mardi 15 juillet 2014

1036... EN REMONTANT LE TEMPS

Cette page concerne l'année 1036 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

LES SIGNES AVANT-COUREURS DES CROISADES
ITINÉRAIRE TERRESTRE DU PÈLERINAGE A JERUSALEM 
Il y a mille ans, Le pèlerinage à Jérusalem
Ce texte retrace le grand élan des pèlerins à Jérusalem autour de l’an mil dans le siècle précédant la Première Croisade. Texte extrait d’une biographie du Bourguignon Hugues de Chalon, grand artisan du mouvement de la Paix de Dieu... . A la fois comte de Chalon et évêque d’Auxerre, proche à la fois des Clunisiens et du roi Robert le Pieux

Au nombre des prodiges qui entourent, en 1033, le millénaire de la Résurrection du Christ, Raoul Glaber compte la multiplication des pèlerinages à Jérusalem: « Une foule innombrable se met à accourir du monde entier vers le sépulcre du Sauveur, il est difficile de croire qu'une foule aussi prodigieuse soit fervente à ce point... D'abord la basse classe du peuple, puis la classe moyenne, puis les rois les plus puissants, les comtes, les marquis, les prélats, enfin, ce qui ne s'est encore jamais vu, beaucoup de femmes nobles ou pauvres entreprennent ce pèlerinage ».
Le voyage en Terre-Sainte, la visite du tombeau du Christ,  pèlerinage par excellence, n'a rien d'une nouveauté. Les musulmans qui occupent les lieux depuis le VIIe siècle ont toléré cette pratique déjà ancienne et en tirent profit. Les liens avec l'Orient sont donc demeurés vivaces, et on connaît plusieurs récits  de pèlerins des VIIIe et IXe siècles...
Le voyage se fait alors par mer, il est long et périlleux. Cependant les départs se multiplient aux approches de l'an mil... On relève les noms des abbés d'Aurillac (972), de Saint-Aubin d'Angers (988), de Montier-en-Der (992), ainsi que de seigneurs laïcs Aquitains ou Lorrains. Sous ce rapport, l'an mil apporte un véritable miracle :
La destruction de l'église du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Cette démolition est ordonnée par le sultan d’Égypte, Hakim Bamr'illah. Monté à 11 ans sur le trône des Fatimides (en 996), Hakim est un être capricieux, célèbre pour ses bizarreries et son despotisme.
Abandonnant la traditionnelle politique de tolérance envers les non-musulmans, il oblige les chrétiens et les juifs à porter des marques distinctives sur leurs vêtements, interdit aux femmes de paraître le visage découvert, prohibant en outre l'usage des chevaux et le commerce du vin...
Sur le toit des églises et des synagogues, il fait bâtir de petites mosquées, d'où un muezzin annonce les heures des prières musulmanes...
Enfin Hakim se met à persécuter les pèlerins chrétiens venus de plus en plus nombreux à Jérusalem. Il est fort possible, comme le sous-entend Raoul Glaber que la destruction du Saint-Sépulcre soi une réponse à cette affluence de pèlerins. Hakim doit également être informé des événements d'Espagne où s’esquisse la « Reconquista »...
La conversion au christianisme du souverain Hongrois Waïk (Saint Étienne) ouvre subitement aux pèlerins occidentaux une route terrestre vers Byzance et Jérusalem...
Baptisé Étienne, le prince Magyar tient même à favoriser leur passage:
« Il leur ménage à tous une route des plus sûres, accueillant comme des frères tous ceux qu'il voit et leur fait d'énormes présents, incitant un grand nombre, nobles ou gens du peuple,  à partir pour Jérusalem ».
En 999 , l'année même où il est élevé au pontificat , sous le nom de Sylvestre II , le célèbre Gerbert d'Aurillac adresse à l'Église universelle, au nom de l'Église de Jérusalem désolée, une lettre touchante, dans laquelle il implore l'aide des chrétiens contre la tyrannie et l'oppression des infidèles. Cette lettre eut un grand retentissement, avec pour résultat immédiat les attaques dirigées par les Pisans contre les Sarrasins d'Afrique.
PAPE SYLVESTRE II
L'un des premiers à suivre cette route du Danube est le comte Foulque d'Anjou, qui, ayant laissé la garde  de son comté à son demi-frère Maurice, gagne la Terre-Sainte en 1003... Foulque Nerra cherche à obtenir le pardon de ses péchés, (massacres de Conquereuil), ou responsabilité de la mort de sa femme Elizabeth, qui vient de périr carbonisée...



Les rares pèlerins qui osent affronter l'orage sont plutôt mal reçus... Foulque Nerra, qui retourne à Jérusalem vers 1010 (pour expier le meurtre d'Hugues de Beauvais) a été mis en demeure d'uriner sur le tombeau et la croix du Christ s'il veut s'en approcher... Usant d'un subterfuge :
Une vessie de mouton « remplie du meilleur vin blanc, et convenablement placée entre ses cuisses »...
Histoire probablement légendaire, mais révélatrice des difficultés nouvelles. , la route de Jérusalem est totalement fermée « pendant 3 ans », mais du fait plutôt par la faute des Grecs de Constantinople... Attaqués par les Normands qui viennent de s’installer en Italie méridionale, les Byzantins décident en effet de bloquer le chemin de l'Orient en représailles, emprisonnant les pèlerins qui tombent entre leurs mains.
Le calife Hakim, qui ne redoute plus l'invasion des chrétiens, revient alors à de meilleurs sentiments à leur égard.
Vers 1017, il leur permet de reconstruire leurs églises dont celle du Saint-Sépulcre. Par ailleurs il déclare qu'il est lui-même l'incarnation de la divinité, et fonde une secte à laquelle les Druzes sont encore fidèles aujourd'hui... A sa mort, en 1021, le Saint-Sépulcre se relève de ses  ruines et les pèlerinages reprennent de plus belle.
Beaucoup suivent cet exemple, tels les évêques de Poitiers et de Limoges. L'évêque Oudry d'Orléans se rend lui aussi à  Jérusalem entre 1025 et 1028. Véritable ambassadeur du roi Robert, il offrit de sa part au basileus Constantin une épée à la garde d'or et une boîte d'or massif contenant de précieux joyaux. L'empereur offre en retour un grand nombre de manteaux de soie, ainsi qu'un important fragment de la vraie croix du Christ.
L'un des voyages les mieux connus est celui qu'effectuent en 1026 un important groupe de seigneurs Aquitains, Normands et Lorrains :
Le 1er octobre, Guillaume Taillefer, comte d'Angoulême, quitte sa ville accompagné de plusieurs abbés et d'une « grande cohorte de nobles ». Ils sont bientôt rejoints par Eudes de Bourges et remontent vers le nord-est en direction de Verdun. Là, ils se regroupent avec des pèlerins Lorrains et une autre troupe venue de Normandie et de Francie. Près de 700 personnes se mettent alors en marche vers l'Orient, traversant la Bavière, puis la Hongrie. Le trajet entre Belgrade et la Mer Noire est très pénible, dans une Bulgarie encore mal pacifiée par les Byzantins, ils sont attaqués par des brigands à plusieurs reprises.  Certains meurent d'épuisement... C'est enfin l'arrivée à Constantinople où ils voient l'empereur Constantin VIII, et assistent aux offices dans la basilique Sainte-Sophie.
Reprenant la route, ils passent les détroits, traversent l'Asie Mineure et parviennent à Jérusalem dans la première semaine de mars, après 5 mois de voyage. Ils en repartent sans doute après les fêtes de Pâques... Ils visitent Antioche et regagnent leur province par le même chemin qu'à l'aller... Mais un peu plus rapidement, partout on les accueille comme des triomphateurs. Guillaume Taillefer est de retour à Angoulême dans la troisième semaine de juin.



Le mouvement paraît s'être accéléré aux alentours de 1033. « Quelques personnes, écrit Glaber, conçurent alors des alarmes de ce concours prodigieux des peuples au Saint Sépulcre  de Jérusalem ; et toutes les fois qu'on leur demandait leur avis sur cet empressement jusqu'alors inouï, elles répondaient sagement que c'était le signe avant-coureur de l'infâme Antéchrist que les hommes attendent vers la fin des siècles, sur la foi des divines Écritures, et que toutes les nations s'ouvrent un passage vers l'Orient, qui devait être sa patrie, pour marcher à sa rencontre ». Ainsi se révèle, a contrario, le sens du voyage aux Lieux Saints : plus qu'un rite de pénitence, comme les pèlerinages à Rome ou à Compostelle, il est la manifestation de l'attente du retour du Christ, que l'on sent de plus en plus proche. Les vœux monastiques prononcés à Jérusalem ou au retour ne sont donc pas rares : ils assurent le salut. Cet élan mystique pousse même certains à appeler la mort, car c'est une grâce  particulière de mourir en Terre Sainte. Tel ce Liébaud des environs d'Autun, qui prie sur le Mont des Oliviers, demande que la mort le prenne en cet endroit, et s'éteint le soir même après un bref malaise  à son auberge, entouré de ses compagnons de voyage. Il est vrai que  beaucoup de pèlerins sont âgés ou malades, et ils sont nombreux à succomber aux fatigues du voyage.

En 1035 Hugues de Chalon a dépassé 60 ans. L'essentiel de sa tâche politique est accomplie. Le mouvement de la Paix est à présent bien lancé et les pouvoirs se stabilisent en Bourgogne. De plus en plus il délègue ses pouvoirs comtaux à son neveu Thibaud.
Lorsque il prend sa décision et annonce son prochain départ pour Jérusalem, beaucoup viennent le voir d'un peu partout pour lui demander de prier pour eux lorsqu'il sera parvenu au Saint Sépulcre... Parmi les visiteurs, il y a Gontier, le nouveau prieur du monastère de Paray, accompagné de plusieurs moines porteurs de présents. Habilement, Gontier profite de la circonstance pour évoquer une exploitation voisine des terres du monastère en Charolais, dont la possession lui serait « avantageuse et utile ».

Le domaine en question avait été remis en bénéfice par Hugues de Chalon lui-même et par un de ses  proches serviteurs à un modeste chevalier attaché au château du Mont-Saint-Vincent, un nommé Heldin dont on voulait récompenser les services... Hugues de Chalon, ne peut rien refuser aux moines, il fait venir le chevalier.
Il sait que l'homme lui est attaché, et aussi qu'il a résolu de faire moine l'un de ses fils... « Il lui conseille d'amener cet enfant au baptême et de l'offrir à Dieu dans le monastère où on lui enseigne les lettres ». L'entrée en religion s'accompagnant toujours d'un don à l'établissement religieux, il est entendu que ce sera le manse convoité. « Et ainsi, conclut le scribe de Paray, le dit manse devient propriété du Saint Patron ».

Nous ignorons la date exacte du voyage d'Hugues de Chalon, comme l'identité de ses accompagnateurs, (il a lieu la trente-septième année de son ordination épiscopale) ce qui correspond à 1035...

Cette même année le duc Robert de Normandie, se rendant également à Jérusalem, encourage « un grand nombre de  ses sujets à l'accompagner et emporte des présents magnifiques en or et en argent qu'il veut distribuer au cours de son voyage ».
Avant son départ le duc de Normandie fait jurer par ses vassaux fidélité envers son fils Guillaume le Bâtard... L'itinéraire doit être le même que celui des précédents pèlerins, la Bavière, la Hongrie, Belgrade, la Bulgarie Constantinople...L'empire Grec, puissamment restauré par Basile II, « le tueur de Bulgares » (976-1025), se trouve à présent aux mains de sa nièce Zoé, et de ses maris successifs.
JERUSALEM
Âgée de 50 ans à son avènement Zoé épouse Romain III Argyre ; après l'avoir fait empoisonner, elle donne la tiare à Michel IV le Paphlagonien (1034), un homme relativement énergique malgré son épilepsie... A la veille de son déclin, l'empire connaît encore quelques beaux succès. En 1034 Edesse est annexée, et la frontière portée au delà de l'Euphrate. Au sud, le territoire Byzantin englobe Antioche, allant presque jusqu'à Tripoli.
En arrivant à destination les pèlerins paient aux autorités musulmanes une taxe de séjour qui leur permet de circuler librement, pour s'orienter, ils s'aident des récits de leurs prédécesseurs, mais aussi de véritables guides.
Ils visitent ainsi les basiliques de Jérusalem, le Saint-Sépulcre relevé de ses ruines, les églises du Mont des Oliviers, le cénacle du Mont Sion, où le Christ a célébré la Cène, se rendent à Bethléem pour vénérer la grotte de la Nativité, remontent ensuite vers le nord, vers Nazareth, goûtent à Cana du vin conservé dans des cruches supposées être celles du miracle, se baignent dans le Jourdain, font halte auprès des moines du monastère Saint-Jean-Baptiste...
Le grand moment du voyage est lorsque cela est possible, de célébrer la fête de Pâques à Jérusalem... Passer le Carême en Terre Sainte donne toute sa valeur au rite de pénitence et sacralise le salut obtenu par le pèlerinage. A Pâques, la ville Sainte observe un miracle « ordinaire »: au soir du Samedi Saint, à l'église du Saint-Sépulcre, le feu sort spontanément de l'une des 7 lampes qui y sont suspendues, et enflamme les autres. Les fidèles entament aussitôt un « Agios, Kyrie eleison ! »...
L'évêque Oudry d'Orléans est témoin d'un incident, qu'il raconte plus tard à Raoul Glaber :
La réunion des chrétiens attendant l'apparition du feu miraculeux ne laisse pas les musulmans indifférents, et tous les ans ils viennent en masse assister au spectacle, cette année-là, l'un d'eux s'avance vers les chrétiens, se met à chanter « Agios, Kyrie eleison » d'une manière bouffonne... Puis éclate de rire, arrachant brusquement le cierge que porte un chrétien, et s'enfuit avec son larcin... Mais, raconte Raoul Glaber : « il fut soudain saisi par le démon et commença à souffrir des tourments inouïs, le Chrétien le rattrape lui reprend son cierge, alors, en proie aux plus horribles souffrances, le Sarrasin expire dans les bras de ses frères »...
Si la mort supposée du provocateur n'est sans doute qu'une mauvaise chute, l'anecdote est symptomatique de l'état de tension qui règne entre les communautés.
Par la suite l'évêque Oudry réussit à acquérir la lampe  du miracle, de Jordan patriarche de Jérusalem, au prix d'une livre d'or. A son retour, il l'installe dans l'église d'Orléans « où elle fait un bien infini aux malades ».
 S'ils ne peuvent se permettre les largesses d'Oudry, évêque de la principale ville royale et derrière lequel on devine le roi Robert, les pèlerins rapportent de leurs différentes visites de pieux souvenirs, généralement du baume, de l'eau contenue dans des ampoules, des tissus ayant touché les sanctuaires, des fragments où de la poussière de ces Lieux Saints. On s'efforce ensuite de cacher le mieux possible ses trésors pour leur éviter d'être taxés ou dérobés.

Le riche pèlerin qu'est Hugues de Chalon, voyageant en équipage, est sans doute chargé de nombreux objets, reliques et ornements précieux destinés à l'église d'Auxerre. Peut-être fait-il l'achat à Constantinople d'un somptueux tissu de soie au décor d'aigles jaunes et bleus sur fond bleu, à la mode persane, qui doit servir de suaire à Saint Germain, (seule pièce qui échappera au pillage des églises d'Auxerre en 1567). Il reste à accomplir le long voyage de retour, tout aussi périlleux que l'aller. Parti cette même année 1035, le jeune duc Robert de Normandie tombe malade en arrivant à Nicée, il ne va pas  plus loin et meurt...
Hugues de Chalon, pour sa part, ne semble pas avoir rencontré de difficultés majeures, « il revient joyeusement », dit seulement son biographe.
PHOTO FAITES EN 1841 (sans doute la première)
Nous le retrouvons à la fin de l'hiver 1036 en tournée dans son comté de Chalon, près du Mont-Saint-Vincent. Avec son neveu Thibaud, il approuve la donation d'une vigne à Cluny par un de ses vassaux.
« Les Normands , dit-il ailleurs, envoient presque dans l'univers entier les aumônes les plus magnifiques aux Saintes Églises. On voyait même tous les ans des moines du célèbre mont Sinaï , venir à Rouen et s'en retourner comblés d'or et d'argent. Richard II, envoie à Jérusalem 100 livres d'or pour le sépulcre du Sauveur, et tous ceux qui, par dévotion, désirent y faire un pèlerinage, il les aide de riches présents. »


Il y a mille ans, le pèlerinage à Jérusalem - Art Bourgogne
artbourgogne.free.fr/pelerinage/
Sur le toit des églises et des synagogues, il fit bâtir de petites mosquées, d'où un ... Histoire probablement légendaire, mais révélatrice des difficultés nouvelles. .... n'est sans doute qu'une mauvaise chute, l'anecdote est symptomatique de l'état de ... Nous le retrouvons à la fin de l'hiver 1036 en tournée dans son comté de ...

Persée : Des pèlerinages en Terre sainte avant les croisades.

www.persee.fr/web/revues/.../bec_0373-6237_1846_num_7_1_451975
de L Lalanne - ‎1846 - ‎Cité 5 fois - ‎Autres articles
Aussi la coutume des pèlerinages rencontra dans quelques hommes éminents des adversaires ...... Yers 1036, Adhémar Ier, vicomte de Limoges, mort en route.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire