lundi 4 avril 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 409

26 MARS 2016...

Cette page concerne l'année 409 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

LE CANNIBALISME SUSPECTE A ROME,

«Tandis que les barbares se déchaînent au travers des Espagnes et que l’épidémie n’en étend pas moins ses ravages, les richesses et les approvisionnements stockés dans les villes sont extorqués par le tyrannique collecteur des impôts et épuisés par le soldat.
Une terrible famine fait des ravages, à tel point que les humains dévorent la chair humaine sous la pression de la faim, les mères, elles aussi, se nourrissent du corps de leurs enfants qu’elles ont tués ou fait cuire.
Les bêtes féroces, habituées aux cadavres des victimes de l’épée, de la faim ou de la peste tuent aussi les hommes les plus forts et, repues de leur chair, se déchaînent partout pour l’anéantissement du genre humain.
C’est ainsi que, par les 4 fléaux du fer, de la faim, de la peste et des bêtes féroces, qui sévissent partout dans le monde entier, les choses annoncées par le Seigneur au travers de ses prophètes s’accomplissent »...

Ainsi l’évêque Hydace décrit-il, une cinquantaine d’années après les événements, les terribles conséquences de l’irruption en 409 dans la péninsule Ibérique de groupes d’Alains, de Vandales et de Suèves.
En choisissant d’entamer ce parcours dans l’univers des famines médiévales par un extrait emprunté à l’Antiquité tardive, c’est pour la multiplicité des interrogations amenées.
La lecture traditionnelle des circonstances menant à l’implantation plus ou moins durable dans la péninsule de populations Barbares, alors que l’Empire d’Occident est en proie à des usurpations successives du pouvoir impérial, donne une grande place au tableau dressé par Hydace.
Et cela pour une raison très simple, c’est qu’il est le seul avec Orose à nous avoir laissé un témoignage local et relativement contemporain sur une période troublée de l’histoire de cette région périphérique de l’Empire...
Il convient donc de s’arrêter quelques instants sur un récit qui révèle davantage que le « pessimisme » souvent évoqué de son auteur.

Hydace a conçu sa chronique comme une continuation de celle de Jérôme, qui a lui-même traduit, augmenté et complété celle d’Eusèbe de Césarée. Sa narration couvre les années 379 à 468, mais peine à restituer les événements touchant l’Empire en dehors de l’Espagne. Elle prend ainsi dans l’ensemble, à la différence de son modèle, un caractère très régional, qui explique probablement en bonne partie sa faible diffusion ultérieure.

On ne connaît d’Hydace que les maigres éléments biographiques qu’il laisse filtrer dans son œuvre. Il semble être né vers 400 en Galice et avoir effectué, encore infantulus (vers 6 ou 7 ans ?), un voyage en Terre Sainte durant lequel il a notamment rencontré Saint Jérôme. Rien ne permet de savoir avec certitude s’il se trouve réellement en Espagne au moment de l’invasion de 409-410, et lui-même reconnaît dans sa préface que sa connaissance personnelle des événements ne commence qu’après son élection comme évêque en 428, témoignages oraux et sources écrites lui fournissant la matière pour les périodes antérieures. L’événement qui semble former le pivot de la chronique est l’intervention en Espagne des Wisigoths en 456-457, ce qui permet de penser qu’Hydace n’a commencé à écrire qu’après cette date.
Hydace a conservé la structure formelle imposée par Jérôme, et a même repris une bonne part de son vocabulaire. Ainsi le debaccantibus barbaris de ce passage, déjà intégré dans la préface d’Hydace, est à l’origine emprunté à la préface de Jérôme. Ce qu’Hydace ne reprend pas à son modèle, c’est la brièveté des notices.

Pour un chroniqueur de l’Antiquité tardive, Hydace est particulièrement bavard, surtout dans la seconde partie de son œuvre. Il semble avoir voulu écrire une narration historique plus traditionnelle au sein des restrictions structurelles du nouveau genre de la chronique.
Les recherches de R. W. Burgess ont offert de nouvelles perspectives pour la compréhension de l’œuvre d’Hydace. Par une analyse attentive du contenu de la chronique et du manuscrit de référence pour l’établissement du texte d’origine, il a avancé l’hypothèse selon laquelle Hydace a cru en l’imminence de la fin du monde et a été influencé par un texte apocalyptique apocryphe se présentant comme une lettre du Christ à Thomas, révélant que la fin du monde doit arriver 9 jubilés après l’Ascension, à savoir en 482. Sans rentrer ici dans les détails de la démonstration, cela expliquerait le fameux « pessimisme » d’Hydace, la multiplication dans son récit de termes évoquant le désordre, la violence, le conflit, l’instabilité, la destruction, le désespoir.
Son œuvre n’a néanmoins aucun but apologétique ou didactique, elle est tournée vers le passé et la fin des temps n’est donc jamais évoquée explicitement.
Il s’agit donc davantage d’un esprit apocalyptique qui transpire de l’œuvre plutôt que d’une œuvre entièrement tournée vers la fin des temps.
Chronicle of Hydatius, op. cit., p. 80. (7) Id., p. 72-74. (8) Id., p. 106-107.

Le contraste entre la description de cette intervention et celle de l’invasion de 409 est d’ailleurs tout à fait saisissant. La relative valorisation des Wisigoths est de plus encore l’occasion de noircir les Suèves vaincus et repoussés en Galice, où leurs dissensions internes plongent, au moment où est écrite la chronique, Hydace et ses concitoyens dans le chaos.

Ceci amène à l’extrait cité en tête de cet article... Hydace lui-même, par l’évocation des adnuntiationes des prophetae, n’a laissé aucun doute sur l’intention du passage : Créer une analogie très nette entre l’invasion Barbare et certaines narrations apocalyptiques bibliques.
Les quatre plaies, empruntées essentiellement, d’après le vocabulaire utilisé, à Ézéchiel (14 : 12-23) mais également à l’Apocalypse de Jean (6 : 8) sont bien mises en évidence : La guerre, la famine, la maladie et les bêtes sauvages. Au-delà de l’emprunt biblique, qui renvoie à un schéma de punition divine, il n’y a pas lieu de douter de l’impact négatif terrible sur les populations des mois d’incertitude et d’insécurité permanentes qui séparent l’entrée des Barbares dans la péninsule de leur installation sur des territoires définis (411). Les Sept livres d’Histoires contre les Païens, d’Orose, plus proches encore des événements, confirment globalement cette vision des choses. Le tableau catastrophiste est d’autant plus convaincant qu’Orose est en général aussi « optimiste » envers l’impact des Barbares qu’Hydace est « pessimiste » et ne se laisse pas aller sans raison à dépeindre une situation dramatique.

Aux 4 fléaux se mêlent cependant dans ce texte quelques éléments qui peuvent sembler plus spécifiques, tels l’évocation des collecteurs d’impôts ou le cannibalisme de survie. Le propos n’est pas ici de déterminer si des citoyens romains affamés ont véritablement eu recours à l’anthropophagie pour assurer leur survie.
Le problème est insoluble et d’un intérêt plutôt secondaire : Les faits, réels ou imaginaires, s’effacent ici derrière la narration. La véritable question est de comprendre pourquoi Hydace a choisi d’intégrer ce motif au sein d’une peinture soigneusement construite dans le but de frapper le lecteur par l’ampleur du châtiment divin.
Présence et signification du cannibalisme de survie par un auteur chrétien, cultivé, écrivant en latin au milieu du Ve siècle.

Le cannibalisme de survie prend cependant une ampleur nouvelle chez les narrateurs des événements qui mènent au sac de Rome par les troupes d’Alaric en 410.
Deux ans plus tôt, suite au refus du gouvernement de l’empereur Honorius installé à Ravenne de négocier avec lui, le Goth Alaric marche avec ses troupes sur Rome, qu’il atteint à la fin de l’automne.
Le déclenchement rapide d’une famine et d’épidémies contraint le sénat Romain à verser une énorme rançon à l’assiégeant.
En 409, les négociations s’éternisant, entre les exigences d’Alaric jugées excessives et l’intransigeance d’Honorius, Alaric marche à nouveau sur Rome et bloque ses approvisionnements...
Le sénat capitule et accepte de former un gouvernement, Attalus devient empereur et Alaric magister utriusque militiae. Les approvisionnements Africains, indispensables à la survie de Rome, sont bloqués par le gouverneur resté fidèle à Honorius et la famine règne en ville.
Attalus s’oppose à Alaric sur l’attitude à adopter et est finalement déposé par ce dernier à l’été 410.

Les négociations avec Honorius échouent à nouveau, Alaric marche une 3e fois sur Rome. Le siège est bref, les troupes entrent dans la ville le 24 août et la pillent. Du côté des témoins latins de l’événement, la figure de Saint Jérôme, témoin indirect certes, tient une place particulière. Le prologue à son Commentaire sur Ézéchiel, écrit entre 410 et 411, est l’occasion pour lui d’exposer son trouble à l’annonce de la nouvelle du pillage de la ville et de la mort de nombreux frères et sœurs, trouble tel qu’il n’a pu travailler pendant des jours.
La chute de Rome, c’est un peu à ses yeux la fin d’un monde, pour ne pas dire la fin du monde. Vers 412 ou 413, Jérôme adresse une lettre célèbre à la religieuse Principia, à propos de la vie de Marcella. Saint Jérôme ne tarit pas d’éloges à propos de cette veuve de la noblesse Romaine qui s’est mise au service de Dieu et dont il a été assez proche. Elle meurt quelques mois après le sac de Rome, durant lequel elle a été malmenée, ce qui donne l’occasion à Jérôme de faire le récit de ces événements. Il installe d’emblée les souffrances de la ville au cœur d’un châtiment divin. Il évoque le pape Anastase (399-401), enlevé rapidement au monde afin qu’il n’essaie pas, par ses prières, d’atténuer la sanction divine portée contre la ville, et ne soit plus là « quand la tête de l’univers serait tranchée … Citant en outre Jérémie (14, 11-12) : Ne prie pas pour ce peuple, (…) car je les consumerai par le glaive, la famine et la peste ». Il évoque ensuite l’origénisme qui met en difficulté les orthodoxes à Jérusalem. « Mais voici que cet immense ouragan est anéanti par le souffle du seigneur, et que s’accomplit l’oracle du prophète (…). ».

Viennent ensuite, condensés en quelques lignes dramatiques, les 3 sièges successifs, et enfin, concluant l’ensemble avant quelques citations tirées de la Bible ou de l’Énéide sur la chute des villes, le cannibalisme : « Elle est prise, la Ville qui a pris l’univers entier, que dis-je ? elle périt par la famine avant de périr par le glaive, et on n’a trouvé à faire que très peu de prisonniers. La fureur de la faim a poussé à des nourritures criminelles, les gens se déchirent mutuellement les membres, une mère n’a pas épargné son nourrisson et a absorbé dans ses entrailles l’enfant qui en était sorti peu auparavant ».
Le récit est très clairement construit pour faire culminer le châtiment divin avec le cannibalisme, et la mère dévorant son enfant établit un parallèle très clair entre la chute de Rome et la chute de Jérusalem telle que l’a décrite Flavius Josèphe.
Il est par ailleurs intéressant de constater que, en rédigeant le début de son Commentaire sur Ézéchiel immédiatement après les événements, ou même plus tard dans son Commentaire sur Jérémie, Saint Jérôme ne lie pas le cannibalisme qu’il y commente avec ce cannibalisme contemporain à Rome. Les seuls parallèles qu’il amène sont la Bible elle-même et Flavius Josèphe.

La parenté de son récit des malheurs de Rome avec notamment son Commentaire sur Jérémie paraît pourtant manifeste, Jérôme utilisant à chaque fois l’image du cercle enfantement – alimentation – mort : Le ventre qui enfante et devient tombeau. La sanction divine infligée à Rome est de plus présente en germe dans l’œuvre de Jérôme bien avant 410. Il a été formé à Rome, y a des partisans, mais s’y est aussi créé de nombreuses inimitiés et a dû quitter la ville. Dans les œuvres écrites après son départ, il compare régulièrement celle-ci à Babylone, voire au peuple juif appelé à être puni pour ses péchés. Ce contexte plus large confirme bien que le cannibalisme est ici un élément important d’une stratégie narrative.
A nouveau, l’historicité du cannibalisme semble bien moins importer que le sens punitif qu’il véhicule. Saint Jérôme n’est cependant pas le seul à évoquer la pratique de l’anthropophagie au cœur de Rome.
Plusieurs historiens de langue grecque en font état, tous semblant puiser leurs informations à la même source : Olympiodore cet auteur, historien et poète né à Thèbes en Égypte vers 380, n’est connu que par l’ample résumé qu’a fait de sa vie et de son œuvre le patriarche Photius, au IXe siècle, ainsi que par les larges extraits de son œuvre repris par divers auteurs. Telle que l’on peut la reconstituer, cette histoire ample et très détaillée couvre les années 407-425 et, bien qu’écrite en grec, se concentre très essentiellement sur les événements d’Occident (Italie et Gaule surtout, quelques digressions sur l’Espagne).

Divers éléments indiquent qu’Olympiodore dispose d’informations précises émanant des centres de pouvoir de l’époque, et qu’il a lui-même voyagé en Italie, comme le suggèrent ses descriptions précises des fastes retrouvés de Rome, à la fin de son texte. Les sources des informations qu’il livre ne sont pas identifiées, elles doivent être pour une bonne part orales mais il est très vraisemblable qu’il ait aussi fait usage de documentation écrite.
Son récit, probablement publié dans sa forme finale vers 440, est riche en anecdotes (volontiers macabres), en chiffres, en descriptions soigneuses, en termes latins, et son style sans fioritures lui vaut d’ailleurs, quelques siècles plus tard, les sarcasmes de Photius. Sa perspective est celle d’un auteur païen et il souligne la folie qu’il y a à abandonner les anciens cultes. Il ne s’en prend toutefois pas directement au Christianisme.

Chronologiquement, le premier à faire usage du récit d’Olympiodore pour sa propre narration est Philostorgius. Il s’agit du seul historien arien clairement identifié dont l’œuvre ait partiellement survécu. C’est à nouveau par l’intermédiaire de Photius et de quelques citations par d’autres auteurs que sa production littéraire a été transmise jusqu’à aujourd’hui.
Né en Cappadoce vers 368, il fréquente à Constantinople le courant arien le plus radical. Son Histoire ecclésiastique (couvrant la période 320-425), œuvre très polémique entendant défendre l’arianisme, est composée entre 430 et 440.
Prodiges et catastrophes abondent dans ce récit, interprétés comme les signes de la colère divine contre la politique religieuse de l’empereur d’Orient Arcadius. Son évocation des événements occidentaux ne lui sert vraisemblablement qu’à voir là une confirmation de sa propre vision apocalyptique des destinées d’un Empire dominé par l’orthodoxie. Philostorgius raconte ainsi très succinctement la reprise des approvisionnements après le second siège de Rome par Alaric, reprise bénéficiant du moins aux Romains ayant survécu à la famine et « ne s’étant pas dévorés les uns les autres ».

Pour sa propre Histoire ecclésiastique inachevée (couvrant une période qui va du début de la controverse arienne à 425), publiée entre 440 et 450, Sozomène a également recours à l’autorité d’Olympiodore. Avocat à Constantinople, Sozomène est un orthodoxe et nicéen convaincu. Sa méthode historique rigoureuse tend dès lors à s’appliquer à une vision de l’histoire qui confirme le triomphe de sa doctrine. Comme chez Philostorgius, l’évocation du cannibalisme apparaît après le second siège de Rome, mais dans un contexte un peu différent. Cette fois, la responsabilité de la famine est imputée à l’arrêt de l’approvisionnement depuis l’Afrique, donc pas au siège lui-même.
Sozomène évoque très brièvement l’usage d’aliments de substitution et indique que certaines personnes ont été suspectées d’avoir consommé de la chair humaine.

On peut comparer ce récit à celui offert par Socrate de Constantinople : Son Histoire ecclésiastique, encore une, est publiée peu avant celle de Sozomène et en est la principale source d’informations. La narration de Socrate appartient à une tout autre tradition, la chronologie est bousculée et le récit entièrement tourné dans le sens d’une dénonciation d’Alaric, présenté comme un traître lâche et cruel, le tout sans la moindre allusion à la famine ou au cannibalisme. Sozomène choisit d’ailleurs manifestement de se détacher sur ce point de la version des événements proposée par Socrate et lui préfère celle d’Olympiodore, bien plus loquace et détaillée sur les affaires d’Occident. L’auteur le plus fidèle au texte d’Olympiodore semble cependant être Zosime. Celui-ci, dont on ne sait presque rien, écrit aux alentours de 500 son Histoire nouvelle. L’intérêt de cette œuvre n’est toutefois pas sa « nouveauté » mais le fait qu’elle préserve de très larges extraits d’auteurs antérieurs perdus par ailleurs, Eunape et Olympiodore.
Cela en fait la source d’informations la plus importante pour les règnes de Théodose et de ses fils Arcadius et Honorius. La cohérence historique semble céder le pas, chez Zosime, à la leçon religieuse : Il veut décrire de quelle manière les Romains ont détruit leur empire en abandonnant leur religion ancestrale. Son récit s’interrompt en 410, juste avant le sac de Rome.
Le cannibalisme apparaît à deux reprises, d’abord à la fin du premier siège, en 408 : « Lorsque le mal est devenu extrême et qu’ils risquent d’en venir même à s'entre dévorer, non sans avoir essayé toutes les autres nourritures qui paraissent être repoussantes aux hommes », les assiégés se décident à négocier avec l’ennemi. Le second extrait, comme chez Sozomène, renvoie à la rupture des approvisionnements africains : «(…) une famine plus grave que la précédente afflige la ville, (…). La ville en est réduite à une telle détresse que les gens, s’attendant à se nourrir même de corps humains, poussent le cri suivant à l’hippodrome : « pretium inpone carni humanae », ce qui signifie : « fixe un prix pour la chair humaine ». Même en se concentrant exclusivement sur le cannibalisme accompli / suspecté / craint pendant ou après le second siège, on ne peut que constater la richesse des interprétations différentes d’une source unique.
Si Zosime est bien le plus proche d’Olympiodore, il est clair que ce dernier ne parle que de craintes, voire pour la seconde mention d’un mélange de colère, provocation et humour. Sozomène adapte le récit de façon plus littérale, renforce la présence de la crainte et exclut les éléments plus légers, qui conviennent mal au pathétique de la famine.
Il n’abandonne toutefois pas totalement sa source : En aucun cas il n’affirme explicitement la pratique, elle n’est que soupçonnée. Philostorgius, pour ce que l’on en conserve, semble a priori plus explicite, tout en n’amenant le cannibalisme qu’indirectement, en parlant d’autre chose, comme une touche rhétorique supplémentaire rappelant les souffrances des Romains.

Et par rapport à Saint Jérôme ? Faudra-t-il s’étonner que l’histoire de la mère cannibale n’apparaisse que chez l’exégète chrétien, et pas chez le païen Olympiodore pour laquelle elle ne porte vraisemblablement guère de signification ?
Au sein des informations qui circulent après la chute de Rome, il semble acquis que des rumeurs de cannibalisme ou des histoires telles que celles rapportées par Olympiodore circulent dans l’empire romain. Saint Jérôme ou ses informateurs chrétiens, marqués par l’analogie entre sièges de Rome et sièges bibliques et par l’arrière-plan de châtiment divin qui les accompagne, reformulent le cannibalisme selon un topos porteur de sens.
Du côté des suiveurs d’Olympiodore, l’anthropophagie est également reformulée, selon des buts littéraires, voire idéologiques, spécifiques. Il faut de plus être conscient que, lorsque Olympiodore lui-même récolte ses informations, certains épisodes précis du siège, comme ces cris à l’hippodrome, ont déjà fort bien pu prendre un caractère quasi mythique. Ces observations me semblent avant tout dépeindre une réalité où est bien présente l’angoissante possibilité du cannibalisme de survie.
Au-delà, c’est l’étonnante malléabilité littéraire du thème anthropophage qui frappe. Ce thème est d’ailleurs encore intégré à une œuvre plus tardive, grecque toujours, La guerre contre les Vandales, commandée à Procope par l’empereur Justinien et publiée en 551. Né à Césarée de Palestine à la fin du Ve siècle, Procope est un proche du général Bélisaire, dont il suit les expéditions en Perse, Afrique et Italie, entre 527 et 540. Il a l’originalité d’offrir deux versions différentes de la fin du dernier siège de Rome, en 410. La seconde version apparaît ici pour la première fois, sa source est inconnue, et c’est elle qui contient l’allusion au cannibalisme. Selon cette version, le siège s’est achevé lorsqu’une femme noble appelée Proba, « prit pitié des habitants de la Ville, qu’elle voyait périr de faim ou de toutes sortes d’autres mauvais traitements (certains en venaient déjà à manger leurs congénères !), et envoya ses serviteurs ouvrir les portes de la ville aux hommes d’Alaric ». Si le récit est tout à fait original, le cannibalisme l’est moins, mais le fait qu’il ne soit cité que dans cette version, et pas dans l’autre racontée aussi par Procope, semble bien indiquer qu’il fait partie, comme un topos, d’un certain nombre de narrations consacrées à cette prise de Rome en 410, et que sa présence dans les esprits est particulièrement durable...

Honorius envoie à contrecœur les insignes impériaux à Constantin III au début de l'année en réponse à une ambassade et ils partagent le consulat.
13 janvier, empire romain : Constitution d'Honorius édictant la peine capitale contre ceux qui saccageront les basiliques ou insulteront les évêques et les prêtres catholiques.
Janvier : Le préfet de Rome Gabinius Barbarus Pompeianus consulte des haruspices* étrusques pour sauver Rome assiégée par les Wisigoths et envisage de rétablir les sacrifices pour la circonstance... Le pape Innocent lui-même donne son autorisation. Le Sénat romain accepte de verser une forte contribution à Alaric, et collecte 5 000 livres d'or, 30 000 livres d'argent,
3 000 livres de laine et 3 000 livres de poivre. Le sénateur d'origine Espagnole Basilius est envoyé au camp d'Alaric, qui accorde une trêve malgré l'échec d'une ambassade du sénateur Attale envoyée à Ravenne pour demander à Honorius de traiter.
Février : Gabinius Barbarus Pompeianus est massacré par la foule lors d'une émeute de la faim tandis que les barbares se déchaînent au travers des Espagnes.
Attale est nommé à sa place préfet de Rome.

Mars : Olympius envoie une armée de 6 000 Dalmates commandée par le comte des domestiques Valens pour renforcer la garnison de Rome. Elle est détruite dans une embuscade par les troupes d'Alaric. Seul Valens et Attale parviennent à s'échapper. Olympius disgracié est remplacé par Jovius, nommé préfet du prétoire par Honorius. Jovius renoue avec une politique Germanophile, qui semble plus tolérante à l'égard des païens et des donatistes, le Barbare Allobichus est nommé comte des domestiques à Ravenne.

Printemps : Le barbare Generidus, commandant des forces Romaines en Norique, envoie 10 000 mercenaires Huns à Ravenne pour renforcer l'empereur Honorius. Alaric, rejoint par 40 000 esclaves chassés de Rome par la famine, marche vers Ravenne, son beau-frère Athaulf lui amène des renforts du Danube, mais est battu à Pise.
Le César Constant retourne en Espagne avec le général Justus, ce qui irrite Gerontius, chargé jusqu'alors d'administrer la province.

Mai-juin : Honorius se réconcilie avec l'usurpateur Gaulois Constantin qui promet d'intervenir en Italie. Des négociations s'ouvrent à Rimini entre Alaric et le préfet du prétoire Jovius. Alaric demande à s'installer en Vénétie, Norique et Dalmatie, en plus d'un tribut et d'un ravitaillement annuels et le titre de magister militum. Honorius refuse, et Alaric dirige son armée sur Rome.

26 juin : Constitution d'Honorius au préfet du prétoire Jovius, qui menace de disgrâce tous les représentants de l'autorité de l'empire qui n'exécuteront pas les mesures prescrites contre les hérétiques.

28 septembre ou 13 octobre : les Vandales, les Suèves et les Alains passent les Pyrénées en dépit des garnisons laissées par Constant et commencent de piller la Tarraconaise, à Arles, Constantin III a l'intention de renvoyer son fils Constant en Espagne, quand il apprend l'usurpation de Maxime, acclamé empereur à Tarragone par Gerontius (fin en 411).

Novembre - décembre : Alaric Ier, rejoint par son beau-frère Athaulf avec les forces Gothiques du nord de la Pannonie, rompt les négociations de Rimini avec Honorius et investit les magasins à grains du Portus près de Rome. Il fait proclamer empereur le sénateur Attale qui le hausse au grade de Magister utriusque militiae praesentialis (maître de la milice).

24 décembre, Noël : Le préfet du prétoire Jovius est envoyé par Honorius en ambassade auprès d'Attale, avec Valens, maître de la cavalerie et de l'infanterie, le questeur Potamius et Julianius, chef des notaires. Ils proposent un partage de l'Occident entre les deux empereurs, ce qui leur est refusé. Jovius et Valens se rallient à l'usurpateur.

Hiver 409-410 :
Rome est affamée par le comte d'Afrique Héraclien qui a mis l'embargo sur les livraisons de blé, Attale envoie Constant à la tête d'une petite armée, qui est écrasée.

Honorius reçoit en renfort à Ravenne 4 000 hommes envoyés par l'empire d'Orient.
Alaric installe ses cantonnements en Étrurie, trahit Attalus pour se rapprocher d’Honorius, lui demandant un établissement en Norique pour son peuple. Honorius refuse.
Selon Zosime, après le départ du gros des troupes Romaines, les incursions des Germains d'au-delà du Rhin (sans doute des Saxons) obligent les habitants de Bretagne à prendre les armes pour chasser les Barbares des villes et à proclamer leur indépendance vis-à-vis de Rome. 

 
*Un haruspice, ou aruspice, est un pratiquant de l'haruspicine, l'art divinatoire de lire dans les entrailles d'un animal sacrifié (notamment l'hépatoscopie : examen du foie censé représenter l'univers) pour en tirer des présages quant à l'avenir ou à une décision à prendre.
'Armorique et d'autres régions de la Gaule suivent leur exemple et chassent les fonctionnaires Romains, établissant leur propre gouvernement.

Fames facta est ut homo hominem comederet : l'Occident ...www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_2008_num_86_2_7467

de V Vandenberg - ‎2008 - ‎Cité 5 fois - ‎Autres articles
Revue belge de philologie et d'histoire Année 2008 Volume 86 Numéro 2 pp. ... les terribles conséquences de l'irruption en 409 dans la péninsule ibérique de ..... La chute de Rome, c'est un peu à ses yeux la fi n d'un monde, pour ne pas dire ..... Ces prémisses tardo-antiques étant posées, j'aimerais à présent me tourner ...
L'Histoire à la carte : De la naissance à la chute de l'empire ...
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