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OCTOBRE 2015...
Cette
page concerne l'année 590 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
APERÇU DES TURBULENCES BRETONNES.
Macliau,
surgissant de dessous terre, gagne la ville de Vannes et là,
tonsuré, il est ordonné évêque... »
Ce
texte, de la plume de Grégoire de Tours, raconte des événements
qui se sont déroulés au milieu du VIe siècle. Grégoire n’est
pas encore métropolitain (archevêque) à ce moment et rédige à
retardement, sur la base de renseignements « Cependant Chanao,
comte des Bretons, a tué 3 de ses frères. Voulant aussi tuer
Macliau, il le tient en prison lié et chargé de chaînes. Celui-ci
est sauvé par Félix, évêque de Nantes. Après quoi il jure
fidélité à son frère, mais il veut rompre son serment on ne sait
dans quelle occasion... Chanao, le sachant, le poursuit de nouveau.
Macliau, voyant qu’il ne peut se sauver, s’enfuit auprès d’un
autre comte de cette région du nom de Conomor.
Celui-ci,
pressentant l’approche de ses poursuivants, le cache sous terre
dans un caveau et, selon l’usage, fait par dessus arranger un
tumulus, lui réservant un petit soupirail par lequel Macliau peut
respirer. Les poursuivants survenant, ils leur disent : « ici
gît Macliau mort et enterré’ ». Ceux-ci entendant cette
nouvelle se réjouissent et boivent sur le tumulus lui-même... Le
point de vue est celui d’un Gallo-Franc qui n’a guère de
sympathie pour les Bretons.
Leurs
chefs sont appelés « comtes » comme s’ils dépendaient
docilement des successeurs de Clovis, ce qui à ce siècle est
pratiquement un abus de langage.
Félix
de Nantes est l’un de ces grands évêques qui s’efforcent de
compenser les dérégulations du monde Mérovingien. Maître en sa
cité, il en pousse l’organisation jusqu'à des travaux rectifiant
les cours d’eau :
Il
bâtit une basilique aux chapiteaux fleuris et au toit d’étain.
Noble
d’une lignée qui se comporte en propriétaire de son siège
épiscopal, il intervient en diplomate alentour ainsi qu’on le voit
ici.
Chanao
prétend au pouvoir sur tout le sud de l’Armorique Bretonne
(Cornou). Il cherche à éliminer la concurrence de ses proches et
pratique l’assassinat politique à la manière des Francs. A
l’époque les princes de la Bretagne insulaire se comportent aussi
de cette façon, comme le rapporte le contemporain Gildas dans son De
Excidio Britanniae.
Macliau,
frère de Chanao, est le père de Waroc (à noter que Waroc se dit
aussi Erec).
La
chronique de Grégoire reparle de Macliau lorsqu’il quitte son
refuge épiscopal de Vannes. Pour l’instant il est intronisé d’une
manière régulière, Romaine, puisque Félix veille, et non dans le
seul cadre des clercs Bretons suivant une pratique qui sera interdite
au concile de Tours 15 ans plus tard.
A
l’image du rôle ambigu joué dans l’épisode par Conomor, ce
personnage reste difficile à cerner. Il détient vraisemblablement
de l’autorité sur une partie du nord de la péninsule (Domnonée),
mais le véritable seigneur de toute cette région est Judual, lequel
est en exil à la cour de Childebert. Samson de Dol, comme l’indique
sa biographie ancienne, obtiendra du roi franc le retour de Judual.
En
Francie, Clotaire est en concurrence de domination avec son frère
Childebert. Chramne, fils de Clotaire, se fâche contre son père et
s’allie à son oncle Childebert, celui-ci meurt en 558. Deux ans
après, Clotaire pourchasse son propre fils.
Chramne,
nous dit Grégoire de Tours, « comme il ne voit plus de moyens
d’échapper, gagne la Bretagne et là auprès du comte des Bretons
Chonobro lui-même, sa famille et ses filles se cachent... Cependant
le roi Clotaire, frémissant de rage contre Chramne, se dirige contre
lui en Bretagne avec une armée. Mais celui-ci ne craint pas de
marcher contre son père. Comme les deux armées sont rassemblées
dans une même plaine et que Chramne avec les Bretons a rangé la
ligne de bataille contre son père, la nuit tombant, on arrête de
combattre. Cette même nuit Chanao, comte des Bretons, dit à
Chramne : « Je pense qu’il est injuste que tu doives
marcher contre ton père. Permets-moi cette nuit même que je
l’assaille et l’accable avec toute son armée »
Cela
Chramne, empêché sans doute par un miracle de Dieu, ne l'a pas
permis.
Le
matin venu, les deux chefs, ayant mis en mouvement leurs armées, se
hâtent au combat. Le roi Clotaire va comme un nouveau David pour
combattre son fils Absalon, pleurant et disant : « regarde-moi
Seigneur depuis le Ciel et juge ma cause, car je supporte injustement
les outrages de mon fils. Regarde Seigneur et juge justement et porte
ce jugement même que tu as prononcé entre Absalon et son père
David’ ».
On
combat cependant avec une force égale. Le comte des Bretons tourne
le dos et tombe. Alors Chramne s’enfuit, il a des navires tout près
sur la mer...
Il
veut libérer sa femme et ses filles, mais surpris par l’armée de
son père, il est capturé et enchaîné.
Quand
on eu annoncé cela au roi Clotaire, il ordonne de le brûler avec sa
femme et ses filles enfermé dans la cabane d’une pauvresse.
Chramne, étendu sur un banc, est étranglé avec un mouchoir et la
cabane est mise en feu. C’est ainsi qu’il périt avec sa femme et
ses filles. ».
CHÂTEAU DE FOUGERES |
Clotaire
meurt un an plus tard. Les Mérovingiens sont désorganisés et ne
menacent plus les Bretons. Sur place Chanao a un héritier, Bodic,
apparemment moins agressif que son prédécesseur. Macliau n’est
plus contraint de s’abriter sous la fonction d’évêque de
Vannes.
Grégoire
écrit : « Chanao étant mort, il (Macliau) apostasie et,
ayant laissé pousser ses cheveux reprend sa femme qu’il a
abandonnée une fois clerc et avec elle le royaume de son frère.
Mais les évêques l’excommunient », sans doute au cours d’un
concile.
En
réalité, comme le chroniqueur l’explique ensuite, Bodic et
Macliau se partagent la Cornouaille : Au premier la partie qui
correspond à l’actuelle Cornouaille, au second le reste,
c’est-à-dire essentiellement le pays de Vannes. La convention de
partage est prolongée par l’engagement « que celui d’entre
eux qui survit défend les fils de l’autre comme s’ils sont les
siens ». Au moment du serment de garantie réciproque envers
leur progéniture, Bodic a un fils en bas âge, Theuderic, la femme
de Macliau donne bientôt naissance à un frère de Waroc, Jacob (la
suite des avènements montre en effet que Jacob est plus jeune que
Waroc).
S’ouvre
alors une période de paix d’une quinzaine d’années, durant
laquelle Waroc se joint à une épouse qui lui donne au moins un
fils, Canao, ce nom recoupe celui du grand-père Chanao, selon une
coutume ancestrale. Les autres enfants éventuels de Waroc ne sont
pas connus. Le récit de la vie de Saint Gildas par le moine Vitalis,
très postérieur, évoque Triphine, fille de Waroc, mais il y est
rapporté qu’elle devient l’épouse de Conomor, ce qui est
chronologiquement impossible !
Les
hauts clercs entretiennent, semble-t-il, de bonnes relations avec
Waroc qu’ils préfèrent sans doute à son père en disgrâce
religieuse. Des textes citent, peut-être abusivement, de nombreux
« saints » rencontrés : Guenhaël de Lanester,
Gunthiern d’Anaurot et Ninnoc de Ploemeur (Cartulaire de
Quimperlé), etc. En fait la génération des plus grands d’entre
eux, ceux formés dans les illustres séminaires Gallois, arrive à
son terme, parmi eux, Gildas et Samson.. Les rénovateurs Irlandais,
tel Colomban, apparaîtront plus tard. Waroc est vraisemblablement
trop jeune, à la mort de Gildas, pour avoir eu la chance de le
rencontrer. Cependant le monastère de Rhuys prend vite de
l’importance et perpétue l’influence de ses écrits où l’on
voit le sage fondateur critiquer la conduite des rois...
Samson
a créé bien loin, à Dol, une abbaye si prestigieuse qu’elle a
prétention au titre de métropole ecclésiastique de Bretagne. Il se
rend à Paris, vers 563, pour participer à un concile. S’il n’a
pas rencontré Waroc, il est rapporté que son associé Méen s’en
est chargé.
Samson
et Méen sont apparentés à la famille régnante de Domnonée, et
ces contacts ont des résonances diplomatiques.
Le
siège épiscopal de Vannes a été pourvu d’un titulaire
d’obédience plus romaine que Macliau, Eunius.
Grégoire
de Tours se complaît à décrire un trait de caractère de
l’évêque : Il est alcoolique. La situation politique de la
ville de Vannes est complexe. Le trouble est accentué par les
voyages de comtes Mérovingiens réfugiés en Bretagne lorsqu’ils
sont en disgrâce, tel Leudast chassé de Tours à l’époque de
Sigebert.
Il
est probable que les responsabilités de Waroc dans des tournées à
travers le pays s’accroissent au fur et à mesure que son père
vieillit, et qu’il recrute au passage des immigrants Bretons pour
constituer son armée. Les historiens s’accordent pour constater
qu’il reste une trace du fonctionnement des légions Romaines dans
les bataillons Bretons : Plus de souplesse tactique que dans
l’infanterie Franque et moins de désordre individualisé qu’au
temps des Gaulois
En
575 Sigebert est assassiné de la main de tueurs à gages commandités
par Frédégonde. Son époux Chilpéric devient alors un dangereux
voisin, ayant en principe la Bretagne en tutelle. Macliau et Bodic se
sont fait le serment de protéger mutuellement leurs fils. Bodic
meurt le premier, Bodic mort, que devient son fils Theuderic ?
Grégoire
nous le raconte, pour ainsi dire en direct puisqu’il est maintenant
en poste officiel à Tours :
« Macliau,
oublieux de son serment, le chasse de sa patrie et prend le royaume
de son père. Theuderic est longtemps fugitif et errant. Dieu ayant
pitié de lui, il rassemble des hommes de Bretagne, se jette sur
Macliau, le tue de l’épée avec son fils Jacob et remet sous son
pouvoir la partie du royaume qu’a possédée son père. L’autre
partie, cependant, Waroc fils de Macliau se l’assure. »
Il
est douteux que Waroc s’associe à ce conflit car l’armée qu’il
dirige, capable environ 2 ans plus tard de bloquer une invasion
Franque, a évité à son père d’être mis en déroute par
Theuderic.
Celui-ci,
selon certains, a été chercher des renforts en Bretagne insulaire.
D’autre part une légende complexe relate la vie de Saint Mélar,
jeune héritier de Cornouaille méchamment occis, il est fort
probable que le souvenir de ce meurtre ait sa source dans celui de
Jacob, ce qui justifie le jeune âge attribué à ce dernier.
Que
ce soit à l’issue d’une embuscade ou lors d’une bataille
rangée, la mort violente de Macliau et de Jacob clarifie le paysage
politique de l’Armorique méridionale.
Waroc
ne cherche pas à son tour à poursuivre Theuderic, meurtrier de son
père. Il se contente d’un modus vivendi et s’assure, comme le
dit le chroniqueur, du pays Vannetais qui porte son nom et dont il
est maintenant le « roi ».
La
Francie est en perpétuel remous d’héritages. Chilpéric a fort à
faire contre son frère Gontran qui s’est momentanément allié au
fils de Sigebert. Les troupes qu’il a levées avec difficulté ne
sont pas de taille contre cette alliance. Il les dirige alors vers
les Bretons...
Grégoire
de Tours s’intéresse à cette expédition qu’il situe en 578 :
« Les Tourangeaux, les Poitevins, les gens de Bayeux , les
Manceaux et les Angevins, avec beaucoup d’autres, vont en Bretagne
sur l’ordre du roi Chilpéric et s’établissent près de la
Vilaine contre Waroc fils de Macliau. Mais celui-ci par ruse, de
nuit, se ruant sur les Saxons de Bayeux, tue la majeure partie
d’entre eux. »
Les
Francs n’apprécient pas les combats nocturnes, on l’a vu à
propos de la bataille de 560. De dépit, ils appellent ruse une
action de commando réussie. Les Francs sont décontenancés, surpris
d’une telle pugnacité, ils n’ont pas le courage d’aller plus
loin.
Après
3 jours de palabres, Waroc, « faisant la paix avec les généraux
du roi Chilpéric et donnant son fils en otage, promet par serment
qu’il est fidèle au roi Chilpéric. Il rend Vannes sous condition
d'obtenir de la gouverner par l’ordre du roi, les tributs et tout
ce qui est dû par cette ville, sans attendre aucune sommation, il
les paie... Ceci fait, l’armée est retirée de ces régions. »
A
part le mot « serment », peut-être transmis abusivement
par les généraux Mérovingiens pour valoriser le résultat de leur
action, l’accord est ambigu : Il semble conditionner le
versement d’un tribut à une future délégation formelle de
pouvoir. Il est question de la ville de Vannes, sans considération
des campagnes avoisinantes aux mains des Bretons. L’enjeu est bien
le pouvoir de Waroc sur la cité elle-même. La question ne semble
pas entièrement réglée.
De
quels moyens dispose Waroc pour clarifier sa situation auprès des
puissants voisins, pour faire admettre sa souveraineté, donc
échapper au tribut ? A Vannes, il s’en ouvre à l’évêque
Eunius.
Il
est d’usage que les prélats s’interposent entre les grands de ce
monde pour adoucir les situations épineuses. Eunius accepte de se
rendre à la cour de Chilpéric et d’y représenter Waroc. Sa
mission est sans doute d’obtenir un retour en arrière sur
l’engagement de fidélité, de le réduire à une simple promesse
de bon voisinage. Grégoire de Tours rapporte cette ambassade et note
la réaction épidermique de Chilpéric :
« celui-ci,
furieux, le fait condamner à l’exil après l’avoir tancé
fortement ». Eunius, éventuellement pris de boisson, a manqué
de la moindre subtilité qui lui aurait évité de passer pour
coupable alors qu’il n’est qu’intermédiaire...
La
sanction qu’impose Chilpéric est très contraignante, la plus
sévère après la peine de mort en un temps où l’emprisonnement
n’est guère pratiqué. L’année suivante, « Eunius,
rappelé d’exil, est envoyé à Angers pour y vivre, mais il ne lui
est pas permis de retourner dans la cité de Vannes ».
Cette
phrase laisse supposer des tractations délicates entre le
métropolitain Grégoire lui-même et les frères Chilpéric et
Gontran. qui sont revenus en bonne intelligence.
Dans
l’Église un évêque reste attaché à son siège territorial,
depuis les précisions apportées à ce sujet par le concile de
Chalcédoine en 451. Eunius ne peut donc être remplacé. Vannes a
été privée de titulaire après la démission de Macliau, la voilà
vacante à nouveau par l’assignation à résidence lointaine de son
pasteur.
Quelques
années plus tard l’évêque en titre se nomme Regalis. C’est un
homme d’une toute autre trempe. Il ne cherche pas à collaborer
avec Waroc qui, pourtant, a su s’entendre avec son prédécesseur.
Regalis se considère, dira-t-il lui-même, comme prisonnier des
Bretons.
L’année
qui suit l’affrontement de la Vilaine est mouvementée. Grégoire
l’évoque à deux reprises :
« Les
Bretons cependant ravagent la région de Rennes par l’incendie, le
butin enlevé, les captifs emmenés. Tout en combattant, ils
s’avancent jusqu'à Cornutium vicum (Corps Nuds)... Le « dux »
Beppolène est dirigé contre les Bretons et dévaste quelques lieux
par le fer et l’incendie... »
« Cette
année-là (579) les Bretons sont très malfaisants autour des villes
de Nantes et de Rennes. Emmenant un butin immense, ils courent par
les champs, ils dépouillent les vignes de leurs fruits, ils emmènent
des captifs. Comme Félix, évêque de Nantes, leur a envoyé une
députation, ils promettent de réparer le mal, mais ils ne veulent
en rien tenir leurs promesses. »
Notre
chroniqueur est plus lyrique à propos des dégâts commis par les
Bretons qu’au sujet des ravages causés par l’expédition confiée
à Beppolène. Malgré ses préventions, il juge les uns malfaisants
et les autres dévastateurs, ce qui laisse supposer une plus grande
cruauté de la part des Francs.
On
reconnaît 2 campagnes différentes : La première au printemps
vers Rennes, sans doute en coordination avec des éléments venant de
Domnonée, la seconde à l’automne vers Nantes. Waroc a peut-être
senti le besoin de tâter d’abord le terrain du coté de la cité
qu’il connaît le moins.
Le
but de ces campagnes peut être l’intimidation mais, par leur
ampleur, elles ressemblent davantage à une provocation ou à un
accès de rage après l’échec de la mission d’Eunius. Les
expéditions interviennent loin dans les terres étrangères, sans
aller jusqu’aux villes, une mise à sac de Rennes ou de Nantes
serait une toute autre opération. Quant aux captifs, deviendront-ils
esclaves ? L’esclavage à la mode Romaine exige une forte
organisation et n’est plus vraiment de mise. Le style de servage
qui lui fait place s’apparente plutôt à un lien irrévocable avec
la terre qu’exploite le serf pour le compte de son maître. Les
Bretons ne semblent plus pratiquer la traite des hommes, sauf
quelques clans côtiers lorsqu’ils mettent la main sur des pirates
barbares.
Beppolène
rode dans la région mais poursuit des ambitions personnelles et ne
se manifeste pas en cette occasion, son heure viendra. S’employant
à imposer son autorité sur Rennes, il se fourvoie dans la violence,
assassine la fille de son évêque.
Finalement
Félix entre en jeu. Grégoire ne l’aime pas et se complaît à
annoncer l’échec de son intervention, Fortunat de Poitiers, de son
coté, signale que l’action de Félix ramène la paix. On voit mal
les Bretons rendre ce qu’ils ont pris, mais une sorte de
cessez-le-feu a pu être décidé dans un accord entre Waroc et les
envoyés de l’évêque de Nantes, aucune razzia n’est rapportée
pendant les années suivantes.
Les
démonstrations militaires de Waroc ont jusqu’alors été
bénéfiques pour la Bretagne et, depuis la Domnonée, une certaine
suprématie semble reconnue au chef du pays Vannetais, Juthaël
succède à Judual, mais Waroc a surtout affaire à son représentant
Vidimacle, bien que le récit historique ne dise pas expressément
que Vidimacle relève de la Domnonée.
Et
il n’est pas impossible que la Cornouaille participe aussi au
gonflement des effectifs.
Félix
de Nantes meurt en 582. Plus tard, le successeur de Félix ne cherche
pas à emboîter les pas de son illustre prédécesseur dans les
opérations diplomatiques.
La
situation demeure conflictuelle à l’intérieur de la Francie :
Le roi Gontran, depuis sa Burgondie, arbitre les différents, souvent
sanglants, entre ses belles-sœurs Frédégonde et Brunehaut.
L'OUST A JOSSELIN |
Brunehaut
défend, de ses terres du Nord-Est, la suprématie de son jeune fils
Childebert II. Frédégonde, voisine de la Bretagne, après que
son mari Chilpéric ait été assassiné (584), en fait autant avec
son dernier né Clotaire II, encore plus jeune. Finalement
Gontran s’associe au sort de Childebert II (587) et son rôle
devient hégémonique. Frédégonde, isolée, cherche des appuis
jusqu’auprès des Bretons...
La
manie des chamailleries Mérovingiennes se répand en cascade des
personnages couronnés à leurs grands valets. Beppolène, ayant en
charge les contrées bientôt appelées « Marches de
Bretagne », infidèle à Frédégonde, devient général pour
le compte de Gontran. L’ayant appris, Frédégonde est furieuse
contre Beppolène, nous dit Grégoire de Tours, « elle le haït
depuis longtemps, elle ordonne aux Saxons de Bayeux d’aller au
secours de Waroc les cheveux coupés à la manière des Bretons et
les vêtements arrangés de même ». Beppolène ne parvient pas
à soumettre la ville de Rennes, il y place son fils, celui-ci est
mis à mort par les habitants.
Waroc
décide d’un raid. Notre chroniqueur le décrit d’une manière
routinière, sous l’année 588 : « Les Bretons,
cependant, se ruant sur le territoire Namnète, emportent du butin,
envahissant les villae et emmenant des captifs. Quand on eut rapporté
ceci au roi Gontran, il ordonne de mobiliser l’armée en envoyant
aux Bretons un messager pour leur parler afin qu’ils réparent tout
le mal qu’ils ont fait, ou qu’ils sachent qu’ils tomberont sous
le glaive de son armée. »
Les
Bretons acceptent de discuter. Dès qu’il le sait, Gontran « envoie
une légation comprenant Namatius, évêque d’Orléans et Bertrand,
évêque du Mans, avec des comtes et d’autres hommes illustres.
Du
royaume de Clotaire sont présents les fils de Chilpéric,
personnages distingués. Allant sur la frontière des Namnètes, ils
parlent avec Waroc et Vidimacle de tout ce que le roi a ordonné.
Mais les Bretons déclarent : « Nous savons que ces cités
sont sujettes des fils du roi Clotaire et que nous-mêmes devons leur
être sujets. Nous ne tarderons pas à réparer tout ce que nous
avons fait contre l’ordre. » Ayant donné des fidéjusseurs
et souscrit des engagements, ils promettent de donner plusieurs
milliers de sols de composition au roi Gontran et à Clotaire,
s’engageant à ne jamais attaquer au-delà de la limite de ces
cités (Nantes et Rennes). Ceci arrangé, certains retournent et
rapportent au roi ce qu’ils ont fait. »
La
composition de la délégation Franque est d’importance, mais la
conclusion des débats, une fois de plus, ne comporte pas de décision
s’appliquant immédiatement. Le montant de l’amende de
composition ou de réparation proposé est un capital important, de
l’ordre de valeur de quelques centaines de chevaux. Waroc est
certainement en état de payer ou du moins de regrouper rapidement la
somme, il y a trop de gens, présents à l’entrevue ou à portée
de témoignage, suffisamment informés de la richesse de Waroc pour
qu’il puisse risquer un énorme mensonge. Cependant les envoyés du
roi Franc se contentent de promesses et d’otages de garantie...
Durant
les deux années suivantes, les Bretons reprennent leurs expéditions.
Grégoire raconte que « Waroc, oublieux de son serment et de sa
caution, néglige tout ce qu’il a promis, enlève les vignes des
Namnètes et, rassemblant la vendange, transporte le vin dans le
Vannetais... Le roi Gontran, de nouveau très en colère ,
ordonne de mobiliser l’armée, mais il s’apaise ».
Puis,
en 590, « les Bretons sévissent fortement autour des villes de
Rennes et de Nantes. Le roi Gontran ordonne alors de mener une armée
contre eux. Il met à sa tête les ducs Beppolène et Ebrachaire,
celui-ci, craignant que si Beppolène remporte la victoire, il ne lui
rende pas son gouvernement (sa charge), se prend d’inimitié pour
lui. Pendant toute la route ils s’accablent de blasphèmes,
d’injures et malédictions. Par le chemin qu’ils parcourent, ils
multiplient les incendies, les meurtres, les pillages et autres
forfaits. Cependant ils arrivent à la Vilaine, la franchissent et
atteignent l’Oust. Là, ayant détruit les cabanes d’alentour,
ils établissent des ponts et ainsi passe toute l’armée ».
L’Oust
semble marquer ici, quelque part entre Glénac et Peillac, une limite
de l’influence du clergé Breton, au sud, et des prêtres d’origine
Gallo-Romaine, au nord, en conformité avec l’étude d’Erwan
Vallerie sur les limites des paroisses. Un renseignement précieux
provient des clercs favorable aux Francs. En effet « un certain
prêtre rejoint alors Beppolène disant : « Si tu me suis,
je te mènerai jusqu'à Waroc et je te montrerai les Bretons
rassemblés en un seul point ».
CHÂTEAU DE JOSSELIN |
La
vallée est en ces lieux large et très marécageuse, et l’effet de
la marée y parvient alors. Un gué, le plus en aval sur la rivière,
permet le passage. Un camp fortifié très ancien dont il subsiste
des traces (à La Chaumaille en Peillac) domine l’emplacement du
gué. Il est possible que c’est là que sont rassemblés les
Bretons. Bien que Grégoire écrive certainement sous la dictée d’un
membre des troupes Franques qui sont repassées par Tours après leur
déroute, il a pu y avoir une légère inversion dans le témoignage :
Beppolène a peut-être obtenu le renseignement du prêtre espion
avant de passer l’Oust et décidé de bâtir un pont plutôt que
d’utiliser le gué, afin de prendre Waroc à revers... L’armée
de Waroc et de ses alliés s’est portée au-devant de l’ennemi et
campe donc non loin, sur le plateau. Elle se sent en force, mais les
Francs vont bénéficier du renseignement de l’espion :
« Beppolène, arrivant avec ceux qui ont voulu le suivre, un
combat s’engage et, pendant 2 jours, il tue beaucoup de Bretons et
de Saxons... Ebrachaire l’a quitté avec une forte troupe et il ne
veut pas le joindre jusqu'à l’annonce de sa mort. Le troisième
jour, ceux qui entouraient Beppolène sont tués, blessé d’un coup
de lance, il combat, mais Waroc se rue sur lui et le tue. Waroc les a
en effet enfermés dans des voies étroites et des marais, dans
lesquels ils sont tués davantage par la boue que par le glaive. »
L’issue
de cette grande bataille est une victoire pour les Bretons, assez
fins stratèges pour surmonter l’effet de surprise initial et
refouler les Francs sur un terrain qui leur est défavorable.
Mais
la forte troupe d’Ebrachaire est intacte et se déplace. Grégoire
de Tours nous le signale :
« Ebrachaire
cependant atteint la ville de Vannes. L’évêque Regalis a envoyé
à sa rencontre ses clercs avec des croix, chantant des psaumes, ils
le conduisent jusqu'à la ville ».
Waroc
s’occupe alors de mettre à l’abri les coffres ou dorment tant
d’objets de valeur accumulés et les fait embarquer. « Plusieurs
rapportent ainsi à ce moment là que Waroc, voulant fuir dans les
îles avec des navires chargés d’or et d’argent et de ses autres
biens, comme les navires ont gagné la haute mer, le vent s’est
levé. Les navires submergés, les Bretons ont perdu les richesses
qu’ils y ont mises. »
Les
îles, ce sont Vindilis, Siata et Arica (Belle-Isle, Houat et
Hoedic). Dans ces parages, il est difficile d’être surpris loin
d’un abri par l’une de ces tempêtes d’été qui surviennent
parfois. Surtout au point de perdre une flottille entière. Plus
vraisemblablement, une des barques se sera éventrée lors d’un
accostage périlleux. Tout porte à croire que Waroc en tirera parti
pour faire admettre qu’il est dans l’impossibilité de verser un
tribut. Il regagne le continent, emportant seulement le coffre bien
garni qui sert à apaiser Ebrachaire.
Pendant
ce temps l’armée Bretonne, en retour de l’Oust, s’est
approchée de Vannes, sans doute dirigée par Canao fils de Waroc.
Ebrachaire ne tient pas à subir le sort de Beppolène et se prépare
à bâcler un armistice. « Cependant Waroc, venant à
Ebrachaire, demande la paix et il donne des otages avec beaucoup de
présents, promettant de n’aller jamais contre le bien du roi
Gontran ». La commission privée d’Ebrachaire figure parmi
les présents. Il s’empresse de l’installer sur une mule bâtée
prenant place dans la petite armée qu’il a sélectionnée, avec
l’aide de son sbire Wilachaire, en vue d’un retour rapide vers
ses terres.
Au
cours des négociations « l’évêque Regalis, avec ses clercs
et les habitants de sa ville, font les mêmes serments, disant :
« Nous ne sommes en rien coupables envers nos seigneurs rois et
jamais par orgueil nous n’avons été contre son bien, mais placés
dans la captivité des Bretons, nous avons été soumis à un joug
très sévère ». La paix faite entre Waroc et Ebrachaire,
Waroc dit : « Partez maintenant et annoncez que je
prendrai soin d’accomplir de bon gré tout ce que m’a ordonné le
roi. Afin que vous ajoutiez foi plus entière à cela, je vous
donnerai mon neveu en otage ». Et ainsi fait-il et la guerre
s’arrête. »
Ebrachaire
s’éloigne, abandonnant une partie de ses troupes. Privés des
éléments les plus valeureux de ce qui reste de l’armée Franque,
encombrés des civils fuyant avec eux, ces guerriers délaissés
organisent mal leur retraite. Prenant au plus court, ils butent sur
la basse Vilaine qu’ils commencent à franchir, mais « les
hommes valides, les moins valides et les pauvres qui sont avec
ceux-ci, tous ne peuvent passer à la fois. Comme ils se trouvent sur
les bords du fleuve Vilaine, Waroc, oublieux des serments et des
otages qu’il a donnés, envoie Canao son fils avec une armée et,
ayant pris les hommes qu’il a trouvé sur le rivage, il les lie. Il
tue ceux qui résistent.
Certains,
qui veulent passer avec des chevaux, sont jetés dans la mer par le
cours torrentueux. »
La
femme de Waroc intervient alors, à propos des prisonniers Francs :
« par la suite beaucoup sont renvoyés par l’épouse de Waroc
avec des tablettes de cire comme des affranchis et ils retournent
dans leurs demeures ».
La
délivrance est organisée à la manière Romaine, en faisant
attacher au cou des libérés une planchette portant l’inscription :
Liberatus. Il est difficile d’analyser le comportement de la
compagne de Waroc, peut-être veut-elle marquer le point d’arrêt
de la guerre par un acte généreux émanant du pouvoir...
Grégoire
de Tours ne rapporte rien sur la Bretagne après la guerre de 590.
C'est l’un des derniers des littérateurs latins, il meurt en 594.
Pendant très longtemps, personne ne rédige plus de chronique
circonstanciée. Cependant Frédégaire, l’année même de la mort
de Grégoire, signale une nouvelle bataille entre Francs et Bretons.
Au vu de la brièveté du rapport on suppose que ces derniers sont
vainqueurs, le combat a lieu à l’Est de Rennes. Puis c’est le
silence historique...
La
pieuse réputation qui suit Waroc, telle qu’elle transparaît dans
les « vies de saints », n’a pu se nourrir que d’une
vieillesse édifiante (pas au point cependant d’en faire lui-même
un saint, à l’instar d’autres rois) et il a du être mis en
terre avec solennité. Son cercueil nous est-il parvenu ?
Il
existe à Lomarec, commune de Crach, un sarcophage de granit conservé
au fond d’une chapelle. L’inhumation dans un sépulcre de pierre
est rare en Basse-Bretagne au Haut Moyen-Âge. Le tombeau de Lomarec
est presque unique pour les VIe/VIIe siècles dans le Morbihan, en
tous cas le seul à porter une inscription. C’est d’ailleurs, de
toute la Bretagne occidentale, le seul sarcophage portant une
épigraphe, quelques mots largement gravés s’étalent sur l’un
des grands cotés, à l’intérieur : IRHA EMA * IN RI. Ce qui
signifie approximativement, en vieux breton : « ici est ce
roi ». Une équipe de chercheurs Britanniques a toutefois
proposé une interprétation différente.
L’attribution
de cette sépulture à Waroc a été examinée par de nombreux
historiens (Philippe Guigon en relève 16). La conclusion est
généralement positive. Il est possible que le site ait été celui
d’un très ancien petit monastère.
Outre
l’histoire écrite et l’archéologie, la tradition peut
renseigner sur l’importance d’un personnage. Waroc est le seul
« roi » breton dont le pays porte le nom : « Pays
de Waroc » ou « Bro Erec », pendant plus de 1 000
ans. D’autre part un ancien poème relate la rencontre de Waroc
avec une femme fort laide, qu’il épouse avec répugnance, dès le
mariage, elle se transforme en une belle jeune fille, image de son
pays. Vieux mythe transposé sur notre héros
NOTICE
SUR WAROC - SAHPL
www.sahpl.asso.fr/SITE_SAHPL/Paulet_Waroc_D_Paulet.htm
Histoire
et légende à propos de Waroc, seul breton dont un pays porte le
nom. ... S'ouvre une période de paix d'une quinzaine d'années,
durant laquelle Waroc se ..... Grégoire de Tours ne rapporte rien
sur la Bretagne après la guerre de 590.
Waroch
II — Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Waroch_II
Waroch
est également appelé Weroc ou Guérech (Gwereg en breton). ...
L'année suivante, Waroch envahit le pays de Rennes jusqu'à Cornut
(Cornutium vicum)Eunius, libéré ... Waroch attaque de nouveau les
pays rennais et nantais en 590.
France
historique et monumentale: Histoire générale de ...
https://books.google.fr/books?id=dnIaAAAAYAAJ
Abel
Hugo - 1837 - France
Guerre
contre les Bretons (585-590). ... d'attendre quelques années avant
d'essayer de tirer vengeance de Waroch, dont les excursions
multipliées désolaient ...
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