mercredi 21 septembre 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 246

2 SEPTEMBRE 2016...

Cette page concerne l'année 246 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

UNE ADMINISTRATION AUSSI FAILLIBLE QUE LES NÔTRES

Les sources antiques permettent d'appréhender essentiellement les administrateurs issus des 2 ordres supérieurs de la société romaine, les sénateurs et les chevaliers, car c'est à leur propos que l'on dispose des renseignements les plus fournis. Il peut s'agir de documents retraçant leur carrière, qui se présentent le plus souvent sous la forme d'inscriptions développant leur cursus. Dans ce cas, on peut être en présence soit d'une inscription funéraire, et il est alors sûr que l'on dispose de l'ensemble de la carrière effectuée, soit d'inscriptions honorifiques, élevées le plus souvent par une collectivité, par exemple une cité de province, à son patron ou à un gouverneur de province.
Un 2e type de sources exploitables est représenté par les textes littéraires ou techniques produits par les administrateurs eux-mêmes.
Les plus marquants : La Correspondance entre Pline le Jeune et l'empereur Trajan, entre 111 et 113, alors que Pline est gouverneur de Pont-Bithynie, ainsi que celle échangée entre M. Cornelius Fronto, consul en 143, et les empereurs Marc Aurèle et Lucius Verus, dont il a été le maître de rhétorique latine.
Il existe également tout un corpus de traités techniques, dont la majorité a disparu, et dont le plus connu est celui sur les aqueducs de Frontin, nommé curateur des eaux en 97, et consul pour la troisième fois en 100. Il y affirme le souci de mettre à la disposition de ses successeurs...

Si l'on se penche plus précisément sur les fonctions que les sénateurs sont amenés à exercer au cours de leur cursus, on constate que ces hommes ont une carrière qui mêle des fonctions très différentes : Certaines à dominante militaire, telle celle de légat de légion, d'autres essentiellement financières, comme la préfecture de l'aerarium Suturai, le Trésor du Sénat.
Mais, très souvent, ces fonctions sont mixtes et combinent des tâches administratives, financières, militaires, judiciaires... C'est le cas en particulier des gouverneurs de province, en commençant par un bref rappel du système en vigueur sous le Haut- Empire, depuis le partage du 16 janvier 27 av. J.-C. entre Auguste et le Sénat, certaines provinces dépendent de la Haute Assemblée, les autres de l'empereur, avec des variations dans le temps. Selon les termes de 27, au Sénat sont dévolues les provinces les plus anciennement constituées, romanisées et urbanisées, ainsi la Bétique dans la péninsule Ibérique, et la Narbonnaise dans le sud de la Gaule. Toutes ces provinces sont gouvernées par un sénateur, qui porte le titre de proconsul, et qui est tiré au sort, pour une durée d'un an.
Quant aux provinces impériales, ce sont celles qui peuvent encore nécessiter des opérations de pacification ou qui se trouvent dans des zones exposées à des périls extérieurs. Elles sont donc dotées de troupes, légions et corps auxiliaires, à la différence des provinces sénatoriales.

Dans la majorité des cas, les gouverneurs sont issus des rangs du Sénat. Ils portent alors le titre de légat d'Auguste propréteur et sont nommés par l'empereur, pour une durée variable, en général deux ou trois ans (mais certains empereurs peuvent laisser le même légat en fonction pendant dix ou quinze ans, comme Tibère).
Toutefois, certaines provinces d'importance moindre sont confiées à des chevaliers, avec le titre de procurateur ou de préfet. Il s'agit souvent d'îles, comme la Corse ou la Sardaigne, ou de petites provinces montagneuses, telles les Alpes Cottiennes ou Grées.
La riche province d’Égypte représente un cas à part : Son importance est essentielle pour le ravitaillement de la capitale. Dotée d'un statut spécifique, elle est gouvernée par un chevalier parvenu aux sommets du cursus équestre, le préfet d’Égypte. Ce dernier est même doté d'un impérium ad similitudinem proconsulis, c'est-à-dire d'un pouvoir de commandement, X impérium, semblable à celui d'un proconsuls

Les gouvernements de province se situent à différentes étapes de la carrière sénatoriale, que l'on peut en gros schématiser ainsi : Après des fonctions préparatoires, la gestion d'une magistrature, la questure, donne accès au Sénat proprement dit. Après l'échelon constitué par l'édilité ou le tribunát de la plèbe, puis celui de la préture, le sénateur accède à ce qu'il est convenu d'appeler la « carrière prétorienne ». C'est à ce moment que se situent certains gouvernements de province (proconsulats à l'exception de l'Asie et de l'Afrique, et légations des provinces sans légion ou avec une seule légion, comme l'Arabie). Puis arrive normalement la magistrature suprême, le consulat, suivie de la carrière consulaire. Celle-ci comprend là aussi certaines provinces : Les légations des provinces impériales à 2 ou 3 légions (parmi celles dotées de 3 légions figurent la Syrie et la Bretagne, jusqu'au règne de Septime Sévère), et 2 proconsulats, l'Asie et l'Afrique. Ces derniers sont les gouvernements les plus prestigieux et constituent un couronnement de carrière.

Or, si certaines des fonctions exercées par les sénateurs peuvent être considérées comme relativement spécialisées, celle de gouverneur de province témoigne d'une grande polyvalence.
Afin de cerner précisément ses attributions, il convient de s'appuyer en particulier sur une source importante, le « traité de l'office proconsulaire » du juriste Sévérien Ulpien (mort en 223), œuvre rédigée vers 210-220.
S'il n'a pas été transmis dans son intégralité, des extraits en sont conservés au relevé des compilations juridiques de l'époque de Justinien (530).

Au premier chef, le gouverneur doit rendre la justice, et choisit lui- même dans chaque cas le mode de procédure qui lui paraît opportun, décidant s'il jugera lui-même l'affaire ou s'il désignera un juge. Une partie importante du temps qu'il passe dans sa province est donc consacrée à des tournées judiciaires qui le conduisent dans les chefs-lieux de la province, sièges d'assises judiciaires, nommés conventus iuridicus ou dioicesis en latin. Les sources antiques ne nous ont pas transmis de listes précises et complètes, mais diverses études ont montré que la province proconsulaire d'Asie, par exemple, très urbanisée puisqu'elle comprend environ 500 cités, comprend, au IIe siècle 14 conventus.
Un tel système impose au gouverneur de passer au moins la moitié de l'année à se rendre d'un conventus à l'autre, ce qui limite évidemment, par ricochet, ses autres interventions.
Cette remarque vaut surtout, bien entendu, dans le cas d'un proconsul, dont la fonction ne dure qu'une année.
Toutefois, le gouverneur n'a à juger que les affaires qui arrivent devant lui et une limitation a été introduite pour éviter que son tribunal ne soit submergé de demandes. Ainsi, la convention juridique d' Irnitum, inscription gravée sur bronze retrouvée en Espagne, datée vers 91, sous le règne de Domitien, nous renseigne sur les diverses institutions en vigueur à Irni, petite cité de Bétique, à la fin du Ier siècle de notre ère.
La rubrique 84 spécifie que pour les procès civils ordinaires, quand la valeur du litige est inférieure ou égale à mille sesterces, ce sont les juges locaux qui sont compétents, sous certaines conditions, qui sont énumérées avec un grand luxe de détails. Le juriste Sévérien Ulpien affirme pour sa part que relèvent de la juridiction du gouverneur toutes les affaires qui, à Rome, sont de la compétence des magistrats.

L'importance exacte de la charge de travail qui pèse sur lui est difficile à apprécier, car le nombre d'affaires qui arrivent devant le tribunal du gouverneur n'est pas connu, en règle générale...

Des possibilités de délégation de pouvoir ont cependant été prévues. Le gouverneur peut se décharger d'une partie de sa charge de juge en recourant à ses subordonnés, les légats.
Leur nombre varie selon les provinces. Ainsi, le proconsul d'Asie et celui d'Afrique, de rang consulaire, disposent de 3 légats, ceux d'une province prétorienne d'un seul légat. Dans les provinces impériales, l'empereur peut en adjoindre au légat propréteur.
Son rôle de juge se dégage surtout dans les relations de procès, en particulier dans les nombreux récits de passions de martyrs, qui, semble-t-il, s'appuient sur les procès-verbaux et minutes des procès. La documentation égyptienne apporte un certain nombre de renseignements sur le déroulement concret de la procédure, mais le préfet d’Égypte est un cas particulier, puisqu'il s'agit d'un chevalier. Son pouvoir de juridiction, en matière civile et criminelle, lui est délégué directement par l'empereur, et n'est limité que par la possibilité d'un appel à ce dernier.
La procédure est connue : Le plaignant doit d'abord adresser une pétition au fonctionnaire le plus accessible afin d'être inscrit dans la liste de celles que le préfet entendra lors des prochaines assises. En revanche, Dans les provinces autres que l’Égypte, il n'y a pas de fonctionnaire intermédiaire pour transmettre les requêtes, et on ne sait pas bien comment le plaignant obtient l'accès au proconsul, car nous ne connaissons pas de procédure déterminée pour la présentation des libelli au gouverneur. Il doit donc être plus facile pour un notable influent que pour un provincial quelconque de faire parvenir sa requête. Le plaignant devra ensuite se présenter en personne devant le tribunal du gouverneur, et être présent jusqu'à ce que son affaire soit jugée.
Certaines sources attestent que dans les provinces sénatoriales, le plaignant comparait bien devant le tribunal du proconsul : C'est le cas, par exemple, du rhéteur Aelius Aristide qui se présente devant le proconsul d'Asie, C. Iulius Severus, en 153, à Éphèse. Il tient en effet à défendre un privilège selon lequel il est exempté de magistratures et de charges dans sa patrie, Smyrne, et d'autres cités. Au terme d'un long processus et de plusieurs appels, le proconsul finit par confirmer cette immunité...

Le gouverneur doit également diriger les troupes éventuellement stationnées dans la province et assurer le maintien de l'ordre. C'est ce qu'affirme très clairement le titre du de l'arrêté à propos des devoirs du gouverneur de province. Les troubles sont dus au brigandage sur les routes, mais aussi aux émeutes qui peuvent parfois se produire en ville, souvent à l'occasion de crises frumentaires.
Toutefois, les forces armées dont dispose le gouverneur sont d'importance très variable. En particulier, il n'y a pas de légions cantonnées dans les provinces sénatoriales et les proconsuls n'ont à leur disposition que des troupes auxiliaires, dans le meilleur des cas. Ils doivent donc se tourner vers d'autres agents pour assurer le maintien de l'ordre. Quand il se prépare à son proconsulat d'Asie, Fronton demande à bénéficier des services de Julius Senex, spécialiste de la chasse au brigand.

Les gouverneurs doivent avoir recours, en cas de besoin, à des hommes de main pour purger les régions infestées de bandits. Dans les cités, des magistrats locaux, comme les irénarques, sont chargés de fonctions de police, mais rien ne prouve qu'ils aient entretenu de collaboration particulière avec le gouverneur.
Le gouverneur est également chargé de contrôler les constructions publiques. Cet aspect de son activité est perceptible dans les textes juridiques, mais aussi à travers une abondante documentation épigraphique. Ainsi, selon Ulpien, il est du ressort du proconsul de visiter les monuments sacrés et publics, afin de déterminer s'il faut les restaurer, et de veiller à l'achèvement des constructions déjà engagées.
Quant aux projets édilitaires, lorsqu'ils sont aux frais de la communauté civique, ils doivent recevoir au préalable l'autorisation du gouverneur, ou de l'empereur quand ils s'avèrent très onéreux, et ceci au plus tard à partir de Marc Aurèle (211). À cet effet, le gouverneur doit s'intéresser aux modes de financement envisagés, et peut éventuellement autoriser la levée de nouveaux impôts, comme l'atteste un rescrit de Septime Sévère et de Caracalla. Ce contrôle a pour but d'éviter un endettement excessif des communautés, qui pourrait entraîner des désordres et les conduirait finalement à solliciter l'aide de Rome. (Ils serait bon de rétablir ce programme pour les communes et autres lieux où certains font des frais somptuaire qui plombent ensuite les finances des contribuables) Ainsi s'expliquent les interventions directes dans les finances des cités auxquelles se livrent parfois les gouverneurs. Par exemple, Pline le Jeune demande à inspecter les comptes de la colonie d'Apamée. la cité objecte qu'aucun proconsul ne l'a fait jusque-là, en raison de son statut privilégié. En effet, les colonies, qui représentent en théorie une partie de Rome, sont indépendantes du reste de la province.
En revanche le gouverneur peut très bien s'immiscer dans les affaires financières d'une cite pérégrine, quand elle ne bénéficie pas du statut de cité libre, statut privilégié en vertu duquel aucun représentant de l'autorité romaine, y compris le gouverneur, ne peut intervenir sur son territoire, que ce soit pour des raisons judiciaires, militaires ou fiscales. Mais, à l'exception de ces cas spécifiques, l'étendue des pouvoirs du gouverneur s'avèrent considérables...

Il s'agit maintenant, de cerner les compétences requises pour exercer au mieux cette charge. Rendre la justice implique a priori la connaissance du droit romain. Or, la formation intellectuelle que reçoivent les élites à Rome est centrée sur la rhétorique, l'art oratoire, mais aussi le droit, qui bénéficie d'une place privilégiée. Ainsi, dans son Dialogue des Orateurs, Tacite le fait figurer parmi les 3 types de carrière vers lesquelles les jeunes gens peuvent se tourner. L'importance de la science juridique dans la formation des sénateurs est soulignée par de nombreux auteurs, dont Cicéron. Toutefois, le droit, à la différence de la grammaire et de la rhétorique, ne fait pas l'objet, sous le Haut-Empire, d'un enseignement organisé ou contrôlé par l'État.
La formation reste dominée par la tradition aristocratique, celle du tirocinium fori (apprentissage du forum). Ainsi, les jeunes gens se forment auprès de juristes chevronnés, qui bénéficient d'une reconnaissance officielle : C'est le, privilège conféré par l'empereur qui leur permet de donner des consultations.

La persistance de ce système de formation empirique implique qu'une bonne connaissance du droit ne peut être le fait que d'une petite élite qui, par relations familiales, accède à l'entourage des grands juristes.
Ainsi, le sophiste Philostrate évoque, dans son roman, la Vie d'Apollonios de Tyane (VII, 42), la figure d'un jeune homme originaire de Messéné en Arcadie qui est venu à Rome sous Domitien pour apprendre le droit.
La connaissance du droit romain, en lui-même, ne pose donc pas de problèmes insurmontables, mais la situation est compliquée du fait que le droit local peut être pris en compte dans une certaine mesure. En effet, lorsqu'un territoire est annexe et devient une province, les traditions juridiques en place peuvent être maintenues, dans la mesure où les autorités romaines le permettent. Normalement, une loi provinciale fixe le statut de chaque province et précise le statut et donc l'autonomie plus ou moins large accordée à chaque cité. Elle détermine également comment s'exerce la justice du gouverneur. Nous
ne connaissons ces lois que pour certaines provinces : La Sicile, la Macédoine, la Crète, la Bithynie et la Syrie-Palestine. Encore ne s'agit-il que de mentions éparses, qui nous renseignent sur certains aspects, mais nous ne disposons aujourd'hui d'aucun texte complet de loi de ce type. Il n'est donc pas possible, en l'état actuel des connaissances, d'affirmer l'existence d'un schéma général.

La situation en Égypte est mieux connue que dans les autres provinces de l'Empire, grâce à l'abondance de la documentation papyrologique. Elle a été étudiée précisément par J. Modrzejewski et M. Humbert, qui ont bien montré comment les droits locaux se maintiennent en qualité de coutumes.
Le préfet choisit d'appliquer dans certains cas une règle romaine, dans d'autres le droit local, quand ce dernier ne contrevient pas radicalement au droit romain. Plusieurs cas étudiés par J. Modrzejewski montrent clairement comment le droit romain sert de référence pour le préfet, quand le droit pérégrin est muet sur le sujet concerné, ou bien quand il le trouve trop sévère.

La prise en compte des spécificités locales passe-t-elle par une connaissance approfondie, de la part du gouverneur, de ces coutumes ? Cela paraît peu probable entre autres les magistrats prorogés pour gouverner une province et chargés d'y rendre la justice. Valère Maxime semble ici sous-entendre que cette coutume n'est plus respectée de son temps, sous le règne de Tibère, et certains indices laissent en effet penser que l'emploi du grec s'est répandu, y compris dans des circonstances officielles. En effet, Tibère a pris à plusieurs reprises des mesures visant à restreindre l'emploi du grec dans la vie officielle, mais Dion Cassius précise que cet empereur lui-même a fini par accepter d'entendre des procès où l'une des parties plaidait en grec.
Suétone prête d'ailleurs à cet empereur une phrase qui montre bien qu'il considère désormais les deux langues à part égale, puisque Claude a souligné qu'un individu possédait « nos 2 langues »).

Si le gouverneur n'est pas lié par une règle contraignante et peut donc recourir soit au latin, soit au grec, il semble toutefois qu'en général il s'exprime en grec dans les provinces hellénophones. Nous disposons de la transcription des débats pour certains procès en Gypaète, dans des procès-verbaux d'audiences : Il apparaît que les parties et les avocats parlent en grec, et que le gouverneur rend sa sentence en grec plutôt qu'en latin, jusqu'au règne de Dioclétien, qui tente, sans réel succès d'ailleurs, d'imposer l'usage du latin. L'exemple vient d'en haut : En 216, en route pour son expédition contre les Parthes, Caracalla traverse la Syrie et est sollicité par les Goharieni, des villageois, qui accusent un certain Avidius Hadrianus d'avoir usurpé la prêtrise d'un temple à Dmeir. Ils saisissent cette opportunité pour porter devant l'empereur un cas qui n'aurait pas été susceptible de l'atteindre autrement... Une inscription découverte à Dmeir en 1934 reproduit le protocole du procès, qui a eu lieu à Antioche, le 27 mai 216, et retranscrit les débats qui ont eu lieu à cette occasion. Or, Caracalla intervient dans les débats en grec, dans la même langue que les avocats des plaignants et du défendeur.
Cela suppose donc la connaissance du grec pour les Occidentaux envoyés dans les provinces hellénophones, et du latin pour les Orientaux dans les provinces Occidentales. La koiné grecque est alors la langue vernaculaire de la Méditerranée Orientale, même si cette langue connaît des variations
régionales. Toutefois, au delà des 2 langues « officielles » que sont le latin et le grec, il faut s'intéresser aux autres langues qui survivent dans l'Empire Romain.
En Afrique, la persistance des langues punique et libyque est bien attestée par l'épigraphie, le punique, le libyque.
Des passages de Saint Augustin tendent à prouver que le punique est encore parlé à son époque.
En Espagne et en Gaule, les sources ne permettent guère de déterminer jusqu'à quelle date les langages locaux ont été en usage, mais un passage d'Ulpien atteste la survivance du celtique au IIe siècle, car il précise que les fidéicommis peuvent être rédigés non seulement en latin et en grec, mais aussi en punique ou en celtique.

Dans la partie Orientale de l'Empire, les langues locales semblent avoir subsisté également : On connaît une centaine d'inscriptions Phrygiennes. Des langues telles que le pisidien et le celtique de Galatie existaient encore sous forme écrite.
Or si la langue maternelle des scribes qui apparaissent dans cette documentation est l'araméen, langue commune dans cette zone pour la masse de la population, on constate que les documents officiels sont rédigés en grec. Ces scribes sont des Juifs ou des Nabatéens pour la plupart, très rarement des Romains. Les documents comportent des sémitismes, par exemple l'omission de certains articles définis, mais aussi des latinismes, alors que la province d'Arabie a été constituée en 106, soit une vingtaine d'années plus tôt.
En cas de maîtrise insuffisante, il fallait donc recourir à un interprète. Cela doit avantager les catégories de la population qui dominent ces langues. La question se pose aussi pour le gouverneur, car, s'il ne maîtrise pas la langue en question, il en est réduit à s'adresser à des interprètes, solution qui peut s'avérer dangereuse : Ainsi Apollonius de Tyane conseille au futur empereur Vespasien de choisir des gouverneurs qui ne se laisseront pas tromper par leurs interprètes, et il affirme avoir connu en Grèce un gouverneur que ses administrés ne comprennent pas et que ses subordonnés bernent.

En fait, le bilinguisme latin-grec est très répandu dans les élites romaines et ne doit donc pas poser de problème. Ainsi, Cicéron et Pline le Jeune émaillent leurs lettres de citations grecques, et l'idéal est d'être utriusque sennonis doctus, comme Mécène selon les paroles d'Horace. Dans son Institution Oratoire, l'orateur Quintilien insiste sur l'importance du bilinguisme et estime que pour un résultat optimal, il faut enseigner à l'enfant d'abord le grec, afin de bien l'imprégner de cette langue. Toutefois, on assiste à un recul du bilinguisme stricto sensu sous l'Empire. Le grec est très bien maîtrisé, mais reste une langue étrangère...
En revanche, l'inverse est moins vrai, car les élites hellénophones des provinces ne semblent pas maîtriser correctement le latin, ce qui peut les désavantager pour des fonctions Occidentales. Cela s'explique largement par le mépris des élites grecques pour la langue latine, mais de nombreux Grecs soulignent également leurs difficultés à dominer cette langue.
Outre la formation reçue au cours d'études, il ne faut pas négliger l'importance de la formation pratique qui a pu être acquise au cours de fonctions antérieures. L'une des plus intéressantes de ce point de vue est celle du légat, qui est souvent choisi parmi les proches du gouverneur en fonction. En effet, comme le rappelle Dion Cassius, le proconsul désigne lui-même ses légats, parmi ses pareils ou ses inférieurs, et parmi ses pareils ceux que l'empereur approuve. В. Е. Thomasson a étudié les légats d'Afrique de ce point de vue, en s'intéressant aux relations de parenté qui existent entre eux et le proconsul. Dans les cas connus, le choix du proconsul s'est porté essentiellement sur un fils, un gendre, un frère, ou un parent plus éloigné, par exemple un cousin. Il en conclut que le degré de parenté est un critère de choix usuel, permettant au proconsul d’être assure de la fidélité de son subordonné. L'intérêt d'un tel poste est aussi de former un jeune sénateur en l'associant étroitement à des fonctions d'administration provinciale. En tant que légat, il a l'occasion de voir de près un gouverneur à l'œuvre, ce dont il peut par la suite s'inspirer dans des fonctions similaires. La délégation de juridiction, qui permet au gouverneur de se décharger d'un certain nombre d'affaires.
Une autre fonction importante de ce point de vue est celle de questeur provincial. En effet, sur les 20 questeurs élus chaque année, 12 sont envoyés dans des provinces, ce chiffre correspondant aux 12 provinces sénatoriales, où ils sont chargés de s'occuper des finances de la province. Leurs relations avec le proconsul en fonction sont très étroites, et même considérées comme quasi-filiales.
Pour les aspects militaires et de commandement, qui concernent uniquement les provinces armées, il faut tenir compte de fonctions antérieures de légat de légion, et, dans une moindre mesure, de tribun militaire. En effet, cette deuxième fonction constitue une sorte de service militaire pour le fils de sénateur, d'une durée de six mois ou un an, pendant laquelle il surveille l'exercice des soldats. Certains généraux célèbres, tels Agricola ou Trajan, ont ainsi mis à profit leur tribunal pour apprendre l'art du commandement, mais les auteurs qui soulignent leur valeur et leur zèle l'opposent à la nonchalance et à l'indiscipline de nombreux autres jeunes tribuns, et semblent présenter ces grands hommes comme des exceptions.
De plus, de nombreuses années s'écoule entre ce service militaire, exercé aux alentours de 20 ans, et le gouvernement d'une province. La légation de légion, quant à elle, dure en général 2 ou 3 ans, et implique pour celui qui l'exerce une véritable expérience de commandement, dans tous ses aspects : Maintien de la discipline, supervision de l'exercice, et jugement des infractions et délits éventuels.
En revanche, si cette expérience peut dans certains cas comporter une véritable pratique de la guerre, celle-ci est loin d'être systématique. Selon les unités et les périodes, les chances de participer à de réels combats sont plus ou moins limitées.
Pour la formation financière, dans la mesure où rien n'existe au niveau des études « supérieures », c'est là encore l'expérience concrète qui peut jouer un rôle. Ceci concerne avant tout, bien évidemment, le sénateur en tant que personne privée, héritier et possesseur d'un patrimoine familial qu'il se doit de conserver, ne serait-ce que pour continuer à répondre aux conditions de cens requises pour appartenir à l'ordre sénatorial, et pour le transmettre à son tour à ses descendants.
La gestion de sa fortune implique que, même si des esclaves spécialisés s'occupent de ses comptes, lui-même doit être capable de les surveiller et de ne pas se laisser abuser par des comptes falsifiés.
À cette première expérience, d'ordre privé, s'ajoute celle acquise dans les diverses fonctions qu'un sénateur peut être amené à exercer tout au long de sa carrière. Ces dernières lui fournissent également une occasion d'enrichir sa formation financière en le mettant aux prises avec des problèmes pratiques qu'il lui faut résoudre le mieux possible. C'est le cas de Pline le Jeune, qui a été préfet et destiné à financer la retraite des soldats, et de Yacrarium Siitunii, le Trésor du Sénat, et que Trajan envoie en Pont-Bithynie en affirmant que sa mission première est de remettre en ordre les finances des cités.
Cet exemple permet de voir comment les deux types d'expérience s'ajoutent et se complètent, car d'autres passages de la Correspondance montrent précisément Pline très attentif à la gestion de ses domaines et de ses biens.
La fonction polyvalente de gouverneur de province nécessite donc un certain nombre d'aptitudes, dont certaines relèvent de la formation intellectuelle, d'autres d'expériences antérieures. (Cela devrait fortement inspirer les études des énarques et autres haut fonctionnaires et politiciens qui font semblant de gouverner) Les étapes préalables du cursus honorum permettent de compléter des connaissances théoriques par une pratique diversifiée, souvent sous l'égide d'un gouverneur en charge. Ainsi, la polyvalence des carrières préparait à la multiplicité des fonctions dévolues au gouverneur de province...

En tant qu’ex ou futurs magistrats, les gouverneurs provinciaux jouent également un rôle religieux, méconnu ou négligé des historiens que rappelle L. Guichard (p. 29-52) qui en recense, grâce à une étude documentée, les diverses implications essentiellement militaires et civiles. Ces fonctions se manifestent en temps de guerre par la formulation de vœux ratifiés a priori et le cas échéant a posteriori par le sénat ou le recours, dans une moindre mesure, aux rites de la devotio associée ou non à l’evocatio qui évolue vers l’adoption locale des divinités indigènes.
La prise en compte des présages, y compris quand leur interprétation est à l’avantage du commanditaire, reste une figure imposée de la routine gouvernementale. La remarque est d’importance car la pratique est annonciatrice de comportements de l’administration dont les représentants n’hésitent pas à intégrer dans leur « panthéon » personnel des dieux rencontrés au cours de leur carrière.
L’action des gouverneurs se doit donc normalement de respecter le ius gentium et la pietas erga deos. En matière civile, l’activité religieuse des gouverneurs pouvait ne pas être négligeable même si le sénat exerce également un contrôle. On observe néanmoins que le poids de ce dernier est inversement proportionnel à celui des Imperatores des guerres civiles qui maintiennent ou transgressent les privilèges des communautés à leur guise. (Aujourd'hui même en temps de paix ils transgressent les religions et les coutumes)

Formation et compétences des gouverneurs de province dans l ...
www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_2004_num_30_2_2680
de A Bérenger-Badel - ‎2004 - ‎Cité 4 fois - ‎Autres articles
Dialogues d'histoire ancienne Année 2004 Volume 30 Numéro 2 pp. .... 11 s'agit souvent d'îles, comme la Corse ou la Sardaigne, ou de petites provinces ..... 231-246 ; A. Bórenger-Badel, "Le voyage des gouverneurs à l'époque .... dans la province de Pont-Hilhvnie au Haut-Empire d'après les inscriptions",

Les gouverneurs et les provinciaux sous la République romaine ...
www.revue-etudes-anciennes.fr/les-gouverneurs-et-les-provinciaux-sous-la-republiqu...
10 sept. 2015 - Les gouverneurs et les provinciaux sous la République romaine. .... et Pollentia vers 123, puis Saguntum et Carthago Noua dans les années 50[3]. .... 246). L'auteur reprend les pièces à conviction réunies par Cicéron pour en ...

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