lundi 9 février 2015

EN REMONTANT LE TEMPS... 830

 9 FÉVRIER 2015

Cette page concerne l'année 830 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol 

IXe Xe SIÈCLE MOMENT OU LES REINE DE FRANCIE OCCIDENTALE DEVIENNENT PLUS PRÉSENTES

En Francia Occidentalis, qu'est-ce qu'une reine ? Ce n'est que la femme du roi... Elle n'exerce jamais le pouvoir de droit, mais seulement de fait, comme par exemple Brunehaut au tournant des VIe et VIIe siècles.
Un tel fait s'inscrit dans la durée et est hérité de l'Ancien Testament : En effet, le monde juif ne connaît pas de reine, si ce n'est Esther, exilée à Babylone et reine, comme épouse du roi Assuérus. Cela a plusieurs conséquences : Les termes employés pour désigner l'épouse du souverain (uxor, conjux) dans les documents du haut Moyen-Âge occidental sont souvent d'une grande banalité.
De plus, son statut peut être encore flou au VIII siècle, avec la présence des concubines et épouses légitimes, comme Himiltrude aux côtés de Charlemagne : Les sources documentaires préfèrent les passer sous silence...

D'origine aristocratique, voire royale, les reines de Francia Occidentalis sont choisies le plus souvent dans des familles lointaines et même étrangères, ainsi les rois espèrent-ils échapper à l'accusation d'alliances incestueuses, que poursuivent les canonistes à partir du VIII siècle, ces derniers interdisent alors, on le sait, les mariages jusqu'au sixième degré, puis, lors du concile de Douzy (874), même jusqu'au septième, cependant, sont admises parfois des unions au quatrième degré, comme entre Charles le Chauve et Ermentrude, ou entre Louis le Bègue et Adélaïde Ire.
Bien évidemment, pour des raisons diverses, les rois tournent la difficulté, notamment en faisant établir de fausses généalogies leur permettant soit un mariage, soit une répudiation.
Le rang des futures reines tend d'une manière générale à s'élever.
En effet, au IXe siècle, elles sont le plus souvent filles de comtes, de Francia Orientalis (comme Judith, fille de Welf, comte de Bavière), de Lotharingie (comme Richilde, fille du comte Bivin), plus rarement de Francia Occidentalis (comme Ermentrude, fille d'Eudes, comte d'Orléans).

Puis au Xe siècle, elles sont fréquemment issues de familles royales : Edwige, deuxième femme de Charles le Simple, est fille d'Edouard Ier l'Ancien, roi de Wessex, Gerberge, femme de Louis IV, d'Henri Ier l'Oiseleur ; Emma II, femme de Lothaire, fille de Lothaire II, roi d'Italie.

D'une manière générale, rares sont les reines dont l'origine reste inconnue : Frérone, première femme de Charles le Simple, est de noble naissance, sans plus de précision.
Les sources narratives ou figurées nous renseignent assez précisément sur la personnalité des diverses reines, même s'il faut faire parfois la part du panégyrique.

Hildegarde, femme de Charlemagne, la sainte, est dite, à la fin du VIIIe siècle, « beatissima regina » ou « nobilissima piissimaque regina ».
Nous savons que Judith a séduit Louis le Pieux par sa beauté, difficile à apprécier sur un dessin contemporain, fait probablement à Reims.
De Richilde, seconde femme de Charles le Chauve, sont connus deux portraits, également contemporains, l'un sur le coffret d'Ellwangen, l'autre sur la peinture initiale de la Bible de Saint-Paul-hors-les-murs, où, placée à gauche de Charles le Chauve et accompagnée d'une femme de son entourage, elle a fière allure.
Raoul Glaber décrit Emma Ire, femme de Raoul, comme une personne « atque aspectu insignem » et, aux yeux de Richer, Gerberge est « multa virtute memorabilis ».

Si la question du sacre et du couronnement des rois a fait l'objet d'importants travaux, si les ordines utilisés à cette occasion sont faciles à consulter grâce à leur édition récente, les cérémonies correspondantes concernant les reines sont encore assez mal connues, à vrai dire, comme l'a souligné G. Lanoë, « le couronnement des reines pose dès l'origine bien des problèmes ».
Cela tient bien sûr aux sources, relativement abondantes pour le temps de Louis le Pieux et de Charles le Chauve, plus éparses et laconiques pour la suite. Leur examen montre que n'existe aucune constante, à ma connaissance, plusieurs reines n'ont reçu d'ailleurs pas la moindre bénédiction...

L'intronisation d'Ermengarde et d'Ermentrude, femmes respectivement de Louis le Pieux et de Charles le Chauve, se fait plus de vingt ans après leur mariage, tandis qu'elle est plus rapide pour Richilde, celle-ci a d'ailleurs le privilège d'apparaître couronnée et de recevoir les laudes des Pères du concile de Ponthion (juillet 876), en même temps que l'empereur, puis, l'année suivante, en septembre 877, d'être consacrée et couronnée par le pape Jean VIII, à Tortona.
En revanche, le même Jean VIII refuse tout simplement de couronner la seconde femme de Louis le Bègue, Adélaïde Ire, en considérant Ansgarde, première épouse de celui-ci, encore vivante, toujours comme la reine légitime...
Les lieux de sacre varient aussi :
C'est Reims, pour Ermengarde, Frérone, Emma Ire et sans doute Gerberge, Aix-la-Chapelle pour Judith.
Ermentrude et Richilde (en juillet 876) sont sacrées lors de réunions ecclésiastiques (synode ou concile), à Saint- Médard de Soissons pour l'une, à Ponthion pour l'autre.
Adélaïde II, femme de Louis V, est couronnée par les évêques, sans doute de la province de Bourges.
Les prélats consécrateurs dans ces deux cas sont les Pères conciliaires, représentant l'ensemble du clergé du royaume, mais le plus souvent il s'agit du pape (Etienne IV, Jean VIII) ou de l'archevêque de Reims.

En fait, c'est seulement Urbain II qui reconnaît, le 25 décembre 1089, aux archevêques de Reims le privilège de sacrer les reines, privilège qui d'ailleurs reste lettre morte au XIIe siècle.
Le déroulement ou les diverses phases de la cérémonie n'obéissent à aucune règle précise :
Étienne IV, avant de célébrer la messe, couronne Louis le Pieux, puis Ermengarde, après l'avoir qualifiée d'augusta.
Pour Judith, il y a successivement couronnement, appellation d'augusta, enfin acclamation par l'ensemble de l'assistance.

Mais le document le plus intéressant pour les IXe et Xe siècles reste l'ordo du couronnement d'Ermentrude, dû à Hincmar de Reims, le premier connu pour une reine de Francie : La cérémonie comporte une allocution de deux des Pères du concile de Saint- Médard de Soissons, une courte oraison (pour le sacre), le couronnement et enfin une bénédiction.

Pour le Xe siècle, nous sommes dans le flou : Les quelques mentions relevées font part soit d'un sacre (par exemple pour Frérone (benedictio olei et consecratio) et Emma Ire (consecratio), soit d'un couronnement (pour Adélaïde II).

Le premier rôle de toute reine est à l'évidence de donner un héritier mâle au souverain. La stérilité est la cause probable de la répudiation de plusieurs d'entre elles, peut-être de la fille de Didier, roi des Lombards, dont Charlemagne se sépare au bout d'un an.
Mais le fait que la reine mette au monde seulement des filles est presque aussi difficile à supporter pour le roi : Fastrade, femme de Charlemagne, a deux filles, dont Théodrade, future abbesse d'Argenteuil, puis de Schwarzach...

Richilde ne donne vie qu'à un fils mort-né et à une fille, Rothilde, et surtout Frérone, mère de 6 filles en moins de 10 ans, a du mourir prématurément, peut-être en accouchant.

Les reines ont disposé de biens, dont l'origine est souvent difficile à déterminer : Proviennent-ils d'une dot, donnée par leurs parents, ou bien d'un douaire, concédé par leur mari ? Les sources ne le précisent pas toujours, de plus, le mot dos est souvent amphibologique dans les textes et peut signifier tout aussi bien « dot » que « douaire ».
Il convient d'ajouter que jusqu'au milieu du XIe siècle, la veuve a pu jouir des revenus provenant de la dos, puis, à compter de cette époque, ce n'est plus possible, car, à sa mort, ce dont elle dispose pour subvenir à ses besoins doit faire retour sans aucune perte aux héritiers.

Quelques exemples des divers biens détenus par les reines et des problèmes qu'ils peuvent poser :
Ermengarde dispose de la villa Pociolos, sise peut-être en Rouergue, au profit de l'abbaye de Saint-Antonin : Le diplôme de Louis le Pieux, à la source de cette information, manque de clarté. On peut cependant supposer qu'outre ce bien, d'importance apparemment restreinte, Ermengarde en a d'autres possessions dans la même aire géographique, sans doute plus importantes, cela explique que ses actes ou interventions concernent uniquement Saint- Antonin ou Aniane...

Judith possède en douaire des biens très dispersés : D'une part, à Mons-en-Montois, non seulement la villa, « mais en fait tout le petit pays qui va devenir le Montois féodal », d'autre part, San Salvatore de Brescia.
En outre, le fait que ses missi commettent des exactions dans le diocèse de Toul semble indiquer qu'elle y a aussi des possessions.

Le même phénomène de dispersion se retrouve pour les biens d'Ermentrude : Son douaire se compose notamment de Feuquières-en-Vimeu (dépendant du fisc de Roye en Amiénois) et elle détient l'abbatiat tant de Chelles que de Morien- Val, enfin, d'après un acte faux intitulé à son nom et à celui de
Charles le Chauve, l'église de Saint- Gabriel près d'Arles aurait fait partie de son donativum.

Un acte, sans doute interpolé, de Carloman II surprend : En effet, il interdit de donner le monastère de Sainte-Croix de Poitiers en bénéfice à une reine ou à qui que ce soit: Pour M. R.-H. Bautier, « l'histoire de Sainte -Croix, si elle était mieux connue, permettrait sans doute de déterminer à quel moment le monastère a couru le risque d'être mis à la disposition d'une reine et par conséquent de dater l'interpolation », mais selon Mme Y. Labande-Mailfert, favorable à l'authenticité du document, « il semble que divers cas (en particulier celui de la reine Richilde...) permettent de penser que le risque est permanent au IXe siècle pour tout monastère.

Si ces possessions leur servent essentiellement à survivre à leur veuvage, les reines peuvent aussi disposer tout au long de leur vie de revenus, puis d'attributions propres.
Dès l'époque Mérovingienne, elles reçoivent le produit des redevances (pibuta) qui sont perçues sur leurs domaines. Puis, dès le début du IXe siècle, leurs attributions se précisent. Tout d'abord, par le capitulaire de villis, « Charlemagne délègue à sa femme une autorité de gestion dans ses domaines; elle a pouvoir de commander aux intendants, aux ministériaux, au sénéchal et au bouteiller, aux services de vénerie et de fauconnerie, de veiller à l'exécution des ordres et de prendre les sanctions nécessaires ».
Comme le souligne J. Chélini, « le rôle que la reine joue dans le palais est donc important ».

Puis, trois quarts de siècle plus tard, Hincmar, dans son « De ordinepalatif », prescrit que l'administration intérieure du palais, à l'exception de l'entretien des chevaux, tout comme la réception des dons annuels des vassaux appartiennent à la reine et, sous ses ordres, au chambrier, pour ajouter plus loin que les dons apportés par les diverses ambassades concernent le chambrier, à moins que, sur ordre royal, il en confère avec la reine, tout cela vise, conclut-il, à ce que le roi, déchargé des soucis domestiques sur la reine et le chambrier, puisse se consacrer totalement à l'organisation et au maintien de l'ordre du royaume.

Plus surprenant : Emma II, épouse de Lothaire, a même disposé du droit de battre monnaie, vers 965, au même titre que les grands, le droit régalien de monnayage ayant alors en grande partie échappé au souverain.
Ainsi, la reine, sans rôle politique officiel, peut-elle être considérée comme l'auxiliaire du roi, « consors regni », expression présente dans divers actes à compter de la seconde moitié du IXe siècle, spécialement à propos d'Ermentrude. « Consors regni », la reine l'est de diverses manières... Elle peut recevoir comme le roi les laudes d'une assemblée religieuse ou être représentée à ses côtés.
Elle bénéficie également de prières de la part de nombreuses églises.
L'intention tripartite de la prière (« pro statu Ecclesiae et salute régis et (vel) patriae ...»), fréquente à l'époque Mérovingienne, a très probablement une origine liturgique.
Sous les Carolingiens, ce type de formules, assez stéréotypé (bien que variant dans le détail) se développe pour prendre en compte également l'épouse du roi (conjux, dite exceptionnellement reine ou impératrice) et la descendance royale.

Tout d'abord la formule est banale, parfois, cependant, un adjectif affectueux est ajouté pour la reine dans les actes de Charles le Chauve, comme cara, dulcissima, amantissima ou amanda . Peu à peu, les rédacteurs sont plus précis : Ainsi sont sollicitées des prières à la fois pour Ermentrude, décédée, et Richilde, vivante.

Puis, à partir de Charles le Chauve, apparaissent les fondations d'anniversaires, avec dotation de biens pour les églises et mentions précises des jours où les clercs devront prier pour elles : Le jour de l'anniversaire de la reine est tantôt confondu avec celui du souverain, tantôt individualisé.

Enfin, un diplôme de Charles le Simple du 26 mai 918, entre autres clauses, institue, en la chapelle du palais de Saint-Clément de Compiègne, un collège de chanoines chargés de prier jour et nuit pour lui et pour sa défunte épouse Frérone, en en faisant mémoire pendant les vigiles, les messes et leurs autres prières, on a vu dans cet acte l'origine de la chapellenie.

A l'instar du roi, la reine peut être « mécène », commander et posséder des manuscrits, ou encore faire des présents. C'est notamment le cas d'Hildegarde qui, de concert avec Charlemagne, fait copier, à la fin du VIIIe siècle, un évangéliaire (B. N. F., n. a. 1. 1203), comme le précise une mention versifiée. C'est Ermentrude qui, avec Charles le Chauve, donne un pallium portant des vers brodés au pape Nicolas Ier, pour l'autel de Saint- Paul.

Comme le roi, la reine peut disposer d'un personnel, mais bien évidemment réduit. Elle charge parfois un précepteur de l'éducation de ses enfants : Ainsi, Ermengarde demande à Clément (maître de l'école du palais) de s'occuper de Lothaire, peut-être Bernard de Septimanie et Fréculphe, évêque de Lisieux, ont-ils un rôle semblable auprès de Charles le Chauve, à l'instigation de Judith, puis, Ermentrude confie la même tâche à Joseph (notaire de Pépin II) d'Aquitaine, qui enseigne Louis II le Bègue.

Frérone a auprès d'elle (sans doute à son chevet, à la fin de sa vie), deux médecins « concurrents », un Salermitain anonyme et Deroldus (par la suite évêque d'Amiens..., peut-être le plus habile) qui se combattent à coup de poisons, ainsi qu'un chapelain et confesseur, Madelgerus.
Mais surtout depuis l'époque Mérovingienne, elle a dû parfois être assistée d'un référendaire, à l'image d'Ultrogothe, épouse de Childebert Ier (511-558), dont le référendaire Ursicinus devient par la suite évêque de Cahors.

Tout comme le roi encore, la reine possède un anneau sigillaire : C'est le cas notamment d'Arégonde, la seconde épouse de Clotaire Ier (mort en
scellant les actes intitulés à son nom, la reine n'y recourt, semble-t-il, qu'à titre privé (fermeture de lettres missives, scellement de coffres).

Cependant, les reines des IXe et Xe siècles — comme leurs devancières Mérovingiennes ont la faculté de délivrer des actes. Divers diplômes de Charlemagne (notamment pour des églises Italiennes, comme Modène, Bénévent ou le Mont-Cassin, mais aussi pour l'abbaye Alsacienne de Honau, ou encore pour Salzbourg), de même que des actes de Louis le Pieux signalent d'éventuels « precepta reginarum », au même titre que d'éventuels « precepta ducum ».

Dans le n° 23 des « Formulae impériales », datable de 814-840, se trouve le passage : « omnia strumenta kartarum, quibus praefatae ecclesie a regibus et reginis vel ceteris catholicis viris res et mancipia collatae fuerant. » Pourtant actuellement peu de ces actes sont conservés : Un seul original (ou plutôt pseudo- original du XIIe s.) est intitulé au nom de Gerberge, 2 actes de Richilde sont connus par des copies, le plus souvent, ce sont des diplômes royaux qui, à vrai dire, en font état dans leur exposé.

Un fait doit cependant être souligné. Au cours des IXe et Xe siècles, pris en compte ici, la plupart des reines meurent avant leur époux :
Ermengarde, épouse de Louis le Pieux, le 3 octobre 818.
Ermentrude, épouse de Charles le Chauve, le 6 octobre 869, peu après leur séparation (été 867).
Frérone, épouse de Charles le Simple, le 10 février 917.
ERMENTRUDE
Judith, meurt le 20 mars 843, donc peu après Louis le Pieux.
Or, c'est à partir de leur veuvage, que les reines délivrent dans la période suivante la grande majorité de leurs actes, traces de l'administration de leurs domaines.
En réalité, ce fait transcende certainement les époques et explique, du moins en partie, la pauvreté de nos sources...

J'en viens maintenant aux circonstances de la délivrance des actes de reines et à leur teneur. Les préceptes d'Ermengarde pour Saint-Antonin comme pour Aniane, certainement de peu antérieurs à sa mort, sont entérinés par Louis le Pieux.
De même Judith projette de se dessaisir de Mons-en-Montois au profit de Saint-Martin de Tours, in extremo sui temporis.
Les sources connues pour Ermentrude sont heureusement moins rares, mais font souvent problème. D'une part, elle procède avec Saint-Maur-des-Fossés à un échange restreint de biens de la région de Chelles, avec l'autorisation de Charles le Chauve. Mais, plus intéressant est celui qu'elle conclut avec son époux d'un bien dépendant de l'abbatiat de Notre-Dame de Laon, bien dont la nature est difficile à déterminer, en raison de l'obscurité du diplôme de Charles le Chauve qui le mentionne, or, il est avéré que ce bien doit être restitué à l'église de Châlons-en-Champagne ; pour ne pas être lésée, Ermentrude reçoit donc une nouvelle possession.

En présence de documents aussi rares, il est délicat de formuler une hypothèse sur la personnalité de leurs rédacteurs. On peut seulement supposer qu'aux IXe et Xe siècles la reine n'a généralement pas auprès d'elle de clerc particulier, chargé de la rédaction des quelques pièces qu'elle expédie de temps à autre. Elle doit alors confier cette tâche soit à la chancellerie royale du vivant du souverain, soit en tout temps à l'un des membres de la communauté destinataire.

A côté des actes des reines proprement dits, il faut noter l'importance de la correspondance échangée par quelques-unes d'entre elles avec divers grands personnages, même si l'on a parfois, à juste titre, mis en cause l'authenticité de certaines lettres missives.
Une telle correspondance existe bien antérieurement au IXe siècle. Qu'il suffise de citer l'imposante collection de celles adressées par Brunehaut dans les dernières décennies du VIe siècle à divers grands personnages (l'empereur Maurice, Athanagilde, l'impératrice Anastasie) ou reçues par elle (de la part de Germain, évêque de Paris, ou Grégoire le Grand), dites « Epistolae austrasicae ». Pour les IXe et Xe siècles, 3 reines, à notre connaissance, expédient des lettres, Ermentrude, Gerberge et Emma II, leurs destinataires, fort divers, sont :
Pour Ermentrude, Pardoul, évêque de Laon, Héribold, évêque d'Auxerre, le pape Nicolas Ier.
Pour Gerberge, Edmond, roi d'Angleterre, Othon Ier, roi de Germanie, Adson de Montier-en-Der.
Pour Emma II, sa mère, l'impératrice Adélaïde (3 fois), l'impératrice Théophano, un évêque indéterminé.
Les reines qui, durant la même période, sont les destinataires de lettres sont Judith, Ermentrude, Richilde et Gerberge.

L'activité, le rôle des reines, tels que je viens de les examiner grâce aux actes intitulés à leur nom ou à la correspondance qu'elles ont pu entretenir, se manifestent aussi d'une manière éclatante par leurs diverses et très nombreuses interventions pour des grands ou au profit d'églises.
Ces interventions de reines, généralement auprès du souverain, sont rares à l'époque Mérovingienne, pour se multiplier à partir de Louis le Pieux et de Judith, à tel point que le nom de cette dernière (exemple même des intercesseurs) est mentionné dans le n° 51 des Formulae impériales.
Les reines interviennent de diverses manières, pour des motifs différents, ainsi qu'à diverses étapes de l'élaboration des actes.
Il convient de souligner tout d'abord que les reines agissent comme proches du pouvoir royal. Toutefois, un acte de Lothaire et de Louis V pour l'église de Paris qualifie Emma II de « fidèle » et la met sur le même plan que le duc des Francs, Hugues Capet, ce qui pour J.-Fr. Lemarignier est tout à fait anormal.
En fait, l'origine de ces nombreuses interventions des reines est sans doute à chercher dans le rôle d'accueil des ambassades mentionné par Hincmar dans son De ordine palatti.
5 reines des IXe et Xe siècles interviennent très fréquemment auprès du souverain : ce sont Judith (11 fois), Ermentrude (12 fois, plus une fois auprès d'Hincmar de Reims), Adélaïde Ire (15 fois, soit 3 fois auprès de son mari
Louis II le Bègue et 12 fois auprès de son fils Charles le Simple), Gerberge (10 fois) et Emma II (12 fois).
Elles mènent leurs démarches, soit seules, soit en compagnie de grands, laïques ou clercs.
Seules, elles agissent d'ordinaire pour le compte d'églises, situées dans leur zone d'influence (par exemple Judith auprès de Louis le Pieux pour l'abbaye Alsacienne de Hohenburg), à moins que ce ne soit celle de leur famille (par exemple Emma auprès de Raoul de Bourgogne pour les églises Bourguignonnes de Saint- Martin d'Autun et de Cluny), les églises bénéficiant de leur soutien peuvent être également proches de leurs domaines (c'est le cas des églises de Marmoutier et de Ferrières, auxquelles Judith prête son aide). C'est parfois aussi l'intérêt familial qui les guides, que leur fils soit le bénéficiaire de la faveur royale (entre autres, Ermentrude intervient auprès de Charles le Chauve pour l'abbaye de Saint- Germain d'Auxerre, dont son fils Lothaire le Boiteux est abbé) ou encore que le roi, bien jeune pour gouverner, profite ainsi des conseils de sa mère (par exemple Adélaïde Ire joue ce rôle auprès de Charles le Simple).
Fréquemment, elles agissent aussi de concert avec d'autres dignitaires. Parfois, elles peuvent même accompagner la même personne — peut-être leur parent.
Des intérêts particuliers, des relations personnelles de longue date ou occasionnelles sont donc à l'origine des interventions des reines.
Les reines interviennent de diverses manières. Des communautés religieuses peuvent leur confier la tâche de présenter au souverain les actes anciens, dont elles sollicitent la confirmation.
Deux types d'intervention des reines méritent enfin une attention spéciale, car chacune d'elles marque son époque.
le 4 mars 828, un diplôme de Louis le Pieux et Lothaire pour l'abbaye de Schwarzach se termine par « Domna regina Judit ambasciavit ».
le 10 juin 833, un précepte de Louis le Pieux pour l'abbaye de Sainte- Colombe de Sens renferme, avant la date, la formule « Domna regina et Fulco impetraverunt ».
et encore, 3 actes de Charles le Chauve pour Saint-Maur- des-Fossés du 20 juin 867, pour son fidèle Robert de 875-876 et pour l'abbaye de Nivelles du 9 juillet 877 comportent respectivement les expressions « Domna regina ambasciavit », « Richildis ambasciavit » et « Domina Richildis imperatrix ambasciavit ». Les démarches, que recouvrent les verbes impetrare et ambasciare, sont proches. Mais, si l'on s'accorde à traduire impetrare par « obtenir l'ordre d'expédition de l'acte ». Enfin, à compter du milieu du Xe siècle, on trouve des diplômes royaux délivrés avec le consentement de la reine : Indice, entre autres, de l'affaiblissement du pouvoir royal. En l'occurrence, Gerberge approuve, en 949, le remplacement des religieuses d'Homblières par des moines, puis, avant 954, la restitution de la villa de Corbeny à Saint- Rémi de Reims et la réforme de l'abbaye de Saint-Basle de Verzy.

En conclusion, il est clair que les IXe et Xe siècles voient une transformation importante du statut et du rôle des reines de Francie. Du roi, elles reçoivent des attributions assez précises qui leur confèrent un pouvoir notable sur le gouvernement intérieur du palais. Elles disposent sûrement d'un personnel (même s'il est réduit et de ressources assez importantes qui leur permettent de développer un certain mécénat, puis de subvenir à leurs besoins en cas de veuvage. Certes, cet état n'est pas très fréquent pour elles à cette époque et explique en partie le nombre restreint d'actes qu'elles ont pu délivrer, essentiellement pour l'administration de leur douaire. Certes, l'anneau sigillaire qu'elles peuvent posséder ne leur sert pas au scellement de ces actes, mais plutôt à un usage privé. Pourtant, elles entretiennent une correspondance assez soutenue avec d'importants personnages et sont en contact avec des dignitaires, laïques ou clercs, pour lesquels elles interviennent fréquemment. Ainsi, les reines des IXe et Xe siècles, à la charnière de la royauté et des grands, jouent un rôle important (voire essentiel), dont l'étude détaillée pour la période envisagée ici, et à plus forte raison pour une plus longue durée, peut permettre, je crois, de mieux appréhender la réalité du pouvoir royal...

Ermentrude ou Hermentrude
(née le 27 septembre 830, morte le 6 octobre 869) première femme de Charles le Chauve, Ermentrude est la petite-fille d’un seigneur puissant, Adalhard, et la fille du comte d’Orléans Eudes Ier. Son mariage, qui est célébré le 14 décembre 842 à Crécy-en-Ponthieu, est un acte de politique. D’ascendance illustre, Ermentrude compte parmi ses ancêtres Charles Martel, Pépin le Bref ou encore Didier, roi des Lombards et père de Désidérade, l’une des épouses de Charlemagne.

Charles II en eut :
Judith de France (843 ou 846-870 ou 871), Reine de Wessex et Comtesse de Flandres, qui épousera, en 856 Ethelwulf de Wessex, Roi de Wessex, en 858 Ethelbald de Wessex, Roi de Wessex, en 863 Baudouin Ier Bras-de-Fer, Comte en Flandre.
Louis II le Bègue dit aussi le Fainéant (1er novembre 846-10 ou 11 avril 879), Roi de France en 877.
Charles l'Enfant (vers 847-29 septembre 865 ou 866), Roi d'Aquitaine.
Carloman (849-vers 876), Abbé, mort de ses blessures, après avoir eu les yeux crevés sur ordre de son père, pour s'être révolté.
Lothaire le Boiteux (vers 850- à la fin 865 ou 866), Abbé de plusieurs abbayes dont Saint-Germain d'Auxerre.
Hirmintrudis ou Ermentrude (851-après 877), Abbesse de Hasnon.
Rotrudi ou Rotrude de Poitiers (855-après 912).
Hildegardim ou Hildegarde.
Gislam ou Gisèle.
Drogo (mort en 865).
Pippin (mort en 865).
Godehilde de France (née en 865).

En 869, Ermentrude meurt dans le monastère de Saint-Denis où elle est ensevelie : Elle est nommée dans tout le règne de Charles le Chauve comme l’ayant accompagné dans les chasses et dans les assemblées, quelquefois il semble que l’autorité souveraine soit partagée entre le roi et son épouse dans des actes publics on lit : La reine ordonne.
Lors de la réconciliation de Lothaire et de Charles le Chauve, à Attigny, il est dit que c’est par l’intervention d’Ermentrude, que Lothaire, qui a envoyé un message de paix, reçoit de son frère une réponse favorable...
Des éléments extérieurs au royaume ont semé la discorde dans le couple royal : Les démêlés matrimoniaux de Lothaire II, roi de Lotharingie (Lorraine).

Mais si Ermentrude a fermement soutenu Theutberge, Charles le Chauve, lui, a plaidé en faveur de son neveu Lothaire II et s’est fait rappelé à l’ordre par le pape. Ces dissensions ont amené Ermentrude à fuir la Cour en 867 pour s’installer à l’abbaye de Hasnon près de Valenciennes.
Après la mort de Lothaire II le 8 août 869, Charles II le Chauve pénètre en Lotharingie et se fait sacrer à Metz par Hincmar, archevêque de Reims, le 9 septembre 869. Un mois plus tard, Ermentrude meurt.

Elle était en disgrâce depuis 2 ans déjà, et Charles le Chauve aimait depuis longtemps une autre femme qu’il se hâta d’épouser. Voilà le récit un peu abrégé que l’on trouve dans les Annales de Saint-Bertin : « Charles le Chauve ayant appris dans sa maison de Donzy, le 9 octobre, que son épouse Ermentrude est décédé le 6, envoie aussitôt Boson, fils du feu comte Bouin, en message vers sa mère et sa tante maternelle, veuve du roi Lothaire, afin qu’il lui amène sa sœur Richilde...
Le rôle des reines de France aux IXe et Xe siècles
www.persee.fr/web/revues/.../crai_0065-0536_1998_num_142_3_1591...
de J Dufour - ‎1998 - ‎Cité 2 fois - ‎Autres articles
L'intronisation d'Ermengarde et d'Ermentrude, femmes respectivement de Louis le Pieux ... l'année suivante, en septembre 877, d'être consacrée et couronnée par le pape ..... 830, B. von Simson éd., M. G. H., SRG, Hanovre-Leipzig, 1905, p.
Ermentrude d'Orléans (fille d'Eudes d'Orléans) — Wikipédia
fr.wikipedia.org/wiki/Ermentrude_d'Orléans_(fille_d'Eudes_d'Orléans)
Ermentrude d'Orléans (27 septembre 830-† 6 octobre 869) est une reine ... mourut à la fin de l'année 865, et Carloman, mourut en 876 de ses blessures, après ...

Reines, Impératrices - La France pittoresque
www.france-pittoresque.com/spip.php?rubrique706
9 janv. 2013 - Ermentrude ou Hermentrude (née le 27 septembre 830, morte le 6 .... de l'année 996, Robert II épousa Suzanne-Rozala de Provence en 988, ...
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