est pas un mince réconfort pour une population que de pouvoir rester en communication soit avec les combattants, soit avec les parents éloignés et en même temps de continuer les relations commerciales dont l'importance est restée très grande à Armentières »...
Elle exprime donc le désir que le ministre du Commerce, des Postes et Télégraphes prenne en considération le mérite des employés du bureau d'Armentières qui continuent d'y remplir leurs fonctions.

IV)
Les Anglais réagissent à leur façon après les bombardements des côtes Anglaises par les croiseurs Allemands. Cette réaction tout à fait « british » n’est pas surprenante. Voici ce que nous pouvons lire dans Le Figaro « la leçon de choses donnée à Scarborough, Hartlepool et Whitby semble avoir produit sur les Anglais un effet que ne cherchaient certainement pas les Allemands. Les bureaux de recrutement ont un regain d'animation, qui leur rend la physionomie du début de la guerre. Les Allemands qui se trouvaient sur le littoral nord-est ont été arrêtés en bloc. Une éloquente réponse est donnée au bombardement par la baisse générale de 25 % qui s'est produite dans le taux des assurances maritimes. La marine Britannique garde un silence olympien, indice d'une énergie efficace, sûre d'elle-même et dédaigneuse des petits coups d'épingle.

V)
Le 18 décembre 1914. Extrait du Journal de marche du 269e R.I., le 18 décembre 1914 :
La préparation d’artillerie a lieu de 9h à 9h45. Mais nos obus atteignent surtout Carency, sans détruire les tranchées intermédiaires.
Les fractions du 226e, à la droite du Bataillon Béjeard ne peuvent déboucher et tombent sous le feu des mitrailleuses.
Au Bataillon Béjeard, 3 sections de la 17e Compagnie et une section de la 18e pénètrent dans la tranchée et s’y maintiennent pendant 2 heures. Mais privées de toute communication avec l’arrière, elles sont l’objet d’une contre-attaque à coups de pétards et de fusils par l’intérieur du boyau et elles sont massacrées ou faites prisonnières (Lieutenants Zeller, Liévin, Raguin).

Le sous-lieutenant Boivin a été tué dès le début en partant à l’assaut avec une section de la 18e qui a été décimée par une mitrailleuse. Dans Carency, le lieutenant Dunoyer, de la 23e Compagnie, s’empare de deux petites maisons dans la direction de la Brasserie.

VI
18 décembre 1914. Berry
J’arrive à Berry dans la nuit noire. Les balles pour m’accueillir joyeusement font des sifflements sur tous les tons… Dans ma petite masure, il y a des blessés, un mort, du sang partout… Des bombes sont tombées dans une tranchée de la 13e Cie…

Je me rends, pour y dîner, à la ferme qu’occupe le commandant… Il y a également là un mort : C’est un dindon, qui vient d’être tué, dans la cour, d’une balle à la tête, tout comme un soldat Français…
Ping ! Paf !… font les balles sur les ardoises et sur les murs… Mais quelle guerre ! Quand sera-ce fini ? Les braves Russes ne vont pas vite.

VII)
Nous apprenons que Georges est assez guéri pour avoir quitté son hôpital le 28 novembre et, qu’après un voyage de 24h, ils ont été parqués à Osnabrück (Hanovre) dans une caserne d’artillerie où sont déjà enfermés environ 220 officiers Russes, 13 Français et une vingtaine de Belges. Son nouveau régime va probablement être inférieur à l’actuel. Nous allons lui envoyer, comme il le demande, dans un paquet solide, une petite provision de cigarettes Maryland car elles sont introuvables là où il est et qu’il ne peut se procurer que du tabac jaune dit d’Orient.

VIII)
C’est le docteur Vaugien, médecin d’un régiment de marche de spahis qui a fait le récit de ce divertissement original :
« Ce soir-là, raconte-il, vers 8h30, le dîner est achevé. Il vient alors à l’idée de quelques officiers et de quelques hommes de s’amuser un peu. Immédiatement la flûte arabe est exhumée du paquetage.
Les flûtes en roseau du départ sont perdues ou brisées. Les flûtistes en ont fait avec des morceaux de lances métalliques de uhlans trouvées dans les champs.

Le tableau est superbe. Au milieu d’un grand cercle où brûlent 2 feux, les musiciens ont pris place. Flûtistes et guellalis se servent de leurs bidons individuels comme de tambourins.
Au premier rang, quelques officiers et sous-officiers autour des hommes assis ou debout et surtout beaucoup d’hommes de l’infanterie que ce spectacle étonne. Le tout éclairé par un superbe clair de lune.
Au milieu du cercle, les chanteurs et danseurs se succèdent au milieu des applaudissements des assistants. Tout le monde est content et de bonne humeur et, sans le bruit du canon qui mêle sa voix à la musique, on se serait cru à une fête arabe donnée chez un caïd.

La fête ne prend fin qu’au moment où l’on rentre au cantonnement. Vous voyez que, malgré les mauvais jours qu’ils ont eus, les spahis ont conservé leur bonne humeur et leur excellent moral. »

VIII)
Exécution d’un espion
Cet espion a été exécuté dans le parc de Villers-Cotterêts. Il a comparu la veille devant le conseil de guerre siégeant à Soissons, sous l’inculpation d’avoir fourni des renseignements aux Allemands dans les premiers jours d’octobre. Condamné à mort, il est immédiatement transféré à Villers-Cotterêts. Les yeux bandés et les mains attachées derrière le dos, l’espion a été conduit sur le lieu de l’exécution, où se tient un peloton du 87e territorial d’infanterie... Il a demandé une cigarette qu’il fume jusqu’au dernier moment.

IX)
Protectorat Britannique :
À la suite du conflit qui s'est élevé entre le gouvernement du Khédive et la Chambre dominée par le parti national, en janvier-février 1882, portant notamment sur le contrôle financier exercé par les puissances Européennes sur le budget Égyptien, afin de préserver les intérêts des créanciers de l'Égypte et d'obtenir le remboursement des dettes du khédive, une escadre Franco-Britannique avait pris position devant Alexandrie le 20 mai.

Les émeutes menaçant la vie des Européens en juin incitent les Britanniques à débarquer, tandis que les Français s'y refusent. Les autorités Britanniques prennent alors le contrôle du territoire Égyptien et conseillent le gouvernement khédivial. Elles évincent les Français, tout en respectant formellement la suzeraineté Ottomane.
L'Égypte reste alors un État tributaire de la Porte Ottomane.

Le protectorat Anglais est formellement établi par la proclamation du 18 décembre 1914, en conséquence de l'entrée en guerre de l'Empire Ottoman contre les Alliés. Ce protectorat sera relativement bref. Bien qu'une délégation Égyptienne qui s'est rendue au Congrès de la paix à Versailles en vue d'obtenir l'indépendance, n'ait pu se faire entendre, les Britanniques renoncent au protectorat par une proclamation du 28 février 1922 qui déclare le Royaume d'Égypte indépendant et autorise la publication d'une première Constitution en 1923, mais les troupes Britanniques restent en Égypte.

X)
« Le principal secrétaire d'État de S. M. Britannique pour les affaires étrangères, annonce que, vu l'état de guerre résultant de l'action de la Turquie, l'Égypte a été placée sous la protection de Sa Majesté, elle constitue désormais un protectorat Britannique »...

« La suzeraineté de la Turquie sur l'Égypte cesse ainsi d'exister et le gouvernement de Sa Majesté prend toutes les mesures nécessaires pour la défense de l'Égypte et la protection de ses habitants et de ses intérêts »...

XI)
Nouvelle censure de la presse à Reims
Journal du rémois Paul Hess (extraits) :
Bombardement encore une partie de la matinée.
« Le Courrier » n‘a pas de chance ! Hier il protestait de nouveau contre la censure qui lui avait mutilé un article et, immédiatement derrière sa protestation dans la même colonne, un texte d’une quarantaine de lignes était caviardé. Il devait suivre ce titre, laissé seul :
« Le gouverneur de Verdun »

Aujourd’hui, tout un article lui a été supprimé, même avec le titre et dans le blanc existant à son emplacement, il a imprimé ceci, composé avec de grands espacements :
« Ici a été violé par la censure la loi du 5 août 1914 »

Lecteurs Rémois traités en paria, protestons ensemble contre cette iniquité !
On pourrait parier que cela ne servira à rien. Mais alors, que valent les tartines que nous servent les journaux de Paris, si nous en jugeons par ce qu’ils disent d’exact sur Reims !...

Le Courrier de la Champagne fait preuve d’une belle opiniâtreté, cela n’empêche qu’en la circonstance, il est le pot de terre. »

XII)
Loi du 18 décembre 1914 pour la protection des emblèmes de la Croix Rouge
Art.1 .Seront punis d’un emprisonnement de un à 7 jours et d’une amende de 1 à 25 fr. ou d’une de ces peines seulement : Ceux qui, sans autorisation régulière, porteront l’emblème de la Croix Rouge.

France.
En Flandre, l’escadre Anglaise bombarde Westende (nord-est de Lombaertzyde), les Belges repoussent une attaque sur Saint-Georges et s’avancent sur L’Yser, nos troupes progressent au sud-est d’Ypres et aux alentours de la Bassée.

Nous refoulons encore des attaques en Woëvre (bois de Mortmart) et en Haute-Alsace (ouest de Cernay).

La progression Serbe s’accentue en Bosnie. Au total, 60 000 Autrichiens ont été capturés par les armées du général Putnik, avec un formidable matériel.

Les Russes ont arrêté la marche des colonnes Autrichiennes qui essaient de franchir les Carpathes pour redescendre dans la plaine Galicienne.
Ils ont repoussé en Prusse les Allemands qui se trouvent dans la région de Mlava.

Une grande bataille se prépare dans les environs de Cracovie, où les adversaires concentrent d’énormes effectifs.
On signale de nouvelles mutineries des contingents Tchèques dans l’armée Autrichienne.
XIII)
Le Lt colonel De Gaulle dans la région des Hurlus (Marne)
Le 33e Régiment d’Infanterie se trouve dans la région des Hurlus, au nord-est de Châlons-sur-Marne. Le lieutenant de Gaulle est officier adjoint du colonel Claudel.

... Le fait est qu'il court depuis des années, de par le monde, une rage de destruction et d'homicide extraordinaire...

Des nouvelles venues de Rome nous avertissent d'un projet du gouvernement Italien qui consiste à former une Ligue des Neutres (comme en 1870), dont le but est, une fois la guerre faite, de maintenir le statu quo en Europe et d'empêcher le vainqueur (quel qu'il soit) de s'agrandir à l'excès.

Ainsi la France victorieuse ne recevrait que Metz et non pas l'Alsace. Ce projet serait en corrélation avec l'ambassade du prince de Bülow. Il s'agirait aussi pour l'Italie de se prémunir contre l'avènement de la puissance Slave (représentée par les Serbes) dans l'Adriatique. Tout cela, au total, très conforme à la politique Italienne et même apparemment aux intérêts de l'Italie, dont la politique extérieure me semble, depuis le commencement de la guerre, être vigilante et entretenir des vues à longue portée.

Les Italiens aiment mieux renoncer pour le moment à Trente et à Trieste que de travailler pour la France et pour la Serbie. On dirait qu'ils se sont instruits de nos leçons et qu'ils ne tiennent pas à voir se retourner contre eux le principe des nationalités dont ils sont issus... 

Aujourd'hui l'Angleterre a définitivement proclamé son protectorat sur l’Égypte : Elle ne sortira toujours pas les mains vides de la guerre. Par contre, la France ne laisse-telle pas passer en Syrie une heure qui ne sonnera plus ?...

La guerre est arrivée à un point mort qu'on a grand mal à dépasser. L'activité et les réserves que nous avions en ligne au commencement de la guerre ont singulièrement fondu. E. de Resnes, qui, de son château ruiné, aujourd'hui de Beaumetz-les-Loges, en Artois,  a vu beaucoup de choses, résume la situation en ces mots : 
« Il n'y a plus au feu que des pères de famille et leurs enfants. »

Le gouvernement songe, paraît-il, à une levée supplémentaire jusqu'à 52 ans.
Cependant tous ceux qui sont partis au mois d'août ne sont pas morts, blessés ou éclopés, heureusement... Le jeune Roujon, le fils de l'académicien, a pris part à 77 batailles, engagements ou combats sans avoir reçu une égratignure. Même cas pour Pierre Champion, qui écrivait l'année dernière 2 beaux livres sur Villon et à qui l'Académie vient de décerner le grand prix Gobert.

La guerre vue par un physiologiste : La théorie de René Quinton, c'est que, de temps en temps, par l'effet d'une volonté supérieure de la nature, les mâles éprouvent le besoin  de s'entre-détruire.
Ce genre d'explications ne figure ni dans Le Livre jaune ni dans aucun livre bleu, blanc, gris ou orange.
Mais le fait est qu'il courait depuis des années, de par le monde, depuis le Balkan jusqu'au Mexique, une rage de destruction et d'homicide extraordinaire... 

XIV)
le vendredi 18 décembre 1914 la sonnerie continue… Aux cloches de la cathédrale et du beffroi se sont jointes celles de Saint-Géry, des paroisses voisines, même celles du collège Notre-Dame, dont nous reconnaissons, parmi d'autres voix graves, le son argentin…

J'essaie de continuer la classe : C'est impossible, l'émotion nous étreint et nous pleurons tous...
Je dis un mot de réconfort, d'espoir malgré tout à mes élèves, et nous nous séparons, tristes et silencieux, après avoir récité ensemble une prière fervente pour nos armées...

Au dehors, l'émotion des Cambrésiens commence à se calmer, mais au commencement, tout le monde est sur ses portes, se demandant ce qui arrive, et l'on reste consterné. Sur la Grand'place, les soldats Allemands se groupent, entonnent des chants patriotiques et poussent des ; « Hoch ! » de triomphe... Ils chantent aussi à Notre-Dame, où les cloches, dont nous connaissons si bien les chères voix et que nous n'avons pas entendues depuis si longtemps, s'agitent sans arrêt, et cela nous broie le cœur...

Et lorsqu'à midi elles se taisent, comme à bout d'haleine et de forces, quand le silence s'est fait de nouveau, il nous semble entendre encore et toujours ce lugubre concert, les notes sourdes et lentes des bourdons, les trilles claires et précipitées des clochettes éperdues, nos oreilles tintent longtemps, bien longtemps, et nos fronts restent soucieux...

Dans l'après-midi, la kommandantur affiche le bulletin suivant, qui nous donne les motifs de leur triomphe :
« Les russes battent en retraite. Nos troupes ont déjà progressé à l'Est et bien au-delà de Pétrikau.
La ville de Lowicz sera prise aujourd'hui.
On sonne les cloches à Berlin, la ville est pavoisée.
L'ennemi se livre sur notre front à de faibles attaques : Il a été refoulé partout. »...

Voici un nouveau témoignage de monsieur Émile DELVAL :
Ce fut aujourd'hui la journée des cloches. Par ordre de l'ennemi, depuis le jour de l'invasion, elles sont restées immobiles et muettes, nos chères cloches, dans leurs cages de pierre, et leur silence s'accorde avec notre douleur.

On disait:
Elles ne chanteront plus tant que nous gémirons sous l'étreinte de l'étranger, mais elles s'agiteront, elle bondiront, légères et joyeuses, pour célébrer la victoire, le jour où nos petits soldats reviendront triomphants, chassant de notre ville l'envahisseur.

Hélas ! le jour de la délivrance n'a pas encore luit, notre armée ne nous a pas rendu la liberté, et cependant nos cloches ont sonné… Et elles ont sonné pour nos ennemis… Toutes les cloches de la ville, celles du beffroi, celles des paroisses, même celles des communautés... Et leurs notes s'égrenaient lugubres à travers les airs, et elles éveillaient en nos cœurs un écho sinistre, parce que nos cloches, ces témoins des principaux événements de notre vie, elles qui annoncent toutes nos joies et toutes nos douleurs, sonnaient aujourd'hui pour la joie des Allemands et pour la douleur des Français !...

Nous étions en classe, mes élèves et moi, lorsque soudain il nous semble entendre un tintement, tout le monde lève la tête : Plus de doute, c'est la voix de nos cloches. Mes élèves croient que c'est le signal de l'arrivée des Français, et, en bas, à l'étude, les petits se mettent à applaudir de tout leur cœur…
Ne serai t-ce, pas, par hasard, dis-je, l'annonce de la mort de Guillaume qu'on disait gravement malade depuis plusieurs jours ?

Un instant après, M. le Supérieur reçoit un billet d'un de nos collègues disant qu'à Lille on a sonné ainsi pour attirer. Les habitants hors des maisons, et qu'alors des patrouilles ont opéré une rafle de tous les hommes : Il nous conseille de ne pas sortir et de ne pas faire classe l'après-midi...

D'autres prétendent qu'on célèbre la fête du roi de Bavière...

Bientôt on apprend la triste vérité :
Les Allemands veulent fêter un gros succès sur leur front de l'Est… Ils annoncent qu'ils ont repoussé les Russes sur toutes leurs lignes, pris plusieurs villes, fait un nombre incalculable de prisonniers et qu'ils vont leur imposer la paix.

XV)
Les administrations communales ont jusqu'au 22 décembre courant pour faire établir par écrit le nombre de jeunes gens qui se trouvent actuellement dans la commune qui sont nés en 1895. s'il y a des infirmes et des mutilés il faut l'indiquer. La liste écrite sera demandée aux mairies le 22 décembre courant.
Etappen Kommandantur Cambrai

À cette lettre, il est répondu ce qui suit :

Cambrai, le 17 décembre 1914
Monsieur le général Schötll
Gouverneur de Cambrai,

Monsieur le général,

Comme suite à votre communication de ce jour relative à la liste des jeunes gens de la classe 1915, j'ai l'honneur de vous informer qu'un certain nombre de jeunes gens de cette classe ont du s'engager dans l'armée lors de la mobilisation et ceux qui restaient ont été emmenés comme prisonniers civils en Allemagne le 20 septembre dernier.

La liste des jeunes gens qui n'étaient pas mobilisables au moment de l'occupation Allemande devait être dressée par le bureau de recrutement, service essentiellement militaire qui a quitté Cambrai avec tous ses documents.

Veuillez agréer, monsieur le gouverneur l'expression de mes sentiments distingués.

Le maire de Cambrai
Signé : V. Ramette adj

XV)
Georges Desjardins
« Échos », L'Action française, vendredi 18 décembre 1914.
En se rendant chaque jour, malgré la température rigoureuse, à l'ambulance installée par ses soins au château de Randan, Madame la Comtesse de Paris a contracté un refroidissement qui a dégréné en broncho-pneumonie. La Princesse est aujourd'hui entièrement hors de danger. Le professeur Chassaigne, de Paris, qui se trouve actuellement à Vichy, est très satisfait de la marche que suit l'amélioration progressive depuis plusieurs jours. La Reine Amélie de Portugal, les Infants don Carlos, la princesse Louise et Madame la Duchesse d'Aoste sont auprès de leur Auguste Mère.



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