mercredi 3 mai 2017

EN REMONTANT LE TEMPS... 54

6 MARS 2017...

Cette page concerne l'année 54 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

LES DÉBOIRES DE L'EMPEREUR CLAUDE OCCASIONNE PAR AGRIPPINE

L'EMPEREUR CLAUDE
Claude (1er août 10 av. J.-C. – 13 octobre 54) est le 4e empereur Romain, régnant de 41 à 54. Né à Lugdunum (Lyon) en Gaule en 10 av. J.-C., fils de Drusus et d'Antonia la Jeune (elle-même fille de Marc Antoine et d'Octavie), premier empereur né hors d'Italie. Il succède à Caligula en 41 en devenant le 4e empereur de la dynastie Julio-Claudienne alors qu'il a déjà une cinquantaine d'année

Les différents récits de la mort de Claude sont de parfaits exemples de la différence de conception de l’écriture de l’histoire entre Rome et la période actuelle.
Ils montrent aussi très bien comment les préjugés que nous avons, tant sur les auteurs antiques que sur la façon dont l’histoire doit être écrite, peuvent nous amener sinon à des erreurs, du moins à une compréhension erronée des textes que nous avons sous les yeux. (C'est un lieu commun, nos historiens modernes aimeraient tant refaire l'Histoire à leur sauce).

Examinons d'abord son physique : Le visage, a-t-on dit, est le miroir de l'âme,
c'est souvent faux, mais c'est quelquefois vrai, et cela suffit pour que
l'extérieur d'un personnage historique ait une certaine importance. Ici, il faut
rencontrer chez des auteurs modernes d'étranges opinions et de graves
contradictions.
M. Beulé surtout, dans ses portraits du siècle d'Auguste, a une façon très simple et qui lui est particulière d'expliquer les choses au plus grand
avantage de ses idées. Il ne peut nier que la tête de Claude, telle que nous la
montrent ses nombreuses médailles, surtout celles de grand module, ses
camées, ses statues, ne soit belle et noble, l'expression est douce, le regard
profond. On peut facilement s'en convaincre en visitant le musée des antiques au Louvre et le cabinet des médailles à la grande Bibliothèque de la rue de Richelieu (ancienne Bibliothèque Nationale), ce cabinet renferme plusieurs médailles et camées de Claude qui le représentent.
Un seul camée de l'empereur offre une figure tirée, mesquine, assez la
ide en somme, mais c'est le seul qui justement soit endommagé et restauré... N'importe, d'après M. Beulé, c'est celui-là, cet unique modèle, qui est le vrai
portrait de Claude. Quant aux autres, qu'à cela ne tienne, M. Beulé a son explication toute prête : Après ce qu'il a dit de Claude, que ce n'est qu'un être abruti, imbécile, comment donc se fait-il que tous ses portraits semblent indiquer le contraire ?... Eh ! c'est bien simple, les artistes se sont tous donné le mot pour flatter de la même manière le César dont ils reproduisent les traits : Chose bizarre, nés dans de différents pays, sortis de diverses écoles, graveurs, sculpteurs, fondeurs, tous ont adopté le même type. Cela ne fait rien, tous les beaux portraits sont faux, celui qui est mal est le seul vrai...

D'autant plus que voici un autre auteur, un vrai savant celui-là, Ampère, à qui
nous avons emprunté notre épigraphe, qui va nous dire, dans son Histoire
Romaine à Rome, juste le contraire de M. Beulé : Cette tête (de Claude) est noble, intelligente et triste. Est-ce que M. Ampère le savant n'est pas aussi crédible que M. Beulé, le ministre ?
Après les opinions des modernes peut-être serait-il bon de voir ce qu'ont dit les anciens.
Suétone nous raconte que Claude ne manque pas de dignité, que son extérieur est imposant, qu'il soit assis ou debout, (auctoritas dignitasque formæ non defuit), et que ses cheveux blancs donnent de la beauté à sa physionomie. A côté de cela, Suétone lui reproche d'avoir les jambes faibles, le rire trop éclatant, et la figure décomposée quand il se met en colère.
LOCUSTE FAIT L4ESSAIE DU POISON SUR UN ESCLAVE.
En vérité, tout cela est bien peu de chose. Sénèque et Dion Cassius s'expriment à peu près dans les mêmes termes que Suétone, ils parlent en
outre d'un tremblement chronique, suite à de grandes
souffrances d'estomac, qui agite parfois convulsivement la tête et les mains de l'empereur. c'est un des principaux reproches de Sénèque : (cependant la maladie n'est jamais chose risible, surtout ce genre de souffrances d'estomac qui nous paraît une maladie bien dangereuse, quand on est l'époux d'Agrippine et le contemporain de Locuste.
Ce tremblement produit par la douleur ferait plaindre tout homme qui en est affligé : Du moment que c'est un César, Sénèque et Beulé peuvent en rire.

Ainsi d'après Suétone et d'après les statues, les bustes, les camées, les
médailles, voici en résumé le portrait de l'empereur Claude : Il est grand, le
ventre disposé à être fort, ce que les Romains ne haïssent point : Son front
est haut, plissé par le travail du cerveau, ses yeux doux et sérieux, son nez
bien fait et accentué, sa bouche retombe un peu, l'ensemble de la mâchoire
est lourd comme chez Auguste, le visage paraît complètement rasé selon la
mode du siècle, les oreilles sont larges, signe de bienveillance, il a les
cheveux d'un beau blanc, le cou long avec des muscles fortement marqués, on
n'a qu'à regarder deux de ses statues qui sont au Louvre, et l'on reconnaîtra que l'ensemble de la personne et de la figure ne manque ni de grandeur ni même de majesté.
Les médisances accablant l'empereur Claude se rapportent à l'habitude qu'il a prise de juger lui-même nombre de procès, soit au sénat, soit au Forum, comme un simple préteur d'autrefois.
Grand reproche d'abord : Il juge en équité, l'édit du préteur n'est pas pour lui une règle inflexible, personne du reste ne l'accuse d'être injuste, or, quand on connaît le droit Romain, et encore a-t-il été bien perfectionné après Claude, on comprend facilement qu'il ait quelquefois méprisé toutes ces formalités, toutes ces minuties juridiques qui vous font le plus légalement du monde commettre une iniquité. Il ne s'en tient pas toujours aux termes de la loi, rapporte Suétone, mais il en adoucit souvent la sévérité, il en modère les rigueurs.

Il était peu probable que Claude deviennent empereur : Il est bègue et sa famille l'a jugé incapable d'exercer une fonction publique jusqu'à ce qu'il deviennent consul de son neveu Caligula en 37.
Son infirmité le sauve cependant peut-être des purges dans les familles nobles Romaines qui ont lieu durant les règnes de ses 2 prédécesseurs, lui permettant de se trouver en position d'être nommé empereur après l'assassinat de Caligula : Il est alors le dernier homme de sa famille. Il accède au pouvoir en comblant de cadeaux (donativa) les cohortes prétoriennes, inaugurant ainsi un malheureux usage.
Malgré son manque d'expérience politique, Claude se montre un administrateur capable et un grand bâtisseur public.
Son règne voit l'Empire s'agrandir : 5 provinces s'ajoutent à l'Empire, dont la « Bretagne » (Britannia en latin) en 43, où il se rend pour obtenir les triomphes, se voyant ainsi décerner, ainsi qu'à son fils, le surnom de Britannicus... La Lycie, la Maurétanie, le Norique et la Thrace, font également partie de ses succès.
Il s'intéresse personnellement aux affaires publiques, se penchant sur les lois et présidant des procès publics. Il va jusqu'à publier 20 édits par jour.

AUDIENCE DEVANT CLAUDE
Dans sa vie personnelle, il connaît de nombreuses épreuves et son dernier mariage le mène à la mort.
Il épouse en premières noces Plautia Urgulanilla, dont il a un fils, mort en bas âge, et une fille qu'il fait exposer, la soupçonnant d'être le fruit d'un adultère. Il se marie ensuite à Ælia Pætina dont il a une fille, Antonia.
Il s'allie ensuite à Messaline dont il a 2 enfants, Octavie (née en 40, future épouse de Néron) et Britannicus (né en 41), lequel est éclipsé puis empoisonné par Néron.
En 4e noces, il épouse sa propre nièce Agrippine la Jeune.
Il meurt en 54, peut-être empoisonné à l'instigation d'Agrippine, après avoir, sur ses conseils, adopté le fils de celle-ci, Néron, et fait passer ce dernier, en le mariant à sa fille Octavie, devant son propre fils pour la succession.
Ces événements le font mépriser par les anciens auteurs. Les historiens les plus récents tendent à tempérer leur opinion !...

La mort de Claude selon Suétone
« Une fois n’est pas coutume,on commence par la version de Suétone :
Par conséquent, avant qu’il n’aille plus loin, il est pris de vitesse par Agrippine, que, outre ces faits, sa conscience et tout autant ses délateurs accusent de nombreux crimes.
Et, du moins, sur le fait qu’il a été tué avec du poison, il y a accord, mais, sur où et par l’intermédiaire de qui il lui a été donné, on diverge.
Certains rapportent que c'est alors qu’il mange dans la citadelle avec des prêtres, par l’intermédiaire d’Halotus, un eunuque, qui est son goûteur.
Selon d’autres, c'est lors d’un repas chez lui, par l’intermédiaire d’Agrippine en personne, que lui est offert un cèpe imbibé de poison, alors qu’il est extrêmement friand de ce met.
Même pour la suite, ce qu’on raconte va dans des directions différentes. Beaucoup disent que, tout de suite après avoir ingéré le poison, il devient muet torturé par la douleur toute la nuit, et meurt juste avant l’aube.
Selon quelques-uns, au début, il s’endort, puis, sous l’afflux de nourriture, il vomit tout, on lui fait alors reprendre du poison, sans qu’on sache bien s’il est ajouté à une bouillie, comme si, dans son épuisement, il convient de lui rendre des forces avec de la nourriture, ou bien s’il lui est administré avec un lavement, comme si, ses douleurs venant de l’abondance de nourriture, on lui vient en aide par ce moyen de se vider...

Suétone fait preuve, ici, d’une remarquable précision sur ses sources et leur état au moment où il a rédigé La biographie de Claude.
Apparemment, 2 points posent problème. Les circonstances même de l’empoisonnement et ses conséquences, en particulier physiques... Dans le premier cas, 2 versions :
1° Claude a été empoisonné par son goûteur, lors d’un repas officiel avec des prêtres, dans la citadelle, sur le Capitole.
2° Claude a été empoisonné par Agrippine elle-même, lors d’un repas ordinaire, chez lui (donc sur le Palatin) c’est dans cette version qu’est introduit le détail des cèpes comme vecteurs du poison.
Dans la version 1, rien n’est dit sur le moyen utilisé, même s’il s’agit nécessairement de nourriture, puisque c’est son goûteur qui est impliqué.
Suétone ne fait aucune différence entre ces deux possibilités, dans le premier cas, la source est qualifiée de quidam, « certains », dans le second, ce sont des alii, « d’autres ».
L’utilisation du verbe tradere sous-entend une transmission écrite, pour l’un comme pour l’autre, étant donné le parallélisme de construction (quidam tradunt… alii <tradunt>).

Mêmes divergences, avec une double version, pour les effets du poison.
Dans la version a), il agit instantanément et fait horriblement souffrir Claude (le participe excruciatum renvoie à des douleurs intenses infligées par la torture), il finit par mourir peu avant l’aube.
Dans la version b), comme Claude a déjà beaucoup bu, il commence par s’endormir, puis vomit, obligeant à lui administrer une nouvelle dose, on a alors deux possibilités. Soit on lui met le poison dans une bouillie, en l’incitant à manger pour reprendre des forces (version b’), soit, au contraire, on fait mine de chercher à l’aider à se vider encore plus, avec un lavement auquel on ajoute le poison (version b »).

Ici, Suétone marque une différence entre les 2 versions :
La première est apparemment la plus nombreuse, puisqu’elle dépend d’un multi, « beaucoup de gens », alors que l’autre est introduite dans le texte par un simple nonnulli, « quelques-uns » (le verbe aiunt est relativement neutre et sert principalement à introduire des versions alternatives).
Ceci dit, la version b) est manifestement beaucoup plus intéressante que la version a), car elle a donné lieu à 2 développements, b’ et b » : Leur point commun est qu’il a fallu donner une seconde dose de poison à Claude, pour que la tentative d’assassinat ne soit pas un échec.

La mort de Claude selon Tacite
CLAUDE ET AGRIPPINE
Alors Agrippine, depuis longtemps décidée au crime, prompte à profiter de l’occasion qui lui est offerte et ne manquant pas d’intermédiaires, délibère mûrement du genre de poison : Il ne faut pas, s’il est rapide et soudain, que le crime soit révélé, ni, si elle en choisit un qui corrompe lentement, que Claude, près de sa dernière heure et ayant compris la tromperie, revienne à son amour pour son fils... On se décide pour quelque chose de raffiné, qui lui trouble l’esprit et retarde sa mort.
On choisit comme expert de telles pratiques une certaine Locuste, récemment condamnée pour empoisonnement et depuis longtemps considérée comme un des instruments du pouvoir.
Grâce aux compétences de cette femme, un poison est préparé, l’intermédiaire qui en est chargé est Halotus, un des eunuques, lequel l’habitude d’apporter les repas et de les éprouver en les goûtant... Et tous les détails sont bientôt à ce point connus de tous que les historiens de cette époque révèlent l'injection du poison dans un cèpe délectable et que la force de la drogue n'est pas tout de suite comprise, à cause de l’indolence de Claude ou de son ivrognerie.
Dans le même temps, une diarrhée semble l’avoir secouru. Par conséquent, Agrippine, épouvantée et, craignant le châtiment ultime, ne faisant plus cas de la haine de l’assistance, fait intervenir la complicité du médecin Xénophon, qu’elle s’est attachée.
Celui-ci, comme pour aider Claude dans ses efforts pour vomir, introduit, croit-on, dans sa gorge, une plume recouverte d’un poison rapide, car, il n’ignore pas que commencer les plus grands crimes vaut une mise en danger, mais les achever une récompense...

La lecture de ces deux versions, l’une après l’autre, ne suscite a priori pas de sentiment de contradiction flagrante. Pourtant, elle montre très bien comment Tacite a procédé.
La question de l’administration du poison n’est pas présentée comme un problème : Les verbes sont partout des indicatifs (consultauit, placebat, delegitur, paratum <est>, fuit) et aucune alternative n’est évoquée.
Pourtant, Tacite fusionne ici les 2 versions 1) et 2) mentionnées par Suétone : A la première, il reprend Halotus, l’eunuque qui sert de goûteur, comme intermédiaire servant à administrer le poison, à la seconde, l’implication directe d’Agrippine et la scène domestique.
Cette fusion peut provenir d’interrogations sur la façon dont le complot a pu être monté de façon à ce qu’Agrippine ne soit pas directement impliquée (il nous dit plus loin qu’elle finit par passer outre la haine qu’elle peut s’attirer : spreta praesentium inuidia). Il a dès lors ajouté des détails, comme les délibérations sur le type de poison le plus adapté ou encore l’empoisonneuse choisie pour le concocter. On a donc là production d’une version personnelle, à partir de 2 versions différentes que le texte de Suétone nous permet de connaître.

En ce qui concerne les effets de l’empoisonnement, c’est clairement l’option b) et même b' » qui a été choisie : Claude n’est pas tout de suite affecté visiblement et il expulse une partie du poison par une diarrhée foudroyante, ce qui pousse Agrippine à lui en faire à nouveau administrer une dose, cette fois par son médecin personnel, qui feint de l’aider à vomir. Il y a donc ici inversion des 2 manières de se « vider » par rapport à Suétone : Chez le biographe, Claude vomit et on simule un lavement, chez l’historien, il a la diarrhée et on agit comme pour essayer de le faire vomir.



Il faut noter ici le creditur, « croit-on », verbe qui renvoie en général à des sources bien informées, ce qui peut expliquer la préférence donnée par Tacite à cette version. Mais il est si noyé au milieu de la phrase qu’il en passerait presque totalement inaperçu, alors qu’il en est quand même le verbe principal.
Cette inversion peut provenir d’un appui sur « l’Apocoloquintose », un texte satirique écrit par Sénèque au tout début du règne de Néron, juste après la mort de Claude. Celle-ci y est évoquée de la manière suivante...
« Du reste, il expire tandis qu’il écoute des comédiens, pour qu’on sache que je ne les crains pas sans raison. Voici la dernière parole de lui qu’on entend parmi les hommes, tandis qu’il émet un son plus fort par la partie de son corps avec laquelle il parlait plus facilement : « Malheur ! je me suis mis de la merde dessus, je pense. » S’il n’a fait ou non, je ne sais pas. Assurément, il mettait de la merde sur tout. »

Le caractère satirique de cette version est très visible : Ironie sur les comédiens, Claude parlant mieux avec son anus qu’avec sa bouche (allusion à ses problèmes de bégaiement), et, surtout, dernière action et dernières paroles fort peu dignes d’un empereur. Cette histoire de pet et d’excréments répandus partout correspond tout à fait à un problème de diarrhée. Par conséquent, Tacite a pu avoir lu Sénèque (le philosophe correspond tout à fait au type de source auquel renvoie un creditur) et en avoir conclu que le dérangement physique de Claude est d’ordre intestinal et non gastrique, d’où l’inversion.
Là encore, ce qui est visible, c’est la méthode de l’historien. Plutôt que de laisser 2 versions, il en choisit une, à la suite d’un raisonnement logique : Si Sénèque parle de diarrhée, alors c’est par une diarrhée que ce manifeste les premiers signes du poison absorbé par Claude.
Il n’y a qu’un problème : La version b) est celle que Suétone signale comme supportée seulement par des nonnulli. Dans ce contexte, l’affirmation de Tacite « adeoque cuncta mox pernotuere ut temporum illorum scriptores prodiderint » prend des allures d’affirmation trop appuyée pour ne pas être suspecte : l’adjectif cuncta signifie « absolument tout », le préverbe per- de pernotuere est un intensif et le subjonctif parfait prodiderint insiste sur la réalité de l’action de la subordonnée consécutive adeo… ut.
À cela, on peut sans doute ajouter que l’expression temporum illorum scriptores souligne le caractère contemporain des sources utilisées et le creditur qui indique leur caractère bien informé.

Sans le texte du biographe, on aurait donc toutes les raisons de croire aveuglément Tacite sur ce point. Avec le texte du biographe, on se rend compte qu’en vérité, cette affirmation est une sorte de diversion, en insistant avec autant de force sur la solidité de la version qu’il présente, Tacite cherche vraisemblablement à faire oublier à son lecteur qu’elle est loin d’être la seule possible et, surtout, loin d’être la plus fréquente.

1) Tacite n’est pas nécessairement la meilleure source. En l’occurrence, pour savoir que ce qui s’est passé au moment de la mort de Claude ne va finalement pas de soi, il faut consulter Suétone. C’est bien la preuve qu’il est tout à fait contre-productif de le traiter par le mépris.

2) Dans l’Antiquité, fusionner des versions sans le dire, pour parvenir à un meilleur récit, ne pose aucun problème. À aucun moment Tacite ne laisse même deviner qu’en réalité, ses sources divergent légèrement et qu’il a reconstitué ce qu’il pense le plus vraisemblable. C’est tout juste s’il glisse un creditur au beau milieu de ce qui, chez Suétone, non seulement est une version parmi d’autres, mais est aussi une version assez isolée.

3) Dans ce cas-là, les critères de choix de version sont différents chez les deux auteurs.
Pour Suétone, c’est manifestement le nombre de sources qui est à privilégier : La différence se fait entre multi et nonnulli pour la seconde partie de l’empoisonnement. Tacite, lui, choisit une version moins fréquente, mais met en avant la qualité des sources qui la supportent, plutôt que leur nombre : Ce sont des contemporains et même des contemporains proches des cercles du pouvoir.

4) Même les indications de sources peuvent être des pièges. Il ne s’agit pas de tomber dans un doute hyperbolique, mais, ici, la stratégie rhétorique de Tacite est clairement de présenter SA version comme LA version.

Claude donne des signes de remord d’avoir épousé Agrippine et adopté Néron, lui donnant ainsi la préséance, dans l’ordre de succession, sur son propre fils, Britannicus.
Narcisse, un affranchi de Claude qui se doute des projets d’Agrippine, vient de partir pour se soigner à Sinuessa.
Agrippine a fait venir des comédiens, prétendument pour divertir Claude, donc elle veut faire croire qu’il va mieux.

Toutes ces anecdotes de Tacite, de Suétone, de Sénèque, arrangées par les
historiens modernes ad usum causæ, cherchant sérieusement à les expliquer, et on verra que beaucoup de choses qui sont reprochées à Claude ont été ou mal comprises ou dénaturées : Il faut dans cette obscurité un peu de lumière, en disant surtout les choses telles qu'elles sont, montrant l'homme tel qu'il est, ce sera la meilleure manière de parler.

« Calice de mort ». La majorité des empoisonnements mortels dus à des champignons lui sont en effet imputables, et la plupart des personnes qui en consomment périssent en l’absence de traitement. Largement réparti dans l’hémisphère Nord, ce « calice de la mort » pousse surtout sous des feuillus (chênes, hêtres) entre la fin de l’été et le mois de novembre.
Coiffé d’un chapeau souvent vert-jaune à vert-olive, mais parfois blanc, il peut être confondu avec des espèces comestibles, tels l’agaric champêtre (Agaricus campestris) ou le tricholome prétentieux (Tricholoma portentosum).
Sa chair est, paraît-il, excellente. On pourrait même en manger lors de deux repas consécutifs, car aucune gène n’est ressentie pendant 6 à 12 heures.
Soudain, les premiers symptômes apparaissent. Douleurs abdominales, vomissements, diarrhée aiguë. Le foie se nécrose peu à peu. Ce qui conduit à une hépatite gravissime, à des perturbations du système sanguin et à des troubles du comportement. Puis, finalement, entre 6 et 14 jours après l’ingestion, à un arrêt cardiaque, laissant les stigmates d’une lente et douloureuse agonie : Pommettes crispées, lèvres pendantes, regard fixe et creusé.
30 grammes d’amanite phalloïde (la moitié d’un chapeau) suffisent à tuer un adulte. Ses toxines résistent à la cuisson, au séchage et à la congélation. Une majorité de personnes en réchappent aujourd’hui grâce à une combinaison de médicaments et à des soins prodigués à temps. Mais aucun antidote n’a jamais été identifié.

D'aucuns peuvent penser qu'un poison aussi terrible a souvent été utilisé à des fins criminelles. L'exemple le plus souvent cité concerne la mort de Claude, 4e empereur Romain, qui règne de 41 à 54. Né prématuré, il souffre tout au long de sa vie de problèmes de santé mais atteint tout de même 64 ans. En « bon vivant », qui apprécie le vin, les festins et les femmes.
Il raffole aussi des champignons, les boleti, terme générique désignant aussi bien les cèpes que la succulente amanite des césars (Amanita caesarea).
Se méfiant de plus en plus d’Agrippine, il commence à reconsidérer ce choix. Mais il n’a pas le temps de prendre de nouvelles dispositions, car la mort l’emporte, au matin du 13 octobre 54.
Quelle en soit la cause ? Historiens, pathologistes et mycologues se querellent depuis des siècles sur le sujet. Les plus anciens témoignages, qui remontent à une soixantaine d’années après les faits, sont mentionnés dans les écrits des historiens antiques Tacite et Suétone. Selon Tacite, qui dit se fonder sur « les écrivains du temps », Agrippine a assassiné le César pour assurer l’avenir de son fils. Sollicitant la célèbre empoisonneuse Gauloise Locuste qui, avec la complicité du goûteur, Halotus, a placé « le poison dans un ragoût de champignons, mets favori du prince ». Ce plat lui est servi lors d’un banquet qui commence en début d’après- midi.
La nuit, l’empereur manifeste de forts symptômes gastro-intestinaux. Puis il semble aller mieux. Agrippine fait appel à un autre complice, le médecin Xénophon qui, sous prétexte de l’aider à vomir, « enfonça dans son gosier une plume imprégnée d’un poison ».

Plusieurs médecins et historiens se sont efforcés de prouver que Claude a péri de mort naturelle, de vieillesse ou des suites d’une ancienne maladie. La théorie de l’empoisonnement se serait imposée parce qu’Agrippine est détestée à la cour et que la réputation de Néron est plus exécrable encore. Force est pourtant de reconnaître que les symptômes correspondent bien à ceux d’une intoxication alimentaire.
Accidentelle ? Peu probable, car le goûteur en aurait pâti lui aussi. On sait, par ailleurs, que « les empoisonnements criminels sont très fréquents dans la Rome du Ier siècle, explique Lydie Bodiou, historienne du monde antique à l’université de Poitiers. On en use pour se débarrasser d’un conjoint, pour se suicider, mais surtout comme instrument de pouvoir, pour éliminer un adversaire ou forcer une succession ».

Avec quel poison Claude a-t- il été supprimé ? L’amanite phalloïde reste souvent mentionnée. Les Romains connaissent ses propriétés toxiques, comme en témoigne un texte de Sénèque, le précepteur de Néron. Le problème, c’est que le décès est survenu en moins de 24 heures, trop rapidement pour une intoxication phalloïdienne.
Robert Gordon Wasson donne donc crédit à Tacite : Claude a bel et bien ingéré des amanites phalloïdes (ce qui explique les premiers symptômes), avant que son médecin ne l’achève avec un autre poison peut-être la coloquinte (plante qui peut être utilisée comme puissant laxatif et létale à fortes doses) bien connue des Romains.
D’autres auteurs penchent pour un empoisonnement à l’amanite tue-mouches (Amanita muscaria). Ses effets sont bien plus rapides (de 30 minutes à 4 heures), et s’accompagnent aussi de forts maux de ventre et de vomissements. Contenant de l’acide ibotonique, qui provoque une tachycardie et des troubles neurologiques (délire onirique, agitation psychomotrice). Mais il est extrêmement rare qu’on y succombe. On ne saura donc jamais le fin mot de l’histoire...


Une version ? Deux versions ? Le cas de la mort de Claude ...
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14 déc. 2014 - Les différents récits de la mort de Claude sont de parfaits exemples de .... dernière action et dernières paroles fort peu dignes d'un empereur.
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Champignon : l'empoisonneuse avait un goût exquis ...
https://www.sciencesetavenir.fr/.../champignon-l-empoisonneuse-avait-un-gout-exquis_1...
22 oct. 2014 - Claude avait épousé en quatrièmes noces sa nièce Agrippine et ... aurait placé "le poison dans un ragoût de champignons, mets favori du ...

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