samedi 26 juillet 2014

1024... EN REMONTANT LE TEMPS


Cette page concerne l'année 1024 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

1024 LE NIL MANQUANT SA CRUE MOTIVE UN FLOT DEFERLANT DE BEDOUINS...

Des troubles consécutifs à la famine, due à d’insuffisantes crues du Nil, éclatent en 1024/1025. Les pèlerins qui se rendent à La Mecque sont dépouillés. Dans l’armée, les esclaves noirs se révoltent. Le jour de la fête du sacrifice, ils pénètrent dans le palais et dévorent les victuailles prévues par le calife pour ses hôtes.
Plus de mille esclaves se rassemblent et pillent le pays. Le calife fait donner l’ordre de tuer tout esclave noir qui tenterait d’agresser un Égyptien. Les gens s’arment et de véritables batailles ont lieu. Les esclaves pris, ont la tête tranchée. Les grands dignitaires du pays doivent se cloîtrer dans leurs maisons, car les esclaves noirs veulent les massacrer pour se venger.
La partie conservée du manuscrit d’al-Musabbiḥī débute par la copie d’une proclamation émanant de l’Imām al-Ẓāhir, rédigée en août 1022 et qui est lue au Palais. A côté de considérations générales et d’intentions généreuses comme on en trouve toujours dans ce genre de document, « le Prince des Croyants »... préserve le bon régime de ses soldats... veille à la bonne condition de ses auxiliaires et de ses serviteurs, à l’Orient comme à l’Occident ». En effet, le Prince des Croyants, comme le veut son rang d’Imām et sa fonction de Calife, prend au fort pour donner au faible quand le droit l’exige et, de même, il défend l’homme du commun contre les gens du sang..., le blâme de celui qui veut le critiquer n’a pas de prise sur lui quand il s’en tient à une position que Dieu... lui a fixée..., à côté de ces longues considérations, on trouve la dénonciation de deux dangers qui menacent l’empire :
Le Prince des Croyants interdit à tous d’accepter ceux dont le nom ne figure pas dans les registres reliés et qui ne reçoivent pas de soldes lors des paies officielles lorsqu’ils se targuent de liens familiaux avec eux... on doit éliminer celui qui agit ainsi et effacer son nom...
L’ordre est donné à tous de restreindre les droits aux corps de troupes dûment enregistrés et soldés ceux dont les noms ont été établis avec certitude dans les rôles de l’armée... ».
L’Imām dénonce solennellement le double danger dont la menace pèse sur l’Empire, le désordre dans les campagnes et les régions frontalières, le gonflement excessif des effectifs militaires.
Pour août-septembre 1023, al-Musabbiḥī rapporte des modifications de personnel effectuées à la tête du dīwān al- ḫarāğ, l’administration responsable de la quasi-totalité des rentrées financières de l’État.
Le nouveau directeur s’engage à faire rentrer 15 000 dinars d’assignations que doit au dīwān son prédécesseur et à augmenter en outre les recettes de 30 000 mille dinars. Chiffres peu considérables, mais qui montrent la situation difficile du Trésor Public affronté aux dépenses du maintien de l’ordre et au paiement de soldes à des soldats fictifs...
Aux derniers jours du mois, 17-18 septembre 1023, la crue du Nil qui a culminé à la hauteur très insuffisante de 14 coudées et un pouce, le 31 août, se retire brutalement avec 2 mois d’avance. Cela provoque immédiatement la flambée des prix, stockage spéculatif des grains et farines et disparition du pain chez les boulangers...
De grands personnages de l’État, pour qui une crue insuffisante est une aubaine, peuvent gagner en quelques mois des dizaines de milliers, voire des centaines de milliers de dinars... En retenant les grains achetés au prix de gros pour les vendre à la pire époque à un prix de détail, 10 fois plus élevé.
En même temps, on régente sévèrement l’ordre public :
Interdiction de toute chanson et de toute musique exécutée en public.
Interdiction aux femmes de se rendre dans les cimetières après la fin de l’après-midi.
Ces édits vertueux rappelant l’austérité de l’Imām disparu 3 ans plus tôt sont destinés à calmer la colère contre les autorités incapables de fournir le pain à un juste prix...Ce que les historiens ont tendance à présenter comme les caprices cruels d’un tyran fou... sont l'aspiration chez les sunnites de Miṣr-Fusṭāṭ d'un établissement de l'ordre moral.
Le texte reprend au milieu d’une phrase dans le récit aux mois de mars/avril 1024. Basile II, informé du décès de Sitt al-Mulk, met un terme aux négociations avec le patriarche de Jérusalem et renvoie celui-ci à Tripoli en Syrie.
D’autre part, le mois précédent, Constantin Dalassénos, catépan d’Antioche a entrepris la restauration de la forteresse de Maraclée ou du Marqab, sur le littoral Syrien, qui vient de lui être livrée avec une autre forteresse.
Ainsi, au printemps 1024, une princesse, sinon chrétienne, du moins très proche des chrétiens, meurt au Caire. Elle a dirigé depuis 4 ans la politique de l’État Fatimide et Constantinople peut craindre une remise en cause des bonnes relations entre les deux empires.
L’absence d’autorité de l’Imām qui ne peut s’appuyer sur un vizir reconnu par tous, la crise financière que traverse un État où l’on distribue plus de prébendes qu’on ne lève d’impôt, la disette qui crée du désordre dans les armées, permettent à Basile II de ne craindre aucune réaction à sa décision d’interrompre les négociations et de renvoyer en Syrie le Patriarche de Jérusalem. La mise en état des places frontières annonce peut-être une offensive mais Basile II meurt (1025)... Les grandes tribus arabes, bien informées du cours des choses au Caire et touchées elles-mêmes par la hausse des prix des graines qu’elles achètent, décident alors de tirer partie des circonstances pour rétablir la situation en leur faveur...
Le calme règne encore en Syrie. Le succès de la traversée des pèlerins rentrant de la Mecque en témoigne. A la fin de ce mois, 3 hauts fonctionnaires quittent le Caire :
Ibn Ḥamdān pour être gouverneur de Damas.
Abū’l-Ḥusayn b. Banūṭ pour être gouverneur de Tyr.
Abū’l-cAssāf pour être cadi de Ramla.
La lutte pour le pouvoir continue au Caire. En prévision de soulèvements armés, de hautes responsabilités sont confiées par un édit lu en présence des plus hauts dignitaires de l’État à un militaire, L’eunuque noir Abū’l-Fawāris Micḍād. Le texte décrit longuement « la belle journée » où se déroule cette cérémonie et il rapporte, mot à mot, tout le texte de l’édit pour conclure : « son diplôme n’apporte aucune précision sur les domaines où s’exerce son contrôle ! ».
En mai/juin 1024, la disette s’aggrave mais le calme semble général.
Le renouvellement des postes se poursuit en Syrie, un kutamite, Fattāḥ b. Buwayh, est nommé gouverneur de Tibériade. La faction des Orientaux obtient que l’administrateur du Caire, (Irakien) ne soit plus soumis à l’inspection. La poste officielle lui remet désormais directement les documents financiers qu’elle convoie de Syrie en Égypte.
Le 15 juin 1024 arrive au Caire, pour la première fois, la nouvelle des violences armées commises en Syrie. La ville d’Ayla, port sur le golfe du même nom, étape commune des pèlerins de Syrie et du Nord d’Égypte a été attaquée :
Les femmes et les enfants sont emmenés en captivité, 3 000 dinars, les vivres, les fourrages qui s’y trouvent sont emportés. Les assaillants sont conduits par des rebelles qui ont des prétentions sur le Wādi’l-Qurā, vallée située à l’extrême sud de la Syrie sur la route du pèlerinage et Ḥassān b. al-Ǧarrāḥ n’a consenti aucune réponse à ses réclamations. Les troubles en Syrie commencent par un affrontement à l’intérieur même des tribus arabes du sud Syrien.
L’Imām al-Ẓāhir veille à une riposte immédiate. Un corps expéditionnaire est levé et chaque soldat reçoit 5 dinars. Un escadron de cavaliers part :
Chaque homme est doté de 2 chevaux et reçoit 10 dinars. Par ce chaud été, ils ne veulent pas manquer de boissons, ils emmènent donc les porteurs d’eau du Caire avec leurs montures ainsi que d’autres ouvriers...
Le lendemain, la distribution de l’eau n’est plus assurée dans la capitale. Al-Ẓāhir doit user de son autorité pour faire revenir les porteurs d’eau.
Le chef de l’expédition qui a recruté des soldats parmi ses esclaves personnels. al-Musabbiḥī rapporte que Nagā ben Ibrāhīm a été tué dans le Wādi’l-Qurā... Le 19 juin, on apprend la chute de la ville d’al-Arish sur la route de Syrie vers l'Égypte, tombée à son tour entre les mains de Abd Allāh b. Idrīs qui l’a pillée, toujours en compagnie d’un des Banū’l-Ǧarrāh.
L’insécurité règne à proximité immédiate du Caire, la caravane des pèlerins, originaires du Maghreb, qui désirant rentrer chez eux, une fois leur voyage en Arabie achevé, est bloquée à Miṣr et à Guizeh. Les Maghrébins ont été avertis par des bédouins kilabites que des esclaves, des vagabonds, des soldats débandés les attendent à proximité pour s’emparer des 200 000 dinars de marchandises qu’ils convoient. Ils ne peuvent se mettre en marche que lorsqu’une escorte de 300 lanciers à cheval et de 400 fantassins, commandée par le propre frère de Micdad peut les accompagner.
La prime de départ pour une telle escorte est de 5 000 dinars plus 600 chevaux, prime sans doute versée par les marchands. L’importance numérique de l’escorte est à la mesure de la menace :
«cette protection les accompagnera jusqu’à ce qu’ils aient rejoint les Bédouins coutumier à les escorter dans les territoires qui ne dépendent pas du Prince des Croyants ».
Il existe entre Guizeh et le Maghreb des espaces qui échappent officiellement à la protection Fatimide et sur lesquels des Bédouins, peut-être les Kilābites dont il est question, exercent contre argent sonnant une protection efficace...
Les nouvelles, en provenance de Syrie, font défaut pendant tout le restant du mois.
Le frère du nouveau gouverneur de Damas, est de retour au Caire, ayant été démis de ses fonctions à Tripoli de Syrie. Il est reçu à la Cour avec les plus grands honneurs, et la fin de sa mission semble s’inscrire dans une opération générale de renouvellement des fonctionnaires d’autorité en Syrie.
Au Caire dans une atmosphère pénible d’opposition violente entre hauts fonctionnaires. Le chérif al-Aǧamī, responsable de l’île de Roda comme directeur des arsenaux, a fait rosser Ibn Abī’l-Raddād, l’administrateur du Nilomètre parce que le canal qui relie le bassin de celui-ci au Nil est bouché... Le même chérif argue de ses fonctions pour instituer une taxe sur le corps des noyés dans le Nil que la famille doit acquitter avant de procéder aux funérailles. La famine s’aggrave...
Les récits des mois suivant n’ont pas été conservés dans la version originale mais uniquement dans la version allégée qu'écrit Maqrīzī, d’après ce même manuscrit. Or, c'est pendant ces 3 mois que la révolte se généralise en Syrie et que l’action, jusque là indépendante des diverses tribus arabes se rejoint pour prendre toute son ampleur et sa cohérence.
D’après Maqrīzī, la vie se poursuit au Caire et à Fustât pendant juillet/août 1024, sans modification majeure, avec ses petites querelles, ses fêtes à toute occasion, souvent endeuillées par des accidents malheureux, ses sorties solennelles de l’Imām.
 AL AZHAR
Maqrīzī regroupe toutes les nouvelles concernant la Syrie en un récit unique qu’il place dans la dernière partie du mois. Il mentionne le remplacement du gouverneur d’Alep, par son frère qui était gouverneur de Tinnis et de Damiette.
Arrive au Caire, la nouvelle du décès de Sanad al-Dawla. Dans le même paragraphe, Maqrīzī annonce sans préciser de date que Ṣāliḥ b. Mirdās al-Kilābī a attaqué la ville d’Alep et que la population qui haït Sanad al-Dawla et Mawṣūf, le gouverneur de la citadelle, a ouvert une porte au Bédouin. Sanad al-Dawla a rejoint Mawṣūf dans la citadelle qui résiste.
Ṣāliḥ confie la poursuite du siège à son secrétaire Abū Manṣūr Sulaymān b. Ṭawq et part pour Baalabakk dont il a pu occuper la citadelle après un combat meurtrier. Fort de cette victoire, le chef des Banū Kilāb aorganisé une réunion avec le kalbite Sinān b. Ulayyān et le Ṭayy Ḥassān b. al-Garrāḥ.
Ils ont fait le serment solennel de bouter les Fatimides hors de Syrie et de se partager la province... Et ont réuni leurs forces pour attaquer la Palestine.
Pendant ce temps, le siège de la citadelle d’Alep continue. Sulaymān b. Ṭawq se rend maître de la forteresse grâce à des intelligences et s’empare de Sanad al-Dawla et de Mawṣūf, le 2 juillet 1024. Il tue Sanad al-Dawla et met en prison Mawṣūf.
En août, Abū’l-Hāriṯ Ṯu bān arrive à Alep, cette grande coalition bédouine se prépare pendant tout le début de l’année 1024 et les notes quotidiennes d’al-Musabbiḥī sont conservées pour les 4 premiers mois. Son silence apporte la preuve du mauvais fonctionnement des services de renseignements Fatimides.
Les changements intervenus dans le personnel du dīwān al-šām au Caire et dans celui en poste en Syrie peuvent expliquer en partie cette méconnaissance de la situation. Les gouverneurs de trois villes (Damas, Tibériade, Alep) des quatre armées de Syrie et des deux grands ports fortifiés (Tripoli et Tyr), sont remplacés en 1024. A Ramla, capitale de la quatrième armée un nouveau cadi est nommé. Au Caire, des modifications imposées par la faction au pouvoir ont affecté la direction du dīwān al-šām et les décisions concernant cette province sont prises à huis clos par les deux chérifs, des incompétents.
Le journal politique de l’année 1024, conservé par miracle, permet de suivre la démarche hésitante de l’administration centrale Fatimide face au défi Bédouin et de mieux comprendre pourquoi la réponse qu’elle y apporte est si inadéquate. En août/septembre 1024 il note l’aggravation de la crise et ses graves conséquences pour les campagnes Égyptiennes. La faction des Orientaux tient l’Imām al-Ẓāhir totalement à l’écart des affaires. L’État Fatimide joue de malchance même dans les petites choses :
La Cour et l’Imām en costume chamarré vont assister en grande pompe au lancement d’un navire de guerre à l’Arsenal...
Le navire refuse de descendre à l’eau.
Ils se rendent à l’ouverture annuelle de la digue, quand le cortège arrive, le barrage a déjà cédé et il ne peuvent traverser.
Puis, en septembre/octobre sans que rien n’ait pu le laisser prévoir, une série de rapports expédiés par Anūš Takīn al-Dizbirī, le gouverneur de Palestine, donne une description réaliste de la situation très difficile dans laquelle se trouve l’armée Fatimide face à la révolte Bédouine.
La majeure partie des faits rapportés dont le texte est à nouveau conservé à partir de là, concerne la Syrie. Le premier rôle est tenu par le gouverneur militaire de Palestine, résidant à Ramla, il va tenir le devant de la scène Syrienne pendant 20 ans.
Pour suivre les événements de Syrie en 1024, il est indispensable de comprendre la personnalité du général Turc qui défend les intérêts Fatimides :
Anūš Takīn, est né à l’est de la Transoxiane dans une région appelée le Ḫuttal, ce jeune Turc est fait prisonnier et emmené comme esclave à Kāšğar, cité située également en pays Turc, sur la route de la Chine. Il prend la fuite vers Bukhara et retombe en esclavage.
On l’emmène à Bagdad, puis à Damas. La laideur de ses traits accusés rend apparente son origine Turque, mais son courage, son intelligence et son ouverture d’esprit retiennent surtout l’attention. Tizbir, ou Dizbir b. Awnīm achète le jeune esclave qui fait merveille dans la protection et l’administration de ses propriétés.
Anūš Takīn est à nouveau convoqué au Caire ; l’Imām al-Ẓāhir lui confie le gouvernement de l'armée de Palestine. Il gagne son nouveau poste à Ramla en mars-avril 1023. En 10 ans, il a gravi les principaux échelons de la hiérarchie militaire et administrative de l’État Fatimide. Il a réussi son ascension grâce à son mérite. Il est vrai que dans un corps de fonctionnaires publics dont les membres sont ligotés par des attaches familiales, des solidarités et des clientélismes tribaux, ethniques, religieux, Anūš Takīn jouit de l’incontestable privilège d’être un homme libre, sans autre lien que sa fidélité à l’Imām. il a mené sa carrière en Syrie centrale ou méridionale, tant sur le littoral qu’à l’intérieur, acquérant une connaissance profonde du pays et des grandes tribus arabes qui le sillonnent. Sa nouvelle nomination en Palestine ne fait pas l’affaire de Ḥassān b. al- Garrāḥ.
La mésentente entre Anūš Takīn et Ḥassān b. al-Ǧarrāh s’est accrue et le gouverneur de Palestine a averti al-Ẓāhir d’une révolte imminente. Le conflit débute quand al-Dizbirī envoie des hommes se saisir d’un iqṭā (concession) situé à Bayt Ǧibrin et dont la jouissance a été accordé à Ibn al-Ǧarrāh. Ce dernier s’empare des agents du gouverneur de Palestine et les décapite. Le prix du pain, un dirham les 3 livres, au Caire, y est 4 fois plus élevé que le prix courant. Tenir en main un district céréalier vaut mieux qu'être le maître d’une mine d’or...
Al-Dizbirī arrête, deux proches d’Ibn al-ǦarrāH, Abū’l- Fūl et Gasan b. Surūr. qui se trouvent à Ramla et les tient enchaînés dans la forteresse de Yāfā dont on vante les portes de fer...
La situation s’aggrave rapidement en Palestine et les escarmouches font place à une guerre en règle. Al-Ẓāhir ayant appris qu’Ibn al-Garrāḥ est gravement malade près de Naplouse, il conseille à Anūš Takīn d’aller l’attaquer, Mais quand le Turc arrive sur place, Ḥassān ibn al-Garrāḥ a recouvré la santé et a réuni plus de 3 000 combattants, qui obligent le gouverneur de Palestine à rentrer précipitamment à Ramla. Ḥassān occupe Tibériade dont le gouverneur, Mahd al-Dawla Fattāḥ b. Buwayh, se réfugie à Acre, laissant le Jourdain entre les mains du Bédouin. Celui-ci avait fait appel aux combattants d’outre Jourdain, des régions d’al-Šarāt et al-Ǧibāl. Gābit, le frère de Gassān s’étant rallié à al-Dizbirī, son campement est pillé.
C'est à cette époque que se tient la réunion des trois chefs arabes de Syrie : Ḥassān b. al-Garrāḥ - Sinān b. Ulayyān - Ṣāliḥ b. Mirdāš se réunissent sans doute quelque part près de Damas. Ṣāliḥ envoie des troupes combattre auprès de ses deux alliés, la coupure des relations terrestres avec l’Égypte est le but prioritaire.
Al-Dizbirī, affronté à des forces supérieures aux siennes, est en position délicate, son seul allié Ṯābit ibn al-Ǧarrāḥ ayant rejoint Ḥassān avec tous les autres frères. Le gouverneur de Palestine demande au Caire l’envoi d’un détachement de 1 000 cavaliers et de 1 000 fantassins. On recrute les forces demandées, payant 40 dinars à chaque cavalier. L’État étant dans l’incapacité d’assumer une telle dépense, ce sont Miḍād, le chérif al-Aǧamī et al-GarGarāī qui avancent les fonds nécessaires. Malgré tout, seul un petit détachement précurseur prend effectivement le chemin de la Syrie et s’arrête à al-cAriš avant d’arriver sur le théâtre des opérations. On omet de faire partir le reste du contingent réuni...
Le 29 septembre 1024, al- Dizbirī est vaincu devant Ramla par Ḥassān b. al-Ǧarrāh le gouverneur a dû s’enfuir pour Césarée avec une dizaine de ġulām Turcs. Ḥassān pénètre dans la ville de Ramla qui est mise à sac et pillée.
Puis, le chef bédouin tente de donner une meilleure image de son pouvoir. Il s’avance de la porte de la ville au siège du gouvernement en baisant le sol il convoque le cadi et les témoins de justice de Palestine pour leur faire une déclaration solennelle :
Il promet de ne faire aucun mal aux habitants de Ramla et se proclame le fidèle et obéissant sujet de l’Imām al-Ẓāhir. Il n’a de différend qu’avec l’infâme al-Dizbirī qui s’est mal conduit à son égard... Pour prouver sa bonne volonté, il désigne un haut fonctionnaire Fatimide, Naṣr Allāh b. Nazzāl, comme gouverneur de Ramla au nom d’al-Ẓāhir. Cet homme est l’esclave du Prince des Croyants et le fils de son esclave, il exerce son autorité sur cette ville jusqu’à ce qu’arrivent les ordres du Prince des Croyants. »,
La mauvaise saison arrivant, on ne peut réunir un corps expéditionnaire, une solution de compromis arrange les responsables de l’État, heureux de voir al-Dizbirī rabattre de sa superbe. Les deux cavaliers qui apportent au Caire la nouvelle de la déclaration d’obédience de l’émir Ṭayy sont promenés triomphalement.
Une semaine plus tard, le Caire apprend la vérité. Ḥassān b. al-Garrāḥ a monté un stratagème pour faire délivrer ses deux compagnons enfermés à Ascalon. Utilisant une lettre qu’al-Ẓāhir lui a imprudemment envoyée, revêtue de son paraphe personnel, il obtient le soutien des soldats Fatimides présents à Ramla. Cette lettre assure le chef des Banū’l-ǦarrāH de la compréhension d’al-Zāhir. Ce dernier regrette l’arrestation des 2 compagnons du Bédouin, c’est-là une initiative qu’a prise al-Dizbirī sans l’aveu de l’Imām.
Ibn al-ǦarrāH lit la lettre aux soldats Fatimides prisonniers et leur fait constater l’authenticité de la calligraphie d’al-Dabikī, le scribe officiel et celle du paraphe tracé de la propre main d’al-Ẓāhir. Il fait ensuite partir ces soldats pour Ascalon où ils demandent au gouverneur de libérer les deux compagnons d’Ibn al-Ǧarrāh, en justifiant leur requête par le contenu de la lettre de l’Imām et par la menace qu’a proférée al-Ǧarrāhde tuer en cas de refus les prisonniers des Banū Ṭayy. L’élargissement des 2 hommes est donc ordonné mais une fois qu’ils ont rejoint Ibn al-Ǧarrāh, celui-ci fait mettre au carcan 60 soldats Fatimides et fait passer au fil du sabre les ġulām Turcs et les anciens officiers hamdanides qui les encadrent. Le pillage, les meurtres, les viols reprennent à Ramla. Les maisons une fois débarrassées de leurs occupants et de leurs meubles sont incendiées, puis les murs calcinés abattus et le sol nivelé.
Une haine longtemps contenue anime les tribus arabes contre les villes-garnisons. Non seulement, elles ne les accueillent pas volontiers mais encore elles abritent les escadrons de cavalerie qui couvrent les espaces fertiles, protégeant les agriculteurs sédentaires et rejetant sur les marges arides les Bédouins car ceux-ci ne produisent ni fruit ni grain et ne paient pas d’impôt. Affamés en cas de disette, massacrés pour le moindre soulèvement, ils se savent méprisés pour avoir refusé d’adhérer aux valeurs de culture, de civilité, d’urbanité et de respect religieux du Prince, valeurs qui se sont forgées au cours des 4 premiers siècles de l’Islam sur un modèle importé de la Perse et de l’Inde...
Jérusalem où al-Dizbirī a rassemblé du matériel de guerre et des vivres est également pillée. Le gouverneur de la ville, Mubārak al-Dawla Fath, l’ancien gouverneur de la citadelle d’Alep, est mis à l’amende par Ibn al-Ǧarrāh pour 30 000 dinars. Un autre notable Fatimide, Niḥrīr al-Waḥīdī à la réputation d’avarice est, quant à lui, taxé pour 40 000 dinars. Le Caire comprend que la soumission affichée par Ibn al-Ǧarrāh n’a duré que le temps de faire libérer ses amis et que désormais seule la force peut l’empêcher de nuire. .
La fin du mois est marquée par un pessimisme général au Caire. L’État n’a plus d’argent, la capitale se sent menacée. Non seulement on embarque des troupes à Tinnis pour Tripoli, pour Tyr et pour les autres ports fortifiés de Syrie, mais encore on renforce la protection rapprochée de la capitale.
En effet, le bruit court à Miṣr que Ḥassān b. al-Garrāḥ a détaché un escadron de 500 cavaliers en direction de l’Égypte. Depuis lors, on est sans nouvelle précise et on s’attend à le voir déboucher à proximité du Caire. Un détachement Fatimide part pour Bilbéis afin de protéger cette ville qui tient l’entrée, dans le Delta, de la route venant de Syrie. Mais la panique a gagné la nombreuse population, semi-urbanisée, qui s’est installée à proximité de la capitale dans les Qarāfa, entre les 2 villes et la falaise du Muqattam, trouvant entre les tombes ou même dans les tombeaux à l’abandon des emplacements vides pour construire à bon compte des logements de fortune. Dans la crainte d’une incursion bédouine, ces pauvres gens se précipitent dans la ville de Fustāt afin d’y trouver refuge, bientôt rejoints par des fuyards venant de Bilbéis. Les autorités chassent ces nouveaux venus et une centaine de cavaliers d’al-Qaysariyya prennent position aux Qarāfa.
Octobre/novembre 1024 marque l’apogée de la grande révolte arabe de Syrie. On peut croire que tout va basculer et que les troupes Fatimides vont être chassées de cette province où elles ne conserveront que quelques positions dans les ports fortifiés. Le Caire, ruiné par la banqueroute de l’État qui ne paie plus ses troupes, affamé par la disette qu’une spéculation effrénée, menée par ceux qui détiennent les stocks de grains, aggrave, est dans l’incapacité de fournir les effectifs et les fonds nécessaires à la mise sur pied d’une défense.
Des tribus arabes ont ainsi fourni des princes à un certain nombre de villes de Ǧazīra et d’Iraq, la grande steppe désertique qui sépare la Syrie utile de la Mésopotamie et qui s’étend jusqu’aux pieds des montagnes du Taurus et de l’Arménie, espace prolongeant sans rupture la péninsule arabique, est le domaine de ces tribus. Dès qu’une faiblesse du pouvoir se manifeste sur l’une quelconque de ses bordures, les Bédouins s’infiltrent par la brèche à la recherche de nouveaux pâturages pour leurs troupeaux, ils mettent sous leur coupe les villages isolés afin de se procurer des céréales. Une fois qu’ils ont pris pied dans la région, ils se lancent avec plus d’audace contre les villes où ils désirent installer comme seigneur un des leurs...
Cette poussée généralisée des tribus arabes, bien connue des historiens du monde musulman médiéval, menace également l’Égypte, la Tripolitaine, l’Ifriqiya.
MOSQUEE AL AKIM AU CAIRE
Face à la menace Bédouine, les populations urbaines Syriennes peuvent conserver leur neutralité, ou au contraire, choisir l’action en faveur des assaillants ou en faveur de l’ordre établi, Il n’existe de véritable opinion publique et des milices armées susceptibles de peser réellement dans l’équilibre des forces que dans les deux grandes villes, Damas et Alep. Le cas des ports fortifiés du littoral qui ne risquent rien d’une attaque Bédouine doit être mis à part. Les populations citadines de Syrie sont, par ailleurs, urbanisées depuis trop longtemps pour avoir conservé un sentiment de solidarité tribale. En ces situations d’équilibre instable où une population doit choisir sous la pression d’événements violents entre ses pulsions profondes et une notion abstraite d’intérêts à long terme, le rôle des notables est particulièrement important ; un personnage suffit à emporter la décision.

Chapitre 2. La grande révolte des tribus Arabes

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Crise financière et crise frumentaire en Egypte La Syrie qui avait été capable d'accueillir au début 415 ... 11Ainsi, au printemps 1024, une princesse, sinon chrétienne, du moins très proche des .... Le chef de l'expédition qui avait recruté des soldats parmi ses esclaves personnels se nommait cAlī b. ... La famine s'aggravait.

Chapitre I. L'œuvre d'al-Ḥākim effacée - OpenEdition Books

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Jusqu'à la mort de Sitt al-Mulk en 415/1024-1025, celle-ci tint en main l'État. .... Rifq demeurait auprès de Sa Majesté alors que des révoltes éclataient dans des ... Les esclaves noirs de l'armée n'étaient plus ni soldés ni nourris ; ils pillaient et on ..... Les famines qui avaient frappé l'Iraq et l'Égypte, la misère des bédouins du ...




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