1041... EN REMONTANT LE TEMPS

 Cette page concerne l'année 1041 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

LA CHANSON DE GESTE : JOURNALISME DES SENTIMENTS DU MOYEN ÂGE

Les chansons de gestes Provençales, sont véhiculées par les jongleurs et les troubadours... Elles content la vie des Saints, des Rois, des Héros et parfois comme celle-ci l'histoire d'un enfant il est vrai, mais neveu de Charlemagne.

Quand le duc Beuve d’Antone, grand seigneur célibataire et l’un des principaux conseillers de l’empereur, décide de choisir un « compagnon », il se tourne vers le comte Gui, le moins riche de ses barons. Et pour mieux montrer le peu d’intérêt matériel qu’il peut trouver dans cette affaire, Beuve précise les conséquences du serment qu’ils vont échanger : tous leurs biens seront désormais communs, l’un devenant automatiquement l’héritier de l’autre.

Mais bientôt Beuve d'Antone épouse Ermenjart (Ermengarde), la propre sœur de Charlemagne, et un enfant naît de leur union, qui est baptisé avec faste :Beton
Entre-temps, le duc a accueilli dans son château le jongleur Daurel et sa famille. Là aussi naît un enfant que Beuve accepte de baptiser :
Le temps de joie des épousailles et des baptêmes fait bientôt place au temps de peine de la chasse et de la mort. Le comte Gui tue sauvagement son compagnon qui se laisse immoler sans une plainte et sans un mot de haine à l’égard de son meurtrier, Il pense à son fils : Gui, cependant, ne lui laisse aucun espoir à ce sujet :
Et Beuve d'Antone n’a plus qu’à remettre Beton entre les mains protectrices de Dieu et de la Vierge :
Il est peu question de Beton dans le discours assez dur qu’Ermenjart tient à son frère lorsque celui-ci décide de lui faire épouser le comte Gui. Si Beton vit, dit-elle, il saura la venger, mais elle ne veut pas, entre-temps, que ses enfants aient un traître pour père.
Rentrée à Poitiers, et mariée malgré elle, la dame ne tarde pas à concevoir des craintes légitimes pour la vie de son fils. La fille d’un bourgeois, Aiceline, qui vient de perdre à la fois son mari et un tout jeune enfant, emmène Beton pour l’élever dans une île...
L'auteur n’hésite pas à nous donner des détails sur les soins qui sont donnés au bébé :
La disparition de Béton inquiète Gui, mais il apprend bientôt où se trouve l’enfant par un pêcheur à qui Aiceline s’est imprudemment confiée... C’est Daurel qui intervient pour sauver la situation : aidé par un frère d’Aiceline, il enlève l’enfant et le confie à sa propre épouse, Béatris. Quant à la jeune nourrice, elle est simplement oubliée sur cette île où Gui lui inflige d’atroces tortures et obtient d’elle qu’elle trahisse Daurel.
Le traître se dirige immédiatement vers Monclar et là nous assistons à une nouvelle scène horrible au cours de laquelle il tue avec la plus grande brutalité le jeune Daurelet que le jongleur a substitué à Beton dans un élan suprême de sacrifice :
Daurel enveloppe l’enfant dans une étoffe de soie et l’emporte à Poitiers où il est enterré auprès du duc Beuve, pour qui il est mort. Ensuite, avec l’assentiment d’Ermenjart, le jongleur s’embarque avec Beton pour un pays lointain, sans omettre d’emmener une nouvelle nourrice. Et, tandis qu’Ermenjart se réjouit de savoir son fils en sûreté, le jongleur et l’enfant abordent bientôt en Babylonie.
Là, ils sont fort bien accueillis par l’émir qui, manifestement, apprécie l’art de Daurel. Après avoir refusé un riche présent, celui-ci présente Beton comme son fils et demande, pour toute récompense, qu’on veuille bien faire élever cet enfant à la cour.
A partir de ce moment, l’auteur nous permet de suivre, année par année, l’évolution de Beton, pour ce qui concerne les transformations de son apparence physique aussi bien que le développement de ses qualités morales,
Jusqu’à 3 ans, l’enfant reçoit seulement des nourritures physiques et manifeste sa jeune personnalité par une beauté douce qui fait douter de son origine prétendument humble.
A 4 ans, il force l’admiration par sa vivacité.
Un an plus tard, sa beauté s’est affirmée, et il apprend à jouer de la harpe et de la viole. A cet art-là aussi il se révèle adroit.
Un jour de cette année, il gagne au jeu les bliauts (sous) de 10 enfants nobles, et il les distribue bientôt aux enfants de la ville sans rien garder pour lui. C’est sa générosité qui, maintenant, étonne, et fait croire à l’émir que Beton ne peut pas être le fils d’un jongleur.
L’enfant est soumis à une épreuve : il recevra de l’argent après qu’il aura dit des vers à la fille du souverain, s’il accepte d’être ainsi payé, c’est qu’il est bien fils de jongleur. Évidemment il refuse les 100 marcs qu’on lui propose. Il n’en est que plus aimé de tous.
A 9 ans, il continue à briller aux jeux et il se met aussi à chasser et à entraîner les chevaux. En même temps, il exerce avec talent le métier de jongleur que Daurel lui a enseigné.
A 11 ans, il apprend l’escrime et à 12 ans il joute avec succès contre celui qu’il croit être son père. Daurel décide alors de lui dire qui il est et de lui révéler les événements tragiques qui ont suivi de peu sa naissance. Beton sait désormais quelle mission de vengeance il aura à accomplir.
A 13 ans, il renonce aux exercices gratuits pour connaître la guerre. Il a cessé d’être un enfant et se prépare à accomplir les exploits que sa naissance impose et qui lui permettront de parcourir le chemin le séparant encore de la condition d’adulte.
A travers ce résumé à peine sélectif de l’intrigue, on peut se rendre compte de l’importance quantitative du rôle de l’enfant dans Daurel et Beton. Plus de la moitié des laisses qui composent cette chanson lui sont consacrées et il ne s’agit jamais, on l’a vu, d’allusions fugaces. Dans cette épopée « réaliste », l’enfant est à la fois objet et sujet du discours littéraire, et son passage de l’une à l’autre de ces fonctions, au lieu d’être latent ou traité comme le sont habituellement les transitions inutiles, suscite un développement des plus originaux...
En 1977, Béatrix Vadin défend l’idée que le Moyen Âge n’est pas « à l’écoute de l’enfant », l’idée que l’enfant est alors « tout à fait méconnu et négligé par la société. Quitte à la nuancer sensiblement par les exemples cités dans les travaux assez récents de Jeanne Lods, de Régine Colliot ou de Jean Subrenat, on peut admettre cette thèse comme correspondant assez bien à la tendance générale que l’on reconnaît dans la quasi totalité des œuvres médiévales. Toutefois il faut reconnaître que Daurel et Beton constitue une œuvre « originale », sinon atypique, dans le concert des épopées et des romans du XIe XIIe siècle.
En outre, il faut distinguer, parmi les traitements littéraires de l’enfance dans Daurel et Beton, ceux qui concernent le tout jeune enfant, incapable encore de manger seul, de marcher ou de s’exprimer et ceux qui interviennent dans une perspective que l’on a dite « pédagogique ». Or si ce dernier aspect a été étudié assez longuement par Paul Meyer, par Arthur S. Kimmel et, plus récemment, par Alberto Limentani, le premier n’apparaît que dans un court, mais très intéressant, commentaire d’A.S. Kimmel.
« Dans Daurel, écrit-il, la scène au cours de laquelle Aiceline, la nourrice de Béton, s’occupe amoureusement de l’enfant, est unique dans l’épopée ». Et Kimmel cite les vers où l’on voit la jeune femme embrasser l’enfant, le langer puis le vêtir, lui chanter une berceuse et baiser enfin son visage endormi en priant Dieu qu’il préserve sa vie...
Aiceline n’est pas le seul personnage à qui l’auteur prête des sentiments tendres à l’égard des nouveaux-nés. Lorsque Daurel lui confie Beton, Béatrice n’exprime que de la joie et ses propres enfants ne tardent pas à lui faire écho :
On a vu que l’émir de Babylonie se laisse émouvoir par le moindre sourire ou gazouillis de l’enfant. Quant au jongleur, après avoir dû sacrifier Daurelet, il éprouve une peine très profonde et il met toute son affection paternelle blessée à s’occuper du petit cadavre avec des gestes touchants :
Par un effet évident de contraste avec toutes les scènes où il n’est question que d’amour lorsqu’il s’agit d’enfants, la cruauté de Gui prend des accents paroxystiques dans l’expression du mal.
Au-delà même des attitudes prêtées aux différents personnages, on reconnaît chez l’auteur un souci de réalisme particulièrement développé chaque fois que l’enfant est en jeu. Non seulement il nous dit qu’on l’aime, qu’on le nourrit ou qu’on le vêt, mais il nous donne sur ces sujets un nombre considérable de précisions ou d’explications. Ainsi ne confie-t-on pas l’enfant, lorsqu’il est en danger, à n’importe qui... Beatris peut le nourrir parce qu’elle a un bébé du même âge. Quant à Aiceline, son père l’a présentée à Ermenjart en ces termes :

Et ce dernier « détail » que Paul Meyer a curieusement omis dans son analyse du poème réapparaît lorsque Gui, dans un mouvement de sadisme médité, la torture en blessant ce qu’il y a en elle de plus physiquement maternel :

Lorsque Aiceline et Béton vivent cachés dans l’île, on leur apporte régulièrement des vivres et des vêtements. Lorsqu’il s’embarque pour la Babylonie, Daurel ne manque pas d’emporter tout ce qui est nécessaire à leur subsistance, et notamment une nourrice.
Enfin les descriptions de l’enfant présentent ce qu’on pourrait appeler un caractère de réalisme affectif dans la mesure où l’auteur s’attache à des qualités de l’enfant qui n’ont que peu de chose à voir avec l’adulte qu’il sera. C’est un bébé que l’on pouponne, qui sourit et à qui l’on sourit en admirant la pureté de ses traits :
Rien dans tout cela, en vérité, qui puisse apparaître comme un topique, rien non plus qui rappelle ce « mouvement d’humeur » que « cette faiblesse de l’enfance provoque parfois chez les adultes » dans les épopées Françaises étudiées par Jeanne Lods.
Une première remarque s’impose, concernant ces comparaisons, dans la mesure où les extraits cités par A.- Limentani sont loin de correspondre exactement à ce que nous lisons dans Daurel et Beton.
Le texte de Flamenca envisage, en quelques vers seulement, l’évolution des filles, en choisissant quelques étapes marquantes de leurs possibilités érotiques :
A 13 ans, Amour commence à réclamer son dû.
A 16 il est encore possible, par faveur du destin, de connaître Amour
A 21 ans, il est trop tard, même si l’on a de beaux restes !
Quant à Isidore de Séville, il établit simplement une gradation entre les âges de l’homme, qui semble ressortir davantage à la réalité observée qu’à un topique quelconque. Ni l'auteur anonyme de Flamenca, ni Isidore de Séville n’envisagent le rôle de l’éducation dans l’évolution qu’ils évoquent.
On trouve dans les textes sur lesquels se fonde notre connaissance du droit canonique médiéval une grande variété dans les noms par lesquels on désigne l’enfant ou les âges par lesquels il passe : « infans, puer, puella, parvu-lus, iuvenis, adolescens, adultus, grandiusculus, impubes, pubes [...], puerilis aetas, aetas pueritiae, rrnnor aetas, aetas proxima infantiae, aetas proxima pubertati, aetas tenera, nubilis aetas, légitima aetas, perfecta aetas, plena aetas, aetas rationabilis, aetas discretionis ». Tous ces termes ne sont pas également précis, ou connus avec précision, mais ils permettent au moins, selon René Metz, de distinguer, pendant la période de « minorité » qui va de la naissance à l’âge de 25 ans, plusieurs étapes importantes et socialement reconnues puisqu’elles marquent, pour l’enfant, la faculté d’accéder « aux différents états de vie et aux actes religieux »:
L’enfance proprement dite va de la naissance à l’âge de 7 ans.
l’âge proche de l’enfance et l’âge proche de la puberté se partagent les 7 années suivantes chez l’homme, alors que chez la femme cette période est réduite à 5 ans,
L’âge de la puberté, enfin, conduit « l'enfant » jusqu’à sa majorité.
Dans Daurel et Beton, on l’a vu, l’auteur décrit les progrès de l’enfant à tous les âges, à l’exception de la huitième et de la dixième années, et encore faut-il vraisemblablement attribuer cette omission à une lacune du manuscrit. Mais il est remarquable de constater, dans la perspective d’une conception réaliste de l’enfant, que l’auteur ménage un temps d’arrêt important sur l’âge de 7 ans. C’est, pour le droit canonique, l’âge de raison ou l’âge de discrétion, et c’est à cet âge-là que nous voyons Beton révéler spontanément son intelligence supérieure, sa nature généreuse et, au cours d’une épreuve, son désintéressement pour les biens matériels...
L’autre temps d’arrêt se situe à 13 ans, moment des premiers exploits authentiques de l’enfant et moment du premier conflit qui l’oppose à un père adoptif soudain jaloux d’une autorité qui n’est plus de mise. Un changement important s’est opéré dans la psychologie de cet enfant et Daurel ne tarde pas à le comprendre puisqu’il renonce alors à tout mensonge, à toute contrainte envers lui. Quant aux raisons pour lesquelles l’auteur situe cette mutation à 13 ans plutôt qu’à 14 ans comme le voudrait le droit canonique, nous ne pouvons guère les envisager que sous la forme d’une hypothèse. Il s’agit simplement de montrer, sans exagérer, la précocité de cet enfant exceptionnel. C’est le fils de Beuve d'Antone, c’est le neveu de Charlemagne et, comme l’ont noté A. S. Kimmel et A. Limentani, notre texte insiste lourdement sur ce postulat essentialiste selon lequel « bon sang ne peut mentir »... La première maturité de Beton se situe ainsi entre celle des hommes ordinaires et celle du Christ puisque c’est à 12 ans, selon Luc, que Jésus s’est éloigné de ses parents pour discuter, à Jérusalem, avec les docteurs du temple.
L’originalité des passages que nous évoquons me paraît toutefois résider surtout dans le point de vue, qui est ici adopté par l’auteur. Non seulement il est sensible à une évolution ponctuelle, mais il parvient encore à distinguer les phénomènes évolutifs propres au développement spontané de l’enfant (sa beauté, son intelligence, sa gentillesse) et ceux qui dépendent d’un apprentissage : son adresse aux jeux ou à l’escrime, sa capacité à monter et à dresser les chevaux, son art de jongleur ne se révèlent qu’après une ou plusieurs années d’apprentissage systématique... En fait, il s’agit bien avant le débat pédagogique devenu permanent, de distinguer nature et apprentissage et cela en observant l'enfant et en appréciant isolément chacun de ses progrès sans se précipiter vers l’aboutissement qui satisfait davantage l’esprit de l’adulte. A chaque âge, Beton est aimé pour ce qu’il est autant que pour ce qu’il devient, dans un système de valeurs où l’on privilégie les qualités morales et les sentiments que l’on inspire aux autres :
Dans Daurel et Beton, l’enfant est omniprésent, mais il ne prend jamais les formes d’un thème ou d’un motif littéraire. Il apparaît comme un être réel, vivant, observable, digne d’intérêt et d’amour. Dans un monde où le mal trouble en la déchirant la vie des hommes de bonne volonté, l’enfant apparaît comme un espoir et comme la réalisation d’un rêve de pureté.
Mais ce n’est pas un symbole. C’est tout au contraire une réalité tangible qui échappe presque à la création littéraire, un être frêle que l’on doit protéger et aider à devenir adulte en lui procurant autant d’affection que de nourriture, autant de soins physiques que de savoir et de savoir-faire, même s’il porte en lui, dès sa naissance, des qualités essentielles déterminantes.
Ce qui paraît original, et un peu anachronique, voire prémonitoire, dans cette singulière chanson de geste, c’est moins le regard porté sur l’enfant que le mouvement de ce regard. Il ne part pas de l’adulte idéal qui attend impatiemment que l’enfant le rejoigne dans ce qu’il considère comme sa perfection. Il se porte sur l’enfant lui-même et découvre peu à peu en lui non l’adulte qu’il devrait devenir, mais l’adulte qu’il devient. Incontestablement l’auteur connaît bien les enfants et les responsabilités de celui qui les élève, bien au-delà des préceptes pédagogiques que l’on peut lire çà et là, et son attitude, surtout en face du tout jeune enfant évoque plutôt celle d’une mère que celle d’un père. Mais l’auteur anonyme de Daurel et Beton qui, dans une autre partie de son œuvre insère une revendication féministe très subtile, ne serait-il pas, tout compte fait, une femme ?...

L'enfant au Moyen Âge - L'enfant dans Daurel et Beton ...

books.openedition.org/pup/2723?lang=fr

17Un jour de cette année, il gagne au jeu les bliauts de dix enfants nobles, et il les distribue bientôt ... défendit l'idée que le moyen âge n'était pas “à l'écoute de l'enfant”, l'idée que l'enfant était alors "tout ... 32 Vv. 1041-1043 et 1048-1049, p.

LES JONGLEURS EN FRANCE - centrostudirpinia.it

www.centrostudirpinia.it/.../Faral-%20Les%20jongleurs%20en%20Franc...

(intéresse surtout la Provence, mais aussi la France). ..... des chansons de geste, le problème ... chansons degeste aient un passé moins reculé qu'onne croit ..... 1041). 2. On trouve les principaux textes concernant cette histoire avant le.

Full text of "Daurel et Beton; chanson de geste provençale"

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Le duc Beuve d'Antone était assis dans son châ- teau, ayant autour de lui les ...... 3* p. ajut 407, 1259, aider. ajustar 202, 1041, 1924, ajus- tier 1 53, 21 55, ...