mercredi 27 avril 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 394

10 AVRIL 2016...

Cette page concerne l'année 394 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

PHILAE GARDIENNE DE TANT DE SIÈCLE.

Philæ, aussi orthographiée Philae, en grec ancien Φιλαί / Philai, en égyptien ancien Pilak, P'aaleq, est une île d'Égypte submergée dans les années 1970 par la hausse du niveau du lac de retenue de l'ancien barrage d'Assouan à la suite de la construction du haut barrage. Les temples et monuments édifiés sur l'île aux époques Pharaoniques et Gréco-Romaines ont été déplacés sur l'île voisine d'Aguilkia, aussi appelée Philæ par commodité, notamment auprès des touristes.

Depuis l'opération, seul le point culminant de l'ancienne île de Philæ émerge du lac sous la forme d'un rocher. Philæ ville antique égyptienne de Haute-Égypte, dans le nome (Pays de l'arc (ou du Pays de Nubie) » (tA-sty). Elle abritait un temple d'Isis, l'un des mieux conservés de l'Égypte antique, dont la construction est commencée par l'un des derniers pharaons Égyptiens, Nectanébo Ier, et terminée par les Romains. Le temple reste voué au culte de la déesse, fréquenté par les Blemmyes, une tribu Nubienne, jusqu'au milieu du VIe siècle lorsqu'il est transformé en église copte sur ordre de l'empereur Justinien.
Avec l'arrivée du tourisme de masse en Égypte, Philæ est devenue l'une des destinations les plus populaires du pays attirant plusieurs milliers de visiteurs chaque jour en haute saison.

Philæ est située au sud d'Assouan, entre l'ancien barrage d'Assouan au nord-ouest et le haut barrage d'Assouan au sud, juste à l'est de l'île de Biggeh et au sud-est de l'île d'Aguilkia distante d'environ 300 mètres. Avant sa submersion, l'île avait la forme d'un oiseau.
Le temple d'Isis, situé dans le quart sud-ouest de l'île, est la principale construction de Philæ.
L'esplanade située devant le premier pylône est fermée par un portique aux chapiteaux variés. Le mur occidental est percé de fenêtres donnant sur l'île de Biggeh, désormais un petit îlot depuis le déplacement du temple, et d'un escalier entre la douzième et la treizième colonne menant à un nilomètre. La corniche du portique est décorée de disques solaires situés précisément face aux temples d'Arensnouphis, de Biggeh et d'Imhotep et le plafond est orné de vautours aux ailes déployées regardant vers l'ouest.
Outre le temple d'Isis, Philæ est aussi composé d'autres temples et chapelles tels un mammisi et une chapelle d'Hathor, de deux nilomètres, d'un temple d'Horus et de constructions romaines représentées par le kiosque de Trajan, un temple d'Auguste, d'une porte et d'un quai romain.
La partie sud-ouest de l'esplanade est agrandie à l'époque Ptolémaïque. Des murs sont élevés sur les rochers du rivage de cette partie de l'île, constituant des salles qui sont remplies de terre et de blocs, le tout recouvert de dalles. Cette esplanade est fermée par un portique construit sous l'empereur Auguste.

Les débuts du culte d'Isis à Philæ n'ont pu être déterminés avec précision. À l'origine, le lieu est voué à la déesse Hathor sous la forme de la lionne Tefnout, maîtresse de la Nubie. La légende dit que venant du sud, elle s'est arrêtée pour la première fois en ce lieu.
Hathor est ensuite assimilée à Isis, notamment parce que le tombeau d'Osiris, son époux, se trouve sur l'île voisine de Biggeh. Le temple est alors un lieu de rencontres pacifiques entre les Égyptiens durant les périodes Ptolémaïques et Romaines et les tribus Nubiennes des Nobades et des Blemmyes qui font des incursions dans cette région frontalière de l'Empire Romain d'Orient au Ve siècle. La présence Nubienne à Philæ est telle que lorsque les cultes païens sont interdits dans l'Empire Romain d'Orient, le culte d'Isis reste autorisé à Philæ pour les seuls Nubiens qui peuvent même emprunter la statue de la déesse et l'emporter dans leur pays à partir de 453... Puis le temple est transformé en église copte, des croix coptes fleurissant sur les murs et les piliers du temple. Ainsi, depuis cette période, un bas-relief présente le dieu Amon partiellement martelé, la tête étant remplacée par une croix copte mais le reste du corps étant intact, y compris la couronne divine composée de deux plumes.
Après la construction en 1894 par les Britanniques du premier barrage d'Assouan, la montée des eaux du Nil qui forment alors un lac de retenue noie dix mois sur douze l'île de Philæ.
Les temples et les constructions de l'île sont alors partiellement ou totalement sous les eaux pendant une grande partie de l'année au grand regret de Pierre Loti :
« La noyade de Philæ vient, comme on sait, d'augmenter de 75 millions de livres le rendement annuel des terres environnantes. Encouragés par ce succès, les Britanniques vont, l'année prochaine, élever encore de 6 mètres le barrage du Nil du coup, le sanctuaire d'Isis aura complètement plongé, la plupart des temples antiques de la Nubie seront aussi dans l'eau, et des fièvres infecteront le pays. Mais cela permettra de faire de si productives plantations de coton ! »...
— Pierre Loti, La mort de Philæ, p. 228.

Pendant 70 ans, la visite du temple de Philæ se fait en barque et offre des paysages qui ravissent les romantiques de l'époque :
« Nous y entrons avec notre barque […] Mais combien il est adorable ainsi, le kiosque de Philæ […] »
— Pierre Loti, La mort de Philæ, p. 223.

En 1960, après plusieurs années de tractations politiques et d'arrangements financiers, les travaux de construction du haut barrage d'Assouan débutent sous l'impulsion du président Gamal Abdel Nasser. Ce projet constitue une nouvelle menace pour Philæ car l'île se trouve entre les deux barrages. Le lac de retenue de l'ancien barrage d'Assouan est alors transformé en bief dans le cadre de ce projet. Il est prévu d'abaisser le niveau moyen de ce lac qui atteindrait alors le premier pylône du temple d'Isis à la moitié de sa hauteur, permettant aux ruines d'être en plus grande partie à l'air libre. Mais cette transformation en bief par la hausse du niveau de la nappe phréatique signifie aussi que l'île ne pourrait plus être totalement à sec pendant une partie de l'année. De plus, les fluctuations quotidiennes du niveau du lac atteindraient six mètres d'amplitude, provoquant une érosion accrue des pierres et une accélération de la disparition des ruines.

Le sauvetage de Philæ est alors décidé et la solution retenue est la même que pour les temples d'Abou Simbel quelques années plus tôt : Le démontage des ruines et leur reconstruction sur un nouveau site à l'abri des eaux du lac. Ce déplacement est orchestré par le ministère de la Culture d'Égypte, les services d'archéologie du Caire ainsi que l'Unesco, sa réalisation étant confiée à Christiane Desroches Noblecourt , une égyptologue Française à l'origine du sauvetage d'autres temples menacés par les eaux du lac Nasser dont ceux d'Abou Simbel.

Au milieu des eaux du Nil s'élève le plus fameux des sanctuaires d'Isis. Femme, épouse, mère, magicienne, salvatrice, la déesse se trouve au centre du grand mystère de la vie et de la mort qui aboutit à la résurrection. Pour reformer le corps de son époux assassiné, qu'elle entoure de bandelettes, elle confectionne la première momie. Le culte qu'on voue à cette déesse-mère est associé au retour de la crue fertilisante qui fait revivre la terre d'Égypte… Christiane Desroches-Noblecourt, conservateur général honoraire du Département Égyptien du Louvre, fait revivre pour nous Philae, Île Sainte au charme unique qu'elle a réussi à sauver des eaux.
Abandonnée depuis la fin des Ramessides (vers l'an 1000 avant notre ère), la Nubie connaît un renouveau d'intérêt à l'époque Gréco-Romaine. Les nouveaux maîtres Macédoniens (vers la fin du IVe siècle av. notre ère) puis Romains (à partir de 24 ap. J.-C.) font ériger de majestueux temples sur l'emplacement des anciens sanctuaires. Les plans antiques respectés dans leurs grandes lignes sont légèrement remaniés au goût du jour, l'esthétique de ce temps se reconnaît spécialement dans le rendu des formes humaines et la surcharge des chapiteaux floraux. C'est aussi la période des grandes fondations religieuses : Dendera, Edfou, Esneh, Philae, pour ne citer que les plus connues.

On est accoutumé à reconnaître en Philae la place sainte la plus méridionale de l'Égypte métropolitaine, il faut, me semble-t-il, plutôt y voir le lieu de culte Pharaonique le plus septentrional de Basse-Nubie. En effet, les Romains, soucieux de protéger les possessions de l'empire, s'introduisent à leur tour au-delà de la première cataracte, dans des régions que des incursions Barbares peuvent infiltrer, il faut préserver l'accès aux mines d'or du ouadi Allaki, face à l'ancien temple de Thoutmosis III, réédifié à Dakka sous Ptolémée VII Évergète II (à l'époque, cet antique site de Baki avait pris le nom de Pselkis) ; Aussi est-ce dans le secteur, près de la chapelle de Maharraka, qu'il faut situer les limites fixes du dispositif militaire Romain, à 120 kilomètres au sud de la première cataracte. Plusieurs édifices religieux du moment en témoignent :
Au nord de Maharraka et de Dakka, ceux de Dendour, de Debot, les chapelles de Taffeh et le kiosque de Kertassi près des carrières qui ont fourni la pierre de grès pour les constructions de Philae.
Le plus célèbre d'entre eux est le temple de Kalabsha, lieu de vénération pour Mandoulis, forme Nubienne d'Horus.
Cependant rien n'égale en importance et en suprême majesté l'ensemble architectural implanté plus au nord sur la petite île appelée de nos jours Philae. Au cœur d'un chapelet d'îlots granitiques au sud de l'ancien barrage, le lieu sacré s'appelle à l'époque Pi-Rek, ce qui signifie L'« extrémité » : il s'agit en fait de l'extrémité méridionale de la Basse-Nubie, où les pèlerins viennent adorer leur déesse.

Durant les derniers siècles de son étonnante vitalité, l'Égypte Pharaonique s'affaiblit et se transforme au contact des invasions successives auxquelles il lui est impossible d'échapper.
Progressivement, la foi profonde du « plus religieux de tous les peuples » (Hérodote) s'est cristallisée dans le mythe le plus accessible à l'entendement populaire, donnant une signification cohérente au grand mystère de la vie et de la mort. Ainsi, de toutes les cosmogonies les plus élaborées, celle qui a pour pivot le mythe Osirien prévaut. Cet espoir d'accéder à l'éternité, à la perpétuité des générations, au triomphe du bien sur le mal garant de l'équilibre cosmique, se matérialise par Isis, la forme la plus maternelle de la féminité, magicienne et salvatrice à la fois, sans qui le monde ne peut survivre... Voici que maintenant elle surpasse en importance toutes les autres formes divines, sa qualité d'épouse fidèle vigilante et de mère protectrice estompe le rôle quasi primordial d'amante propre à maintenir l'éros de la nécessaire procréation.
Le grand temple de Philae est consacré à l'universelle Isis, réveil du mort et mère de l'héritier. Autour du sanctuaire surgissent d'autres constructions religieuses, compléments essentiels d'un culte reposant sur la dévotion à cette déesse, source de toute félicité. Les monuments ainsi rassemblés sur l'île expriment toute une théologie et constituent une synthèse de la « machinerie » divine où l'on retrouve les vestiges d'un enseignement millénaire. Le noyau auquel se rattache le mythe est résumé dans la légende Osirienne connue dès l'époque des Textes des pyramides (fin de la Ve dynastie). Bien plus tard, Plutarque réunit les épisodes très enrichis du grand mystère initial qu'il ne faut pas dévoiler...

Le Démiurge, hermaphrodite par essence, exprime et différencie les deux sexes qu'il totalise en lui, en créant la lumière, Shou, et l'air, Tefnet. À leur tour, ces derniers font apparaître le Ciel, Nout, et la terre, Geb, qui mettent au monde Osiris, Isis, Seth et Nephtys appelés à connaître les vicissitudes d'ici-bas.
Le règne d'Osiris, incarnation du Bien, aurait pu se dérouler dans la plus parfaite harmonie sans les attaques répétées de son frère Seth, (la Perturbation nécessaire) qui finit par mettre à mort Osiris en découpant son corps en seize morceaux jetés ensuite dans le Nil.
Isis, la veuve éplorée d'Osiris, transformée momentanément en oiselle, survole le fleuve, repère les fragments épars de son époux et les enterre successivement près du lieu de leur découverte.
Pour désorienter son ennemi, en chaque lieu, elle reconstitue facticement le corps en sa totalité et le dépose dans un sarcophage :
La jambe gauche est inhumée dans l'île de Biggeh et c'est là qu'aux derniers temps de l'histoire Pharaonique, on reconnaît la vraie sépulture du Dieu près duquel un acacia (ou un tamaris) se met à pousser.
L'essentiel de la légende tient dans ce qu'Osiris, qui enseigne aux hommes l'art de vivre, l'agriculture et qui, en compagnie de son épouse Isis, symbolise le ménage idéal, n'a pas laissé d'héritier. Il faut donc que le Dieu fait homme survive à son trépas pour assurer la continuité de la vie. Voilà pourquoi Isis la magicienne, avec l'aide de sa sœur Nephtys et en présence d'Anubis, façonne, avec les éléments rassemblés du corps martyrisé, la première momie. Or le membre viril a été englouti dans le Nil par le poisson oxyrrhynque. Isis, la magicienne, se transforme à nouveau en oiselle et descend doucement sur le corps d'Osiris, lui restituant pour quelques instants son pouvoir de procréer, et se fait féconder.
Osiris devient alors, dans le monde souterrain, le Juge des trépassés, cependant qu'Isis, enceinte du futur héritier ainsi conçu, consacre tous ses soins à protéger sa gestation des manœuvres du Malin, pour mettre au monde Horus l'enfant qui, en dépit des violentes contestations de Seth, règne sur les vivants à la place de son père.

Toute cette trame, qui donne en réalité un sens à l'existence, est traduite par les divers bâtiments du sanctuaire. Le plus important des îlots entourant le domaine d'Isis est Biggeh, séparé de Philae par un étroit chenal à l'ouest. 12 fois plus grand que Philae, il accueille le tombeau réel d'Osiris.
Du point culminant de lou-Ouab, « l'Île Sainte », où nul profane ne doit pénétrer, on aperçoit le contour du domaine d'Isis : Sa forme évoque d'une façon surprenante l'oiselle prête à se poser sur le corps d'Osiris (Biggeh).
Au reste, le rapport entre les deux sanctuaires reste très étroit. Tous les jours, les prêtres vont verser des libations sur les 365 tables d'offrandes qui entourent le tombeau du dieu sacrifié et, tous les 10 jours, Isis traverse le bras du fleuve, porteuse d'une offrande de lait.

Les derniers Ptolémées (dont le 13e, père de la grande Cléopâtre) ont achevé le premier pylône aux reliefs représentant Isis et Hathor, la séductrice, assistant le jeune Horus. La façade du temple est orientée vers le sud : La Nubie.
Une double colonnade (concept très hellénistique) remplace le dromos classique bordé de sphinx et conduit à l'embarcadère. Dans la première cour, le péristyle oriental introduit aux petites pièces de la bibliothèque, un gros rocher de granit, à la base de la tour orientale du second pylône, porte une inscription relative au don de Ptolémée VI Philométor à la déesse : Le Dodecaschène, la région des 12 Schènes, long chacun d'une dizaine de kilomètres.
Ce territoire s'arrête dans la zone du ouadi Allaki, le ouadi de l'or.
À l'ouest de cette cour, on admire le flanc du mamisi ou maison de la naissance du jeune dieu, les colonnes engagées sont couronnées par des chapiteaux historiques. La grande salle hypostyle, dont le centre reste à ciel ouvert, est ornée de reliefs évoquant l'éternel dialogue du roi avec les diverses formes de la divinité.

Les salles du fond du temple (les premières construites) portent les reliefs les plus harmonieux, datant des Nèctanébo de la XXXe dynastie. Lorsque l'on peut accéder aux terrasses, on découvre deux petites salles réservées au mystère de la résurrection Osirienne, dominant à l'ouest du temple le bord de l'île où des salles basses sont consacrées aux rites chthoniens.
Au IIe siècle de notre ère l'empereur Hadrien, dont on connaît l'intérêt pour les croyances égyptiennes, fait ériger à proximité un passage couvert, toujours connu sous le nom de porte d'Hadrien : Il s'agit d'un des lieux les plus précieux pour comprendre la géographie religieuse du site.
Par ordre du Romain, un décret en hiéroglyphes est gravé sur le mur nord. Se fondant sur l'ensemble des pratiques célébrées alentour, il rappelle que toute la « Butte Sainte » (Biggeh) est réservée au dieu mort : Le deuil y est de rigueur, ni chant, ni musique ne peuvent s'y faire entendre, ni pêche ni chasse n'y sont tolérées, personne ne doit y élever la voix. Cette région occidentale touche également la rive gauche de Philae où ont été édifiés les locaux du culte Osirien.

En revanche, le flanc oriental du grand temple est en partie occupé par des monuments dont l'implantation et les messages inscrits enseignent que l'on y célébre le bonheur retrouvé et l'allégresse. Le somptueux kiosque de Trajan et le petit temple poétique d'Hathor le démontrent : Reliefs et inscriptions expliquent la raison des musiques, des danses, en un mot de la joie pour un événement attendu toute l'année : La réconciliation de la déesse avec son père le Démiurge.
Une autre légende vieille de plusieurs millénaires rejoint ainsi un des aspects du cycle Osirien. Cette déesse, la Lointaine, s'est échappée du bercail pour s'enfuir en Nubie où elle devient une véritable carnassière Africaine. Rien, pendant toute une année, alors que le monde entier se dessèche, ne peut la contraindre à regagner le palais paternel si ce n'est, en fin de compte, l'astucieuse diplomatie de Thot, l'incarnation du temps, de la connaissance, de la science et de la précision du calendrier... La Lointaine, charmée par les histoires de Thot, accepte de le suivre. Elle personnifie l'inondation revenant impétueusement du sud, au début de l'année, pour le bonheur et la prospérité du pays.
La vague annonciatrice du renouveau est déjà fêtée en Abou Simbel sous Ramsès II, là où elle vient de franchir la seconde cataracte, au jour de l'an provoqué par la réapparition de l'étoile Sothis. Parallèlement le roi, investi d'une jouvence retrouvée, incarne le nouveau soleil, tel Horus sorti des ténèbres où réside désormais son géniteur.

À l'approche de la première cataracte, Philae devient ainsi, à la fin de l'époque Pharaonique, le lieu où l'on fête en grande pompe le retour de l'inondation.
Sur une barque sacrée descendant le fleuve, la déesse est attendue, le pontife et son collège célèbrent son arrivée sur le quai du Grand Kiosque conçu pour la recevoir. À proximité, le petit sanctuaire d'Hathor, (également confondue avec la « Lointaine »), porte encore sur ses murs l'image des joueurs de tambourin, de harpe et de double hautbois qui rythment les danses des gracieuses ballerines sacrées... Afin de préparer cet événement essentiel pour l'Égypte, des cérémonies préparatoires se succèdent tout au long de l'année. Dans le mamisi, à l'ouest de la première cour, Isis séjourne pendant le temps de sa gestation divine. Au fond du sanctuaire demeure encore son image tenant dans ses bras Horpa-Khered, Harpocrate ou Horus enfant, qu'elle vient de mettre au monde, cela préfigure l'image de la « Vierge à l'enfant ».
La naissance miraculeuse coïncide avec le renouvellement de Pharaon sur son trône et l'arrivée de l'inondation rappelant les rites célébrés en Abou Simbel plus de 1 000 ans auparavant. Abou Simbel est alors abandonné, et les généraux de Psamétique II en route vers le Soudan laissent des traces de leur propre passage en faisant graver, irrespectueusement, sur la jambe d'un colosse de la façade, le récit de leur expédition avec leur nom : Amasis, chef des troupes Égyptiennes, Potasimto, commandant la Légion étrangère… Philae regroupe les mythes, les croyances et les fêtes essentielles du pays.
Lorsque la Nubie devient chrétienne, après l'édit de Milan (313), et surtout lorsque Théodose fait du christianisme la religion de son empire (380), les Nobades, zélateurs du nouveau culte, deviennent alors les fidèles de l'évêque de Philae. Le temple, transformé en cathédrale, est alors à l'origine de la christianisation des autres temples du Dodecaschène. Quant aux derniers adorateurs d'Isis, les Blemmiyes, après des luttes parfois sanglantes, ils reçoivent le droit de venir y chercher chaque année la barque sacrée de leur déesse bien-aimée.

L'ultime inscription hiéroglyphique connue date du 24 août 394 de notre ère, elle émane du deuxième prophète d'Isis, Akhom, et se trouve justement à Philae où elle rappelle ces derniers païens fidèles à la Mère divine. Toute trace a disparu vers 500 quand Justinien, implacable défenseur de l'orthodoxie, fait fermer les portes du temple...
Pour son charme unique, son message exceptionnel, les mythes qu'elle incarne, l'expression d'une foi dont elle reste imprégnée, Philae, la « perle de l'Égypte », ne peut disparaître. Toutes les constructions portées par son sol granitique sont dégagées des eaux boueuses qui s'étendent entre l'ancien et le nouveau barrage. Assise par assise, pierre par pierre, elles ont été « déménagées » 12 mètres plus haut, sur un autre îlot de granit Aguilkia, bordé sur son côté occidental par un autre seuil granitique, Saliba, évoquant Biggeh où se trouvait le tombeau mythique d'Osiris.

Temples, portiques et chapelles sont réédifiés. Cet ensemble de 40 000 blocs de grès a reçu la même orientation. Après un long plaidoyer, j'ai pu obtenir que les contours d'Aguilkia reprennent la forme de l'oiselle, le jardin de la déesse a aussi été replanté. L'inauguration sur le nouveau site se fait le 10 mars 1980.
Ceux qui viennent rêver sur l'Île Sainte peuvent contempler, sur le mur méridional de la porte d'Hadrien, un résumé du cycle Osirien.
À travers l'ouverture qui donne sur le Nil, ils imaginent aussi la nacelle d'Isis porteuse de lait, garante de la Vie renouvelée. Cette barque descend le long du fleuve jusqu'à Alexandrie où, tenant une ancre marine, parfois échangée avec une voile gonflée par le vent, elle devient Isis Pharia, patronne des navigateurs, vénérée à côté d'Isis-Lactans, la Vierge allaitant. Les soldats la ramènent en Europe par des itinéraires inattendus, un jour, les nautes de Lutèce en font leur patronne, toujours aussi bienveillante, et sa présence, assise à la proue de la nef surmontée par l'étoile Sothis, figurait encore au siècle dernier sur les armes de la ville de Paris.
Christiane Desroches-Noblecourt
Janvier 1991 Copyright Clio 2016 - Tous droits réservés.

Isis a mis au monde son fils Horus
en roi sur le trône de son père.
(...)
La déesse qui s'est produite au commencement
a rempli le ciel et la terre de sa perfection :
diadème de Celui-qui-brille-en-or,
auguste de son Seigneur
résidant dans l'appartement divin
souveraine des dieux du ciel,
régente des dieux de la terre,
fauconne aussi des dieux de la Douat,
reine qui s'empare de la fonction royale grâce à ses plans
(...)
Puissante, Maîtresse du pays
Maîtresse de la Nubie,
Reine de Haute et Basse-Égypte,
Isis, vénérable, Mère divine, faite régente,
Dame de Philæ, régente de Senmout,
vénérable, puissante, Maîtresse des dieux,
dont le nom est distingué parmi les déesses (...)

Elle est la gardienne et la protectrice de la dépouille de son frère et époux, Osiris, c’est elle qui pre
nd soin de la momie du Souverain de l’Au-delà et accomplit chaque jour les rites pour le maintenir en vie.  Elle est embaumeuse, gardienne, épouse.

Ensuite, elle est la mère et protectrice d’Horus. Né chétif et fragile, elle est la mère nourricière qui le renforce et l’élève, afin qu’il puisse contrer Seth et Râ et prendre, une fois adulte, le trône laissé vacant par son défunt géniteur. Elle est amante, mère, nourricière.

Elle est également le serpent-uraeus, magicienne et protectrice de Râ lors de son voyage dans le monde inférieur, où chaque nuit, il défie le monstre Apophis.  Elle est protectrice, guerrière, magicienne.

Enfin,  résultat des trois premières fonctions, elle est la gardienne de l’Égypte, sa bienfaitrice, sa souveraine absolue, révérée de tous et honorée en tous lieux. Elle est reine, Déesse bienfaisante et bienveillante, omniprésente et intemporelle.
Christiane Desroches-Noblecourt, Philae, perle de l'Égypte ...
https://www.clio.fr/BIBLIOTHEQUE/philae_perle_de_l_egypte.asp
Christiane Desroches-Noblecourt, Philae, perle de l'Égypte. ... une longue submersion dans le Nil, chaque année, a privé les édifices des couleurs pastel qui ... L'ultime inscription hiéroglyphique connue date du 24 août 394 de notre ère ; elle ...

Phototèque | Philae, Temple D'Isis (époque Ptolémaïque Et ...
learningcenter.univ-lille3.fr/.../philae-temple-disis-epoque-ptolemaique-e...
L'île de Philae est située non loin d'Assouan, mais les temples antiques ne s'y ... les temples de l'île de Philae étaient inondés plusieurs mois de l'année. ... les dernières inscriptions hiéroglyphiques et démotiques datées du 24 août 394.

Temple de Philae (Egypte) - Silent Moon
silent-moon.weebly.com/temple-de-philae-egypte.html
1 oct. 2014 - Une vingtaine d'années plus tard, le roi Amasis fait édifier un petit temple ... puis une inscription datant l'an 394 et attribuée à Akhom, deuxième ...

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