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MARS 2017...
Cette
page concerne l'année 54 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
LES DÉBOIRES DE L'EMPEREUR CLAUDE OCCASIONNE PAR AGRIPPINE
Claude
(1er août 10 av. J.-C. – 13 octobre 54) est le 4e empereur
Romain, régnant de 41 à 54. Né à Lugdunum (Lyon) en Gaule en 10
av. J.-C., fils de Drusus et d'Antonia la Jeune (elle-même fille de
Marc Antoine et d'Octavie), premier empereur né hors d'Italie. Il
succède à Caligula en 41 en devenant le 4e empereur de la dynastie
Julio-Claudienne alors qu'il a déjà une cinquantaine d'année
Les
différents récits de la mort de Claude sont de parfaits exemples de
la différence de conception de l’écriture de l’histoire entre
Rome et la période actuelle.
Ils
montrent aussi très bien comment les préjugés que nous avons, tant
sur les auteurs antiques que sur la façon dont l’histoire doit
être écrite, peuvent nous amener sinon à des erreurs, du moins à
une compréhension erronée des textes que nous avons sous les yeux.
(C'est un lieu commun, nos historiens modernes
aimeraient tant refaire l'Histoire à leur sauce).
Examinons
d'abord son physique : Le visage, a-t-on dit, est le miroir de l'âme,
c'est
souvent faux, mais c'est quelquefois vrai, et cela suffit pour que
l'extérieur
d'un personnage historique ait une certaine importance. Ici, il faut
rencontrer
chez des auteurs modernes d'étranges opinions et de graves
contradictions.
M.
Beulé surtout, dans ses portraits du siècle d'Auguste, a une façon
très simple et qui lui est particulière d'expliquer les choses au
plus grand
avantage
de ses idées. Il ne peut nier que la tête de Claude, telle que nous
la
montrent
ses nombreuses médailles, surtout celles de grand module, ses
camées,
ses statues, ne soit belle et noble, l'expression est douce, le
regard
profond.
On peut facilement s'en convaincre en visitant le musée des antiques
au Louvre et le cabinet des médailles à la grande Bibliothèque de
la rue de Richelieu (ancienne Bibliothèque Nationale), ce cabinet
renferme plusieurs médailles et camées de Claude qui le
représentent.
Un
seul camée de l'empereur offre une figure tirée, mesquine, assez la
ide
en somme, mais c'est le seul qui justement soit endommagé et
restauré... N'importe, d'après M. Beulé, c'est celui-là, cet
unique modèle, qui est le vrai
portrait
de Claude. Quant aux autres, qu'à cela ne tienne, M. Beulé a son
explication toute prête : Après ce qu'il a dit de Claude, que ce
n'est qu'un être abruti, imbécile, comment donc se fait-il que tous
ses portraits semblent indiquer le contraire ?... Eh ! c'est bien
simple, les artistes se sont tous donné le mot pour flatter de la
même manière le César dont ils reproduisent les traits :
Chose bizarre, nés dans de différents pays, sortis de diverses
écoles, graveurs, sculpteurs, fondeurs, tous ont adopté le même
type. Cela ne fait rien, tous les beaux portraits sont faux, celui
qui est mal est le seul vrai...
D'autant
plus que voici un autre auteur, un vrai savant celui-là, Ampère, à
qui
nous
avons emprunté notre épigraphe, qui va nous dire, dans son Histoire
Romaine
à Rome, juste le contraire de M. Beulé : Cette tête (de Claude)
est noble, intelligente et triste. Est-ce que M. Ampère le savant
n'est pas aussi crédible que M. Beulé, le ministre ?
Après
les opinions des modernes peut-être serait-il bon de voir ce qu'ont
dit les anciens.
Suétone
nous raconte que Claude ne manque pas de dignité, que son extérieur
est imposant, qu'il soit assis ou debout, (auctoritas dignitasque
formæ non defuit), et que ses cheveux blancs donnent de la beauté à
sa physionomie. A côté de cela, Suétone lui reproche d'avoir les
jambes faibles, le rire trop éclatant, et la figure décomposée
quand il se met en colère.
LOCUSTE FAIT L4ESSAIE DU POISON SUR UN ESCLAVE. |
En
vérité, tout cela est bien peu de chose. Sénèque et Dion Cassius
s'expriment à peu près dans les mêmes termes que Suétone, ils
parlent en
outre
d'un tremblement chronique, suite à de grandes
souffrances
d'estomac, qui agite parfois convulsivement la tête et les mains de
l'empereur. c'est un des principaux reproches de Sénèque :
(cependant la maladie n'est jamais chose risible, surtout ce genre de
souffrances d'estomac qui nous paraît une maladie bien dangereuse,
quand on est l'époux d'Agrippine et le contemporain de Locuste.
Ce
tremblement produit par la douleur ferait plaindre tout homme qui en
est affligé : Du moment que c'est un César, Sénèque et Beulé
peuvent en rire.
Ainsi
d'après Suétone et d'après les statues, les bustes, les camées,
les
médailles,
voici en résumé le portrait de l'empereur Claude : Il est grand, le
ventre
disposé à être fort, ce que les Romains ne haïssent point : Son
front
est
haut, plissé par le travail du cerveau, ses yeux doux et sérieux,
son nez
bien
fait et accentué, sa bouche retombe un peu, l'ensemble de la
mâchoire
est
lourd comme chez Auguste, le visage paraît complètement rasé selon
la
mode
du siècle, les oreilles sont larges, signe de bienveillance, il a
les
cheveux
d'un beau blanc, le cou long avec des muscles fortement marqués, on
n'a
qu'à regarder deux de ses statues qui sont au Louvre, et l'on
reconnaîtra que l'ensemble de la personne et de la figure ne manque
ni de grandeur ni même de majesté.
Les
médisances accablant l'empereur Claude se rapportent à l'habitude
qu'il a prise de juger lui-même nombre de procès, soit au sénat,
soit au Forum, comme un simple préteur d'autrefois.
Grand
reproche d'abord : Il juge en équité, l'édit du préteur n'est pas
pour lui une règle inflexible, personne du reste ne l'accuse d'être
injuste, or, quand on connaît le droit Romain, et encore a-t-il été
bien perfectionné après Claude, on comprend facilement qu'il ait
quelquefois méprisé toutes ces formalités, toutes ces minuties
juridiques qui vous font le plus légalement du monde commettre une
iniquité. Il ne s'en tient pas toujours aux termes de la loi,
rapporte Suétone, mais il en adoucit souvent la sévérité, il en
modère les rigueurs.
Il
était peu probable que Claude deviennent empereur : Il est
bègue et sa famille l'a jugé incapable d'exercer une fonction
publique jusqu'à ce qu'il deviennent consul de son neveu Caligula en
37.
Son
infirmité le sauve cependant peut-être des purges dans les familles
nobles Romaines qui ont lieu durant les règnes de ses 2
prédécesseurs, lui permettant de se trouver en position d'être
nommé empereur après l'assassinat de Caligula : Il est alors
le dernier homme de sa famille. Il accède au pouvoir en comblant de
cadeaux (donativa) les cohortes prétoriennes, inaugurant ainsi un
malheureux usage.
Malgré
son manque d'expérience politique, Claude se montre un
administrateur capable et un grand bâtisseur public.
Son
règne voit l'Empire s'agrandir : 5 provinces s'ajoutent à
l'Empire, dont la « Bretagne » (Britannia en latin) en
43, où il se rend pour obtenir les triomphes, se voyant ainsi
décerner, ainsi qu'à son fils, le surnom de Britannicus... La
Lycie, la Maurétanie, le Norique et la Thrace, font également
partie de ses succès.
Il
s'intéresse personnellement aux affaires publiques, se penchant sur
les lois et présidant des procès publics. Il va jusqu'à publier 20
édits par jour.
AUDIENCE DEVANT CLAUDE |
Dans
sa vie personnelle, il connaît de nombreuses épreuves et son
dernier mariage le mène à la mort.
Il
épouse en premières noces Plautia Urgulanilla, dont il a un fils,
mort en bas âge, et une fille qu'il fait exposer, la soupçonnant
d'être le fruit d'un adultère. Il se marie ensuite à Ælia Pætina
dont il a une fille, Antonia.
Il
s'allie ensuite à Messaline dont il a 2 enfants, Octavie (née en
40, future épouse de Néron) et Britannicus (né en 41), lequel est
éclipsé puis empoisonné par Néron.
En
4e noces, il épouse sa propre nièce Agrippine la Jeune.
Il
meurt en 54, peut-être empoisonné à l'instigation d'Agrippine,
après avoir, sur ses conseils, adopté le fils de celle-ci, Néron,
et fait passer ce dernier, en le mariant à sa fille Octavie, devant
son propre fils pour la succession.
Ces
événements le font mépriser par les anciens auteurs. Les
historiens les plus récents tendent à tempérer leur opinion !...
La
mort de Claude selon Suétone
« Une
fois n’est pas coutume,on commence par la version de Suétone :
Par
conséquent, avant qu’il n’aille plus loin, il est pris de
vitesse par Agrippine, que, outre ces faits, sa conscience et tout
autant ses délateurs accusent de nombreux crimes.
Et,
du moins, sur le fait qu’il a été tué avec du poison, il y a
accord, mais, sur où et par l’intermédiaire de qui il lui a été
donné, on diverge.
Certains
rapportent que c'est alors qu’il mange dans la citadelle avec des
prêtres, par l’intermédiaire d’Halotus, un eunuque, qui est son
goûteur.
Selon
d’autres, c'est lors d’un repas chez lui, par l’intermédiaire
d’Agrippine en personne, que lui est offert un cèpe imbibé de
poison, alors qu’il est extrêmement friand de ce met.
Même
pour la suite, ce qu’on raconte va dans des directions différentes.
Beaucoup disent que, tout de suite après avoir ingéré le poison,
il devient muet torturé par la douleur toute la nuit, et meurt juste
avant l’aube.
Selon
quelques-uns, au début, il s’endort, puis, sous l’afflux de
nourriture, il vomit tout, on lui fait alors reprendre du poison,
sans qu’on sache bien s’il est ajouté à une bouillie, comme si,
dans son épuisement, il convient de lui rendre des forces avec de la
nourriture, ou bien s’il lui est administré avec un lavement,
comme si, ses douleurs venant de l’abondance de nourriture, on lui
vient en aide par ce moyen de se vider...
Suétone
fait preuve, ici, d’une remarquable précision sur ses sources et
leur état au moment où il a rédigé La biographie de Claude.
Apparemment,
2 points posent problème. Les circonstances même de
l’empoisonnement et ses conséquences, en particulier physiques...
Dans le premier cas, 2 versions :
1°
Claude a été empoisonné par son goûteur, lors d’un repas
officiel avec des prêtres, dans la citadelle, sur le Capitole.
2°
Claude a été empoisonné par Agrippine elle-même, lors d’un
repas ordinaire, chez lui (donc sur le Palatin) c’est dans cette
version qu’est introduit le détail des cèpes comme vecteurs du
poison.
Dans
la version 1, rien n’est dit sur le moyen utilisé, même s’il
s’agit nécessairement de nourriture, puisque c’est son goûteur
qui est impliqué.
Suétone
ne fait aucune différence entre ces deux possibilités, dans le
premier cas, la source est qualifiée de quidam, « certains »,
dans le second, ce sont des alii, « d’autres ».
L’utilisation
du verbe tradere sous-entend une transmission écrite, pour l’un
comme pour l’autre, étant donné le parallélisme de construction
(quidam tradunt… alii <tradunt>).
Mêmes
divergences, avec une double version, pour les effets du poison.
Dans
la version a), il agit instantanément et fait horriblement souffrir
Claude (le participe excruciatum renvoie à des douleurs intenses
infligées par la torture), il finit par mourir peu avant l’aube.
Dans
la version b), comme Claude a déjà beaucoup bu, il commence par
s’endormir, puis vomit, obligeant à lui administrer une nouvelle
dose, on a alors deux possibilités. Soit on lui met le poison dans
une bouillie, en l’incitant à manger pour reprendre des forces
(version b’), soit, au contraire, on fait mine de chercher à
l’aider à se vider encore plus, avec un lavement auquel on ajoute
le poison (version b »).
Ici,
Suétone marque une différence entre les 2 versions :
La
première est apparemment la plus nombreuse, puisqu’elle dépend
d’un multi, « beaucoup de gens », alors que l’autre
est introduite dans le texte par un simple nonnulli, « quelques-uns »
(le verbe aiunt est relativement neutre et sert principalement à
introduire des versions alternatives).
Ceci
dit, la version b) est manifestement beaucoup plus intéressante que
la version a), car elle a donné lieu à 2 développements, b’ et
b » : Leur point commun est qu’il a fallu donner une seconde
dose de poison à Claude, pour que la tentative d’assassinat ne
soit pas un échec.
La
mort de Claude selon Tacite
CLAUDE ET AGRIPPINE |
Alors
Agrippine, depuis longtemps décidée au crime, prompte à profiter
de l’occasion qui lui est offerte et ne manquant pas
d’intermédiaires, délibère mûrement du genre de poison : Il ne
faut pas, s’il est rapide et soudain, que le crime soit révélé,
ni, si elle en choisit un qui corrompe lentement, que Claude, près
de sa dernière heure et ayant compris la tromperie, revienne à son
amour pour son fils... On se décide pour quelque chose de raffiné,
qui lui trouble l’esprit et retarde sa mort.
On
choisit comme expert de telles pratiques une certaine Locuste,
récemment condamnée pour empoisonnement et depuis longtemps
considérée comme un des instruments du pouvoir.
Grâce
aux compétences de cette femme, un poison est préparé,
l’intermédiaire qui en est chargé est Halotus, un des eunuques,
lequel l’habitude d’apporter les repas et de les éprouver en les
goûtant... Et tous les détails sont bientôt à ce point connus de
tous que les historiens de cette époque révèlent l'injection du
poison dans un cèpe délectable et que la force de la drogue n'est
pas tout de suite comprise, à cause de l’indolence de Claude ou de
son ivrognerie.
Dans
le même temps, une diarrhée semble l’avoir secouru. Par
conséquent, Agrippine, épouvantée et, craignant le châtiment
ultime, ne faisant plus cas de la haine de l’assistance, fait
intervenir la complicité du médecin Xénophon, qu’elle s’est
attachée.
Celui-ci,
comme pour aider Claude dans ses efforts pour vomir, introduit,
croit-on, dans sa gorge, une plume recouverte d’un poison rapide,
car, il n’ignore pas que commencer les plus grands crimes vaut une
mise en danger, mais les achever une récompense...
La
lecture de ces deux versions, l’une après l’autre, ne suscite a
priori pas de sentiment de contradiction flagrante. Pourtant, elle
montre très bien comment Tacite a procédé.
La
question de l’administration du poison n’est pas présentée
comme un problème : Les verbes sont partout des indicatifs
(consultauit, placebat, delegitur, paratum <est>, fuit) et
aucune alternative n’est évoquée.
Pourtant,
Tacite fusionne ici les 2 versions 1) et 2) mentionnées par Suétone
: A la première, il reprend Halotus, l’eunuque qui sert de
goûteur, comme intermédiaire servant à administrer le poison, à
la seconde, l’implication directe d’Agrippine et la scène
domestique.
Cette
fusion peut provenir d’interrogations sur la façon dont le complot
a pu être monté de façon à ce qu’Agrippine ne soit pas
directement impliquée (il nous dit plus loin qu’elle finit par
passer outre la haine qu’elle peut s’attirer : spreta praesentium
inuidia). Il a dès lors ajouté des détails, comme les
délibérations sur le type de poison le plus adapté ou encore
l’empoisonneuse choisie pour le concocter. On a donc là production
d’une version personnelle, à partir de 2 versions différentes que
le texte de Suétone nous permet de connaître.
En
ce qui concerne les effets de l’empoisonnement, c’est clairement
l’option b) et même b' » qui a été choisie : Claude n’est pas
tout de suite affecté visiblement et il expulse une partie du poison
par une diarrhée foudroyante, ce qui pousse Agrippine à lui en
faire à nouveau administrer une dose, cette fois par son médecin
personnel, qui feint de l’aider à vomir. Il y a donc ici inversion
des 2 manières de se « vider » par rapport à Suétone :
Chez le biographe, Claude vomit et on simule un lavement, chez
l’historien, il a la diarrhée et on agit comme pour essayer de le
faire vomir.
Il
faut noter ici le creditur, « croit-on », verbe qui
renvoie en général à des sources bien informées, ce qui peut
expliquer la préférence donnée par Tacite à cette version. Mais
il est si noyé au milieu de la phrase qu’il en passerait presque
totalement inaperçu, alors qu’il en est quand même le verbe
principal.
Cette
inversion peut provenir d’un appui sur « l’Apocoloquintose »,
un texte satirique écrit par Sénèque au tout début du règne de
Néron, juste après la mort de Claude. Celle-ci y est évoquée de
la manière suivante...
« Du
reste, il expire tandis qu’il écoute des comédiens, pour qu’on
sache que je ne les crains pas sans raison. Voici la dernière parole
de lui qu’on entend parmi les hommes, tandis qu’il émet un son
plus fort par la partie de son corps avec laquelle il parlait plus
facilement : « Malheur ! je me suis mis de la merde dessus, je
pense. » S’il n’a fait ou non, je ne sais pas. Assurément, il
mettait de la merde sur tout. »
Le
caractère satirique de cette version est très visible : Ironie sur
les comédiens, Claude parlant mieux avec son anus qu’avec sa
bouche (allusion à ses problèmes de bégaiement), et, surtout,
dernière action et dernières paroles fort peu dignes d’un
empereur. Cette histoire de pet et d’excréments répandus partout
correspond tout à fait à un problème de diarrhée. Par conséquent,
Tacite a pu avoir lu Sénèque (le philosophe correspond tout à fait
au type de source auquel renvoie un creditur) et en avoir conclu
que le dérangement physique de Claude est d’ordre intestinal et
non gastrique, d’où l’inversion.
Là
encore, ce qui est visible, c’est la méthode de l’historien.
Plutôt que de laisser 2 versions, il en choisit une, à la suite
d’un raisonnement logique : Si Sénèque parle de diarrhée, alors
c’est par une diarrhée que ce manifeste les premiers signes du
poison absorbé par Claude.
Il
n’y a qu’un problème : La version b) est celle que Suétone
signale comme supportée seulement par des nonnulli. Dans ce
contexte, l’affirmation de Tacite « adeoque cuncta mox
pernotuere ut temporum illorum scriptores prodiderint » prend
des allures d’affirmation trop appuyée pour ne pas être suspecte
: l’adjectif cuncta signifie « absolument tout », le
préverbe per- de pernotuere est un intensif et le subjonctif parfait
prodiderint insiste sur la réalité de l’action de la subordonnée
consécutive adeo… ut.
À
cela, on peut sans doute ajouter que l’expression temporum illorum
scriptores souligne le caractère contemporain des sources utilisées
et le creditur qui indique leur caractère bien informé.
Sans
le texte du biographe, on aurait donc toutes les raisons de croire
aveuglément Tacite sur ce point. Avec le texte du biographe, on se
rend compte qu’en vérité, cette affirmation est une sorte de
diversion, en insistant avec autant de force sur la solidité de la
version qu’il présente, Tacite cherche vraisemblablement à faire
oublier à son lecteur qu’elle est loin d’être la seule possible
et, surtout, loin d’être la plus fréquente.
1)
Tacite n’est pas nécessairement la meilleure source. En
l’occurrence, pour savoir que ce qui s’est passé au moment de la
mort de Claude ne va finalement pas de soi, il faut consulter
Suétone. C’est bien la preuve qu’il est tout à fait
contre-productif de le traiter par le mépris.
2)
Dans l’Antiquité, fusionner des versions sans le dire, pour
parvenir à un meilleur récit, ne pose aucun problème. À aucun
moment Tacite ne laisse même deviner qu’en réalité, ses sources
divergent légèrement et qu’il a reconstitué ce qu’il pense le
plus vraisemblable. C’est tout juste s’il glisse un creditur au
beau milieu de ce qui, chez Suétone, non seulement est une version
parmi d’autres, mais est aussi une version assez isolée.
3)
Dans ce cas-là, les critères de choix de version sont différents
chez les deux auteurs.
Pour
Suétone, c’est manifestement le nombre de sources qui est à
privilégier : La différence se fait entre multi et nonnulli pour la
seconde partie de l’empoisonnement. Tacite, lui, choisit une
version moins fréquente, mais met en avant la qualité des sources
qui la supportent, plutôt que leur nombre : Ce sont des
contemporains et même des contemporains proches des cercles du
pouvoir.
4)
Même les indications de sources peuvent être des pièges. Il ne
s’agit pas de tomber dans un doute hyperbolique, mais, ici, la
stratégie rhétorique de Tacite est clairement de présenter SA
version comme LA version.
Claude
donne des signes de remord d’avoir épousé Agrippine et adopté
Néron, lui donnant ainsi la préséance, dans l’ordre de
succession, sur son propre fils, Britannicus.
Narcisse,
un affranchi de Claude qui se doute des projets d’Agrippine, vient
de partir pour se soigner à Sinuessa.
Agrippine
a fait venir des comédiens, prétendument pour divertir Claude, donc
elle veut faire croire qu’il va mieux.
Toutes
ces anecdotes de Tacite, de Suétone, de Sénèque, arrangées par
les
historiens
modernes ad usum causæ, cherchant sérieusement à les expliquer, et
on verra que beaucoup de choses qui sont reprochées à Claude ont
été ou mal comprises ou dénaturées : Il faut dans cette obscurité
un peu de lumière, en disant surtout les choses telles qu'elles
sont, montrant l'homme tel qu'il est, ce sera la meilleure manière
de parler.
« Calice
de mort ». La majorité des empoisonnements mortels dus à des
champignons lui sont en effet imputables, et la plupart des personnes
qui en consomment périssent en l’absence de traitement. Largement
réparti dans l’hémisphère Nord, ce « calice de la mort »
pousse surtout sous des feuillus (chênes, hêtres) entre la fin de
l’été et le mois de novembre.
Coiffé
d’un chapeau souvent vert-jaune à vert-olive, mais parfois blanc,
il peut être confondu avec des espèces comestibles, tels l’agaric
champêtre (Agaricus campestris) ou le tricholome prétentieux
(Tricholoma portentosum).
Sa
chair est, paraît-il, excellente. On pourrait même en manger lors
de deux repas consécutifs, car aucune gène n’est ressentie
pendant 6 à 12 heures.
Soudain,
les premiers symptômes apparaissent. Douleurs abdominales,
vomissements, diarrhée aiguë. Le foie se nécrose peu à peu. Ce
qui conduit à une hépatite gravissime, à des perturbations du
système sanguin et à des troubles du comportement. Puis,
finalement, entre 6 et 14 jours après l’ingestion, à un arrêt
cardiaque, laissant les stigmates d’une lente et douloureuse agonie
: Pommettes crispées, lèvres pendantes, regard fixe et creusé.
30
grammes d’amanite phalloïde (la moitié d’un chapeau) suffisent
à tuer un adulte. Ses toxines résistent à la cuisson, au séchage
et à la congélation. Une majorité de personnes en réchappent
aujourd’hui grâce à une combinaison de médicaments et à des
soins prodigués à temps. Mais aucun antidote n’a jamais été
identifié.
D'aucuns
peuvent penser qu'un poison aussi terrible a souvent été utilisé à
des fins criminelles. L'exemple le plus souvent cité concerne la
mort de Claude, 4e empereur Romain, qui règne de 41 à 54. Né
prématuré, il souffre tout au long de sa vie de problèmes de santé
mais atteint tout de même 64 ans. En « bon vivant », qui
apprécie le vin, les festins et les femmes.
Il
raffole aussi des champignons, les boleti, terme générique
désignant aussi bien les cèpes que la succulente amanite des césars
(Amanita caesarea).
Se
méfiant de plus en plus d’Agrippine, il commence à reconsidérer
ce choix. Mais il n’a pas le temps de prendre de nouvelles
dispositions, car la mort l’emporte, au matin du 13 octobre 54.
Quelle
en soit la cause ? Historiens, pathologistes et mycologues se
querellent depuis des siècles sur le sujet. Les plus anciens
témoignages, qui remontent à une soixantaine d’années après les
faits, sont mentionnés dans les écrits des historiens antiques
Tacite et Suétone. Selon Tacite, qui dit se fonder sur « les
écrivains du temps », Agrippine a assassiné le César pour
assurer l’avenir de son fils. Sollicitant la célèbre
empoisonneuse Gauloise Locuste qui, avec la complicité du goûteur,
Halotus, a placé « le poison dans un ragoût de champignons,
mets favori du prince ». Ce plat lui est servi lors d’un
banquet qui commence en début d’après- midi.
La
nuit, l’empereur manifeste de forts symptômes gastro-intestinaux.
Puis il semble aller mieux. Agrippine fait appel à un autre
complice, le médecin Xénophon qui, sous prétexte de l’aider à
vomir, « enfonça dans son gosier une plume imprégnée d’un
poison ».
Plusieurs
médecins et historiens se sont efforcés de prouver que Claude a
péri de mort naturelle, de vieillesse ou des suites d’une ancienne
maladie. La théorie de l’empoisonnement se serait imposée parce
qu’Agrippine est détestée à la cour et que la réputation de
Néron est plus exécrable encore. Force est pourtant de reconnaître
que les symptômes correspondent bien à ceux d’une intoxication
alimentaire.
Accidentelle
? Peu probable, car le goûteur en aurait pâti lui aussi. On sait,
par ailleurs, que « les empoisonnements criminels sont très
fréquents dans la Rome du Ier siècle, explique Lydie Bodiou,
historienne du monde antique à l’université de Poitiers. On en
use pour se débarrasser d’un conjoint, pour se suicider, mais
surtout comme instrument de pouvoir, pour éliminer un adversaire ou
forcer une succession ».
Avec
quel poison Claude a-t- il été supprimé ? L’amanite phalloïde
reste souvent mentionnée. Les Romains connaissent ses propriétés
toxiques, comme en témoigne un texte de Sénèque, le précepteur de
Néron. Le problème, c’est que le décès est survenu en moins de
24 heures, trop rapidement pour une intoxication phalloïdienne.
Robert
Gordon Wasson donne donc crédit à Tacite : Claude a bel et bien
ingéré des amanites phalloïdes (ce qui explique les premiers
symptômes), avant que son médecin ne l’achève avec un autre
poison peut-être la coloquinte (plante qui peut être utilisée
comme puissant laxatif et létale à fortes doses) bien connue des
Romains.
D’autres
auteurs penchent pour un empoisonnement à l’amanite tue-mouches
(Amanita muscaria). Ses effets sont bien plus rapides (de 30 minutes
à 4 heures), et s’accompagnent aussi de forts maux de ventre et de
vomissements. Contenant de l’acide ibotonique, qui provoque une
tachycardie et des troubles neurologiques (délire onirique,
agitation psychomotrice). Mais il est extrêmement rare qu’on y
succombe. On ne saura donc jamais le fin mot de l’histoire...
Une
version ? Deux versions ? Le cas de la mort de Claude ...
https://memotrad.hypotheses.org/84
14
déc. 2014 - Les différents récits de la mort de Claude sont de
parfaits exemples de .... dernière action et dernières paroles fort
peu dignes d'un empereur.
Claude
(empereur romain) — Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_(empereur_romain)
Aller
à Titulature à sa mort - À sa mort en 54 Claude avait la
titulature suivante : ... Note : Claude fut divinisé après sa mort
par le Sénat. Claude était ...
Handicap
physique et tempérament · Origines familiales et ...
· Règne
Champignon
: l'empoisonneuse avait un goût exquis ...
https://www.sciencesetavenir.fr/.../champignon-l-empoisonneuse-avait-un-gout-exquis_1...
22
oct. 2014 - Claude avait épousé en quatrièmes noces sa nièce
Agrippine et ... aurait placé "le poison dans un ragoût de
champignons, mets favori du ...
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