10
AVRIL 2016...
Cette
page concerne l'année 394 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
PHILAE
GARDIENNE DE TANT DE SIÈCLE.
Philæ,
aussi orthographiée Philae, en grec ancien Φιλαί /
Philai, en égyptien ancien Pilak,
P'aaleq, est une île d'Égypte submergée dans les années 1970 par
la hausse du niveau du lac de retenue de l'ancien barrage d'Assouan à
la suite de la construction du haut barrage. Les temples et monuments
édifiés sur l'île aux époques Pharaoniques et Gréco-Romaines ont
été déplacés sur l'île voisine d'Aguilkia, aussi appelée Philæ
par commodité, notamment auprès des touristes.
Depuis
l'opération, seul le point culminant de l'ancienne île de Philæ
émerge du lac sous la forme d'un rocher. Philæ ville antique
égyptienne de Haute-Égypte, dans le nome (Pays de l'arc (ou du Pays
de Nubie) » (tA-sty). Elle abritait un temple d'Isis, l'un des
mieux conservés de l'Égypte antique, dont la construction est
commencée par l'un des derniers pharaons Égyptiens, Nectanébo Ier,
et terminée par les Romains. Le temple reste voué au culte de la
déesse, fréquenté par les Blemmyes, une tribu Nubienne, jusqu'au
milieu du VIe siècle lorsqu'il est transformé en église copte
sur ordre de l'empereur Justinien.
Avec
l'arrivée du tourisme de masse en Égypte, Philæ est devenue l'une
des destinations les plus populaires du pays attirant plusieurs
milliers de visiteurs chaque jour en haute saison.
Philæ
est située au sud d'Assouan, entre l'ancien barrage d'Assouan au
nord-ouest et le haut barrage d'Assouan au sud, juste à l'est de
l'île de Biggeh et au sud-est de l'île d'Aguilkia distante
d'environ 300 mètres. Avant sa submersion, l'île avait la
forme d'un oiseau.
Le
temple d'Isis, situé dans le quart sud-ouest de l'île, est la
principale construction de Philæ.
L'esplanade
située devant le premier pylône est fermée par un portique aux
chapiteaux variés. Le mur occidental est percé de fenêtres donnant
sur l'île de Biggeh, désormais un petit îlot depuis le déplacement
du temple, et d'un escalier entre la douzième et la treizième
colonne menant à un nilomètre. La corniche du portique est décorée
de disques solaires situés précisément face aux temples
d'Arensnouphis, de Biggeh et d'Imhotep et le plafond est orné de
vautours aux ailes déployées regardant vers l'ouest.
Outre
le temple d'Isis, Philæ est aussi composé d'autres temples et
chapelles tels un mammisi et une chapelle d'Hathor, de deux
nilomètres, d'un temple d'Horus et de constructions romaines
représentées par le kiosque de Trajan, un temple d'Auguste, d'une
porte et d'un quai romain.
La
partie sud-ouest de l'esplanade est agrandie à l'époque
Ptolémaïque. Des murs sont élevés sur les rochers du rivage de
cette partie de l'île, constituant des salles qui sont remplies de
terre et de blocs, le tout recouvert de dalles. Cette esplanade est
fermée par un portique construit sous l'empereur Auguste.
Les
débuts du culte d'Isis à Philæ n'ont pu être déterminés avec
précision. À l'origine, le lieu est voué à la déesse Hathor sous
la forme de la lionne Tefnout, maîtresse de la Nubie. La légende
dit que venant du sud, elle s'est arrêtée pour la première fois en
ce lieu.
Hathor
est ensuite assimilée à Isis, notamment parce que le tombeau
d'Osiris, son époux, se trouve sur l'île voisine de Biggeh. Le
temple est alors un lieu de rencontres pacifiques entre les Égyptiens
durant les périodes Ptolémaïques et Romaines et les tribus
Nubiennes des Nobades et des Blemmyes qui font des incursions dans
cette région frontalière de l'Empire Romain d'Orient au Ve siècle.
La présence Nubienne à Philæ est telle que lorsque les cultes
païens sont interdits dans l'Empire Romain d'Orient, le culte d'Isis
reste autorisé à Philæ pour les seuls Nubiens qui peuvent même
emprunter la statue de la déesse et l'emporter dans leur pays à
partir de 453... Puis le temple est transformé en église copte, des
croix coptes fleurissant sur les murs et les piliers du temple.
Ainsi, depuis cette période, un bas-relief présente le dieu Amon
partiellement martelé, la tête étant remplacée par une croix
copte mais le reste du corps étant intact, y compris la couronne
divine composée de deux plumes.
Après
la construction en 1894 par les Britanniques du premier barrage
d'Assouan, la montée des eaux du Nil qui forment alors un lac de
retenue noie dix mois sur douze l'île de Philæ.
Les
temples et les constructions de l'île sont alors partiellement ou
totalement sous les eaux pendant une grande partie de l'année au
grand regret de Pierre Loti :
« La
noyade de Philæ vient, comme on sait, d'augmenter de 75 millions de
livres le rendement annuel des terres environnantes. Encouragés par
ce succès, les Britanniques vont, l'année prochaine, élever encore
de 6 mètres le barrage du Nil du coup, le sanctuaire d'Isis aura
complètement plongé, la plupart des temples antiques de la Nubie
seront aussi dans l'eau, et des fièvres infecteront le pays. Mais
cela permettra de faire de si productives plantations de coton ! »...
— Pierre
Loti, La mort de Philæ, p. 228.
Pendant
70 ans, la visite du temple de Philæ se fait en barque et offre des
paysages qui ravissent les romantiques de l'époque :
« Nous
y entrons avec notre barque […] Mais combien il est adorable ainsi,
le kiosque de Philæ […] »
— Pierre
Loti, La mort de Philæ, p. 223.
En
1960, après plusieurs années de tractations politiques et
d'arrangements financiers, les travaux de construction du haut
barrage d'Assouan débutent sous l'impulsion du président Gamal
Abdel Nasser. Ce projet constitue une nouvelle menace pour Philæ car
l'île se trouve entre les deux barrages. Le lac de retenue de
l'ancien barrage d'Assouan est alors transformé en bief dans le
cadre de ce projet. Il est prévu d'abaisser le niveau moyen de ce
lac qui atteindrait alors le premier pylône du temple d'Isis à la
moitié de sa hauteur, permettant aux ruines d'être en plus grande
partie à l'air libre. Mais cette transformation en bief par la
hausse du niveau de la nappe phréatique signifie aussi que l'île ne
pourrait plus être totalement à sec pendant une partie de l'année.
De plus, les fluctuations quotidiennes du niveau du lac atteindraient
six mètres d'amplitude, provoquant une érosion accrue des pierres
et une accélération de la disparition des ruines.
Le
sauvetage de Philæ est alors décidé et la solution retenue est la
même que pour les temples d'Abou Simbel quelques années plus tôt :
Le démontage des ruines et leur reconstruction sur un nouveau site à
l'abri des eaux du lac. Ce déplacement est orchestré par le
ministère de la Culture d'Égypte, les services d'archéologie du
Caire ainsi que l'Unesco, sa réalisation étant confiée à
Christiane Desroches Noblecourt , une égyptologue Française à
l'origine du sauvetage d'autres temples menacés par les eaux du lac
Nasser dont ceux d'Abou Simbel.
Au
milieu des eaux du Nil s'élève le plus fameux des sanctuaires
d'Isis. Femme, épouse, mère, magicienne, salvatrice, la déesse se
trouve au centre du grand mystère de la vie et de la mort qui
aboutit à la résurrection. Pour reformer le corps de son époux
assassiné, qu'elle entoure de bandelettes, elle confectionne la
première momie. Le culte qu'on voue à cette déesse-mère est
associé au retour de la crue fertilisante qui fait revivre la terre
d'Égypte… Christiane Desroches-Noblecourt, conservateur général
honoraire du Département Égyptien du Louvre, fait revivre pour nous
Philae, Île Sainte au charme unique qu'elle a réussi à sauver des
eaux.
Abandonnée
depuis la fin des Ramessides (vers l'an 1000 avant notre ère), la
Nubie connaît un renouveau d'intérêt à l'époque Gréco-Romaine.
Les nouveaux maîtres Macédoniens (vers la fin du IVe siècle
av. notre ère) puis Romains (à partir de 24 ap. J.-C.) font ériger
de majestueux temples sur l'emplacement des anciens sanctuaires. Les
plans antiques respectés dans leurs grandes lignes sont légèrement
remaniés au goût du jour, l'esthétique de ce temps se reconnaît
spécialement dans le rendu des formes humaines et la surcharge des
chapiteaux floraux. C'est aussi la période des grandes fondations
religieuses : Dendera, Edfou, Esneh, Philae, pour ne citer que
les plus connues.
On
est accoutumé à reconnaître en Philae la place sainte la plus
méridionale de l'Égypte métropolitaine, il faut, me semble-t-il,
plutôt y voir le lieu de culte Pharaonique le plus septentrional de
Basse-Nubie. En effet, les Romains, soucieux de protéger les
possessions de l'empire, s'introduisent à leur tour au-delà de la
première cataracte, dans des régions que des incursions Barbares
peuvent infiltrer, il faut préserver l'accès aux mines d'or du
ouadi Allaki, face à l'ancien temple de Thoutmosis III, réédifié
à Dakka sous Ptolémée VII Évergète II (à l'époque, cet antique
site de Baki avait pris le nom de Pselkis) ; Aussi est-ce dans
le secteur, près de la chapelle de Maharraka, qu'il faut situer les
limites fixes du dispositif militaire Romain, à 120 kilomètres au
sud de la première cataracte. Plusieurs édifices religieux du
moment en témoignent :
Au
nord de Maharraka et de Dakka, ceux de Dendour, de Debot, les
chapelles de Taffeh et le kiosque de Kertassi près des carrières
qui ont fourni la pierre de grès pour les constructions de Philae.
Le
plus célèbre d'entre eux est le temple de Kalabsha, lieu de
vénération pour Mandoulis, forme Nubienne d'Horus.
Cependant
rien n'égale en importance et en suprême majesté l'ensemble
architectural implanté plus au nord sur la petite île appelée de
nos jours Philae. Au cœur d'un chapelet d'îlots granitiques au sud
de l'ancien barrage, le lieu sacré s'appelle à l'époque Pi-Rek, ce
qui signifie L'« extrémité » : il s'agit en fait
de l'extrémité méridionale de la Basse-Nubie, où les pèlerins
viennent adorer leur déesse.
Durant
les derniers siècles de son étonnante vitalité, l'Égypte
Pharaonique s'affaiblit et se transforme au contact des invasions
successives auxquelles il lui est impossible d'échapper.
Progressivement,
la foi profonde du « plus religieux de tous les peuples »
(Hérodote) s'est cristallisée dans le mythe le plus accessible à
l'entendement populaire, donnant une signification cohérente au
grand mystère de la vie et de la mort. Ainsi, de toutes les
cosmogonies les plus élaborées, celle qui a pour pivot le mythe
Osirien prévaut. Cet espoir d'accéder à l'éternité, à la
perpétuité des générations, au triomphe du bien sur le mal garant
de l'équilibre cosmique, se matérialise par Isis, la forme la plus
maternelle de la féminité, magicienne et salvatrice à la fois,
sans qui le monde ne peut survivre... Voici que maintenant elle
surpasse en importance toutes les autres formes divines, sa qualité
d'épouse fidèle vigilante et de mère protectrice estompe le rôle
quasi primordial d'amante propre à maintenir l'éros de la
nécessaire procréation.
Le
grand temple de Philae est consacré à l'universelle Isis, réveil
du mort et mère de l'héritier. Autour du sanctuaire surgissent
d'autres constructions religieuses, compléments essentiels d'un
culte reposant sur la dévotion à cette déesse, source de toute
félicité. Les monuments ainsi rassemblés sur l'île expriment
toute une théologie et constituent une synthèse de la
« machinerie » divine où l'on retrouve les vestiges d'un
enseignement millénaire. Le noyau auquel se rattache le mythe est
résumé dans la légende Osirienne connue dès l'époque des Textes
des pyramides (fin de la Ve dynastie). Bien plus tard, Plutarque
réunit les épisodes très enrichis du grand mystère initial qu'il
ne faut pas dévoiler...
Le
Démiurge, hermaphrodite par essence, exprime et différencie les
deux sexes qu'il totalise en lui, en créant la lumière, Shou, et
l'air, Tefnet. À leur tour, ces derniers font apparaître le Ciel,
Nout, et la terre, Geb, qui mettent au monde Osiris, Isis, Seth et
Nephtys appelés à connaître les vicissitudes d'ici-bas.
Le
règne d'Osiris, incarnation du Bien, aurait pu se dérouler dans la
plus parfaite harmonie sans les attaques répétées de son frère
Seth, (la Perturbation nécessaire) qui finit par mettre à mort
Osiris en découpant son corps en seize morceaux jetés ensuite dans
le Nil.
Isis,
la veuve éplorée d'Osiris, transformée momentanément en oiselle,
survole le fleuve, repère les fragments épars de son époux et les
enterre successivement près du lieu de leur découverte.
Pour
désorienter son ennemi, en chaque lieu, elle reconstitue facticement
le corps en sa totalité et le dépose dans un sarcophage :
La
jambe gauche est inhumée dans l'île de Biggeh et c'est là qu'aux
derniers temps de l'histoire Pharaonique, on reconnaît la vraie
sépulture du Dieu près duquel un acacia (ou un tamaris) se met à
pousser.
L'essentiel
de la légende tient dans ce qu'Osiris, qui enseigne aux hommes l'art
de vivre, l'agriculture et qui, en compagnie de son épouse Isis,
symbolise le ménage idéal, n'a pas laissé d'héritier. Il faut
donc que le Dieu fait homme survive à son trépas pour assurer la
continuité de la vie. Voilà pourquoi Isis la magicienne, avec
l'aide de sa sœur Nephtys et en présence d'Anubis, façonne, avec
les éléments rassemblés du corps martyrisé, la première momie.
Or le membre viril a été englouti dans le Nil par le poisson
oxyrrhynque. Isis, la magicienne, se transforme à nouveau en oiselle
et descend doucement sur le corps d'Osiris, lui restituant pour
quelques instants son pouvoir de procréer, et se fait féconder.
Osiris
devient alors, dans le monde souterrain, le Juge des trépassés,
cependant qu'Isis, enceinte du futur héritier ainsi conçu, consacre
tous ses soins à protéger sa gestation des manœuvres du Malin,
pour mettre au monde Horus l'enfant qui, en dépit des violentes
contestations de Seth, règne sur les vivants à la place de son
père.
Toute
cette trame, qui donne en réalité un sens à l'existence, est
traduite par les divers bâtiments du sanctuaire. Le plus important
des îlots entourant le domaine d'Isis est Biggeh, séparé de Philae
par un étroit chenal à l'ouest. 12 fois plus grand que Philae, il
accueille le tombeau réel d'Osiris.
Du
point culminant de lou-Ouab, « l'Île Sainte », où nul
profane ne doit pénétrer, on aperçoit le contour du domaine
d'Isis : Sa forme évoque d'une façon surprenante l'oiselle
prête à se poser sur le corps d'Osiris (Biggeh).
Au
reste, le rapport entre les deux sanctuaires reste très étroit.
Tous les jours, les prêtres vont verser des libations sur les 365
tables d'offrandes qui entourent le tombeau du dieu sacrifié et,
tous les 10 jours, Isis traverse le bras du fleuve, porteuse d'une
offrande de lait.
Les
derniers Ptolémées (dont le 13e, père de la grande Cléopâtre)
ont achevé le premier pylône aux reliefs représentant Isis et
Hathor, la séductrice, assistant le jeune Horus. La façade du
temple est orientée vers le sud : La Nubie.
Une
double colonnade (concept très hellénistique) remplace le dromos
classique bordé de sphinx et conduit à l'embarcadère. Dans la
première cour, le péristyle oriental introduit aux petites pièces
de la bibliothèque, un gros rocher de granit, à la base de la tour
orientale du second pylône, porte une inscription relative au don de
Ptolémée VI Philométor à la déesse : Le Dodecaschène, la
région des 12 Schènes, long chacun d'une dizaine de kilomètres.
Ce
territoire s'arrête dans la zone du ouadi Allaki, le ouadi de l'or.
À
l'ouest de cette cour, on admire le flanc du mamisi ou maison de la
naissance du jeune dieu, les colonnes engagées sont couronnées par
des chapiteaux historiques. La grande salle hypostyle, dont le centre
reste à ciel ouvert, est ornée de reliefs évoquant l'éternel
dialogue du roi avec les diverses formes de la divinité.
Les
salles du fond du temple (les premières construites) portent les
reliefs les plus harmonieux, datant des Nèctanébo de la
XXXe dynastie. Lorsque l'on peut accéder aux terrasses, on
découvre deux petites salles réservées au mystère de la
résurrection Osirienne, dominant à l'ouest du temple le bord de
l'île où des salles basses sont consacrées aux rites chthoniens.
Au
IIe siècle de notre ère l'empereur Hadrien, dont on connaît
l'intérêt pour les croyances égyptiennes, fait ériger à
proximité un passage couvert, toujours connu sous le nom de porte
d'Hadrien : Il s'agit d'un des lieux les plus précieux pour
comprendre la géographie religieuse du site.
Par
ordre du Romain, un décret en hiéroglyphes est gravé sur le mur
nord. Se fondant sur l'ensemble des pratiques célébrées alentour,
il rappelle que toute la « Butte Sainte » (Biggeh) est
réservée au dieu mort : Le deuil y est de rigueur, ni chant,
ni musique ne peuvent s'y faire entendre, ni pêche ni chasse n'y
sont tolérées, personne ne doit y élever la voix. Cette région
occidentale touche également la rive gauche de Philae où ont été
édifiés les locaux du culte Osirien.
En
revanche, le flanc oriental du grand temple est en partie occupé par
des monuments dont l'implantation et les messages inscrits enseignent
que l'on y célébre le bonheur retrouvé et l'allégresse. Le
somptueux kiosque de Trajan et le petit temple poétique d'Hathor le
démontrent : Reliefs et inscriptions expliquent la raison des
musiques, des danses, en un mot de la joie pour un événement
attendu toute l'année : La réconciliation de la déesse avec
son père le Démiurge.
Une
autre légende vieille de plusieurs millénaires rejoint ainsi un des
aspects du cycle Osirien. Cette déesse, la Lointaine, s'est échappée
du bercail pour s'enfuir en Nubie où elle devient une véritable
carnassière Africaine. Rien, pendant toute une année, alors que le
monde entier se dessèche, ne peut la contraindre à regagner le
palais paternel si ce n'est, en fin de compte, l'astucieuse
diplomatie de Thot, l'incarnation du temps, de la connaissance, de la
science et de la précision du calendrier... La Lointaine, charmée
par les histoires de Thot, accepte de le suivre. Elle personnifie
l'inondation revenant impétueusement du sud, au début de l'année,
pour le bonheur et la prospérité du pays.
La
vague annonciatrice du renouveau est déjà fêtée en Abou Simbel
sous Ramsès II, là où elle vient de franchir la seconde cataracte,
au jour de l'an provoqué par la réapparition de l'étoile Sothis.
Parallèlement le roi, investi d'une jouvence retrouvée, incarne le
nouveau soleil, tel Horus sorti des ténèbres où réside désormais
son géniteur.
À
l'approche de la première cataracte, Philae devient ainsi, à la fin
de l'époque Pharaonique, le lieu où l'on fête en grande pompe le
retour de l'inondation.
Sur
une barque sacrée descendant le fleuve, la déesse est attendue, le
pontife et son collège célèbrent son arrivée sur le quai du Grand
Kiosque conçu pour la recevoir. À proximité, le petit sanctuaire
d'Hathor, (également confondue avec la « Lointaine »),
porte encore sur ses murs l'image des joueurs de tambourin, de harpe
et de double hautbois qui rythment les danses des gracieuses
ballerines sacrées... Afin de préparer cet événement essentiel
pour l'Égypte, des cérémonies préparatoires se succèdent tout au
long de l'année. Dans le mamisi, à l'ouest de la première cour,
Isis séjourne pendant le temps de sa gestation divine. Au fond du
sanctuaire demeure encore son image tenant dans ses bras
Horpa-Khered, Harpocrate ou Horus enfant, qu'elle vient de mettre au
monde, cela préfigure l'image de la « Vierge à l'enfant ».
La
naissance miraculeuse coïncide avec le renouvellement de Pharaon sur
son trône et l'arrivée de l'inondation rappelant les rites célébrés
en Abou Simbel plus de 1 000 ans auparavant. Abou Simbel est alors
abandonné, et les généraux de Psamétique II en route vers le
Soudan laissent des traces de leur propre passage en faisant graver,
irrespectueusement, sur la jambe d'un colosse de la façade, le récit
de leur expédition avec leur nom : Amasis, chef des troupes
Égyptiennes, Potasimto, commandant la Légion étrangère… Philae
regroupe les mythes, les croyances et les fêtes essentielles du
pays.
Lorsque
la Nubie devient chrétienne, après l'édit de Milan (313), et
surtout lorsque Théodose fait du christianisme la religion de son
empire (380), les Nobades, zélateurs du nouveau culte, deviennent
alors les fidèles de l'évêque de Philae. Le temple, transformé en
cathédrale, est alors à l'origine de la christianisation des autres
temples du Dodecaschène. Quant aux derniers adorateurs d'Isis, les
Blemmiyes, après des luttes parfois sanglantes, ils reçoivent le
droit de venir y chercher chaque année la barque sacrée de leur
déesse bien-aimée.
L'ultime
inscription hiéroglyphique connue date du 24 août 394 de notre
ère, elle émane du deuxième prophète d'Isis, Akhom, et se trouve
justement à Philae où elle rappelle ces derniers païens fidèles à
la Mère divine. Toute trace a disparu vers 500 quand Justinien,
implacable défenseur de l'orthodoxie, fait fermer les portes du
temple...
Pour
son charme unique, son message exceptionnel, les mythes qu'elle
incarne, l'expression d'une foi dont elle reste imprégnée, Philae,
la « perle de l'Égypte », ne peut disparaître. Toutes
les constructions portées par son sol granitique sont dégagées des
eaux boueuses qui s'étendent entre l'ancien et le nouveau barrage.
Assise par assise, pierre par pierre, elles ont été « déménagées »
12 mètres plus haut, sur un autre îlot de granit Aguilkia, bordé
sur son côté occidental par un autre seuil granitique, Saliba,
évoquant Biggeh où se trouvait le tombeau mythique d'Osiris.
Temples,
portiques et chapelles sont réédifiés. Cet ensemble de 40 000
blocs de grès a reçu la même orientation. Après un long
plaidoyer, j'ai pu obtenir que les contours d'Aguilkia reprennent la
forme de l'oiselle, le jardin de la déesse a aussi été replanté.
L'inauguration sur le nouveau site se fait le 10 mars 1980.
Ceux
qui viennent rêver sur l'Île Sainte peuvent contempler, sur le mur
méridional de la porte d'Hadrien, un résumé du cycle Osirien.
À
travers l'ouverture qui donne sur le Nil, ils imaginent aussi la
nacelle d'Isis porteuse de lait, garante de la Vie renouvelée. Cette
barque descend le long du fleuve jusqu'à Alexandrie où, tenant une
ancre marine, parfois échangée avec une voile gonflée par le vent,
elle devient Isis Pharia, patronne des navigateurs, vénérée à
côté d'Isis-Lactans, la Vierge allaitant. Les soldats la ramènent
en Europe par des itinéraires inattendus, un jour, les nautes de
Lutèce en font leur patronne, toujours aussi bienveillante, et sa
présence, assise à la proue de la nef surmontée par l'étoile
Sothis, figurait encore au siècle dernier sur les armes de la ville
de Paris.
Christiane
Desroches-Noblecourt
Janvier 1991
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Isis
a mis au monde son fils Horus
en roi sur le trône de son père.
(...)
La déesse qui s'est produite au commencement
a rempli le ciel et la terre de sa perfection :
diadème de Celui-qui-brille-en-or,
auguste de son Seigneur
résidant dans l'appartement divin
souveraine des dieux du ciel,
régente des dieux de la terre,
fauconne aussi des dieux de la Douat,
reine qui s'empare de la fonction royale grâce à ses plans
(...)
Puissante, Maîtresse du pays
Maîtresse de la Nubie,
Reine de Haute et Basse-Égypte,
Isis, vénérable, Mère divine, faite régente,
Dame de Philæ, régente de Senmout,
vénérable, puissante, Maîtresse des dieux,
dont le nom est distingué parmi les déesses (...)
Elle est la gardienne et la protectrice de la dépouille de son frère et époux, Osiris, c’est elle qui prend soin de la momie du Souverain de l’Au-delà et accomplit chaque jour les rites pour le maintenir en vie. Elle est embaumeuse, gardienne, épouse.
Ensuite, elle est la mère et protectrice d’Horus. Né chétif et fragile, elle est la mère nourricière qui le renforce et l’élève, afin qu’il puisse contrer Seth et Râ et prendre, une fois adulte, le trône laissé vacant par son défunt géniteur. Elle est amante, mère, nourricière.
Elle est également le serpent-uraeus, magicienne et protectrice de Râ lors de son voyage dans le monde inférieur, où chaque nuit, il défie le monstre Apophis. Elle est protectrice, guerrière, magicienne.
Enfin, résultat des trois premières fonctions, elle est la gardienne de l’Égypte, sa bienfaitrice, sa souveraine absolue, révérée de tous et honorée en tous lieux. Elle est reine, Déesse bienfaisante et bienveillante, omniprésente et intemporelle.
en roi sur le trône de son père.
(...)
La déesse qui s'est produite au commencement
a rempli le ciel et la terre de sa perfection :
diadème de Celui-qui-brille-en-or,
auguste de son Seigneur
résidant dans l'appartement divin
souveraine des dieux du ciel,
régente des dieux de la terre,
fauconne aussi des dieux de la Douat,
reine qui s'empare de la fonction royale grâce à ses plans
(...)
Puissante, Maîtresse du pays
Maîtresse de la Nubie,
Reine de Haute et Basse-Égypte,
Isis, vénérable, Mère divine, faite régente,
Dame de Philæ, régente de Senmout,
vénérable, puissante, Maîtresse des dieux,
dont le nom est distingué parmi les déesses (...)
Elle est la gardienne et la protectrice de la dépouille de son frère et époux, Osiris, c’est elle qui prend soin de la momie du Souverain de l’Au-delà et accomplit chaque jour les rites pour le maintenir en vie. Elle est embaumeuse, gardienne, épouse.
Ensuite, elle est la mère et protectrice d’Horus. Né chétif et fragile, elle est la mère nourricière qui le renforce et l’élève, afin qu’il puisse contrer Seth et Râ et prendre, une fois adulte, le trône laissé vacant par son défunt géniteur. Elle est amante, mère, nourricière.
Elle est également le serpent-uraeus, magicienne et protectrice de Râ lors de son voyage dans le monde inférieur, où chaque nuit, il défie le monstre Apophis. Elle est protectrice, guerrière, magicienne.
Enfin, résultat des trois premières fonctions, elle est la gardienne de l’Égypte, sa bienfaitrice, sa souveraine absolue, révérée de tous et honorée en tous lieux. Elle est reine, Déesse bienfaisante et bienveillante, omniprésente et intemporelle.
https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/philae_perle_de_l_egypte.asp
Christiane
Desroches-Noblecourt, Philae, perle de l'Égypte. ... une longue
submersion dans le Nil, chaque année, a privé les édifices des
couleurs pastel qui ... L'ultime inscription hiéroglyphique connue
date du 24 août 394 de notre ère ; elle ...
Phototèque
| Philae, Temple D'Isis (époque Ptolémaïque Et ...
learningcenter.univ-lille3.fr/.../philae-temple-disis-epoque-ptolemaique-e...
L'île
de Philae est située non loin d'Assouan, mais les temples antiques
ne s'y ... les temples de l'île de Philae étaient inondés
plusieurs mois de l'année. ... les dernières inscriptions
hiéroglyphiques et démotiques datées du 24 août 394.
Temple
de Philae (Egypte) - Silent Moon
silent-moon.weebly.com/temple-de-philae-egypte.html
1
oct. 2014 - Une vingtaine d'années plus tard, le roi Amasis fait
édifier un petit temple ... puis une inscription datant l'an 394 et
attribuée à Akhom, deuxième ...
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