lundi 11 avril 2016

EN REMONTANT LE TEMPS... 403

1er AVRIL 2016...

Cette page concerne l'année 403 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

GRANDEUR ET DECHEANCE DE L’ÉVÊQUE SAINT JEAN CHRYSOSTOME

Eudoxie (Aelia Eudoxia ) est une Impératrice d'Orient par son mariage avec l'empereur Arcadius en 395.
Fille d'un général franc de Théodose Ier, Bauto et peut-être sœur du général Arbogast. Elle vit à la cour de Constantinople où son père est chargé de fonctions importantes. À la mort de son père, son ami Promotus se charge de l'éducation d'Eudoxie avant d'être éliminé par Rufin, le préfet du prétoire d'Orient. Ce sont alors les 2 fils de Promotus, élevés avec Arcadius qui la prennent en charge. Le futur évêque de Nicomédie, Pansophius, l'instruit dans la religion chrétienne.

L’eunuque Eutrope, ennemi affiché de Rufin, ruine par un stratagème, l'organisation du mariage de la fille de Rufin avec Arcadius.... Et lui fait épouser Eudoxie dont on dit qu'elle est d'une beauté exceptionnelle.
Lors d'une absence de Rufin en Syrie, en avril 395, Eutrope organise les préparatifs du mariage d'Arcadius avec Eudoxie dans le plus grand secret. personne à la cour hormis le prince n'est au courant que la future épouse n'est pas la fille de Rufin. Rien ne destine cette fille de Bauto, un général Franc de Théodose Ier, à devenir un jour impératrice des Romains. Née vers 380, mais orpheline très tôt de père et de mère (une Romaine), Eudoxie est élevée dans le gynécée de la domus de Marsa, la veuve du général Promotus, un ami et collègue de Bauto, probablement pour devenir l’épouse de l’aîné des fils de ce général assassiné sur l’ordre d’un rival en 391.
Ainsi tout enfant, sa destinée est mêlée aux âpres luttes de pouvoir qui se mènent tant au Consistoire de l’empereur que dans les appartements privés du Palais. Les intrigues reprennent de plus belles à la mort de l’empereur Théodose Ier le 17 janvier 395.
Ce jeune prince n'a ni énergie ni jugement et son extérieur même révèle la faiblesse et l'incapacité de son âme. Son règne de 13 ans n'est qu'une succession ininterrompue de révolutions de palais et d'invasions de barbares. Le favori déchu lance contre Constantinople des hordes que son heureux mais toujours incapable successeur arrêtera seulement par des concessions honteuses et humiliantes...

La beauté de la jeune fille va être une pièce maîtresse dans le jeu des opposants au nouvel homme de Constantinople, le préfet du prétoire Rufin. A leur tête, le grand chambellan Eutrope commence à décrire les attraits de la fille de Bauto au jeune empereur Arcadius qu’il s’agit maintenant de marier (il vient d’avoir 18 ans).

Eutrope entend ainsi contrecarrer les projets matrimoniaux de Rufin qui feraient de lui le futur beau-père du jeune empereur comme Stilicon est parvenu à faire épouser une de ses filles à Honorius : Comme Eutrope constate que l’empereur (Arcadius) écoute volontiers ses propos, il lui montre un portrait de la jeune fille. Il fait ainsi accroître le désir d’Arcadius et le persuade de la choisir pour femme.
Quand l’eunuque constate que sa manœuvre en vue de ce mariage a réussi, il ordonne au peuple de se réjouir et de porter des couronnes, selon l’usage à l’occasion d’un mariage impérial.
Il prend dans le palais un vêtement qui convient à la dignité impériale ainsi que des parures, les remet à des serviteurs impériaux et s’avance à travers le centre de la ville, précédé par le peuple... Alors que tous croient que ces présents vont être offerts à la fille de Rufin et font cortège à ceux qui les portent, quand ceux-ci arrivent devant la maison de Promotus (où réside Eudoxie), ils y pénètrent avec les cadeaux des fiançailles, les remettent à la jeune fille… et révèlent ainsi qui va être l’épouse de l’empereur.
Quant à Rufin, revenu de voyage, il est persuadé que les préparatifs du mariage qu'il observe au palais sont ceux de sa fille avec Arcadius...

SAINT TIGRIUS
Le mariage est célébré le 27 avril 395 et doit être assez heureux car la jeune impératrice obtient rapidement un bel ascendant sur son époux. La disgrâce de Rufin est complète et il est exécuté devant les murs de Constantinople le 27 novembre 395, sa femme et sa fille exilées à Jérusalem où elles meurent par la suite.

Eudoxia donne 5 enfants à son impérial époux : Flacilla (397), Pulcheria (399), Arcadia (400), Théodose (401) et Marina (403).
L’impératrice voit frapper des monnaies à son effigie comme ce solidus (401-403), Antioche, (3e off. AEL EUDOXIA AUG), elle est représentée avec le buste diadémé et drapé, à droite vu de ¾ en avant, arborant collier de perles et boucles d’oreille, la coiffure élaborée est ramassée en une longue tresse sur l’arrière de la tête, retenue par un diadème. Le buste est couronné par la main divine.
En effet, chrétienne volontaire et fort pieuse, un fils se faisant attendre, ce qui rend sa situation précaire quoique Arcadius l’ait fait élever au rang d’Augusta dès le 9 janvier 400 (un acte dirigé aussi contre le chef de guerre Gaïnas qui contrôle alors la situation à Constantinople avec ses Goths), elle accueille à la cour l’évêque de Gaza, Porphyre, qui vient demander une intervention militaire lui permettant de venir à bout de la résistance païenne focalisée autour du temple de Zeus à Marmas.
L’évêque prophétise alors à l’impératrice la naissance d’un futur prince. Eudoxie accouche d’un garçon l’année suivante le 10 avril 401. Dès lors, elle ne cesse de se placer sous la protection de cet homme de Dieu et, pour s’acquitter du vœu qui accompagne la naissance d’un héritier mâle, l’impératrice fait édifier une basilique, l’Eudoxiané, sur les ruines du temple de Zeus que Porphyre est enfin parvenu à abattre. La dévotion d’Eudoxie pour les lieux saints se manifeste encore par le transfert des reliques de Saint Étienne à Constantinople, et à Jérusalem, par la construction d’un palais épiscopal, d’abris pour pèlerins et de la construction de l’église Saint-Étienne-hors-les-murs.
Elle accueille aussi favorablement le nouvel évêque de Constantinople, Jean d’Antioche, qui succède à Nectarios au début de l’année 398. Mais Jean ne va pas tarder à agacer par son vaste plan de réformes religieuses qui englobent aussi la conversion des mœurs de la cour, Jean qui, dans ses homélies, égratigne les vieilles mais puissantes coquettes comme Eugraphia, Castricia ou Marsa, qui a été la nourrice d’Eudoxie. L’impératrice est définitivement gagnée aux vues de la cabale après que Jean s’en soit pris à l’évêque Sévérienos de Gabala, son protégé.
Dans une homélie, Jean Chrysostome a dénoncé d’une façon très générale des vices propres aux femmes, et Eudoxie s’est sentie personnellement visée. Lorsque Théophile d’Alexandrie, qui redoute l’influence du siège de Constantinople, vient à Constantinople à la demande de Jean Chrysostome pour débrouiller une affaire canonique où il risque fort d’apparaître en position d’accusé, il est contre toute attente accueilli dans une résidence impériale et obtient même la condamnation de Jean Chrysostome par un groupe d’évêques hostiles au patriarche et son exil en septembre 403 (Synode du Chêne). L'évêque est alors conduit en Bithynie. La population de Constantinople se soulève, Théophile d’Alexandrie doit fuir comme un voleur. Eudoxie fait rappeler Jean Chrysostome à la suite d’un présage (tremblement de terre) et la mort de la petite princesse Flacilla ou plus probablement fausse-couche de l’impératrice ?). Jean Chrysostome reprend, non sans hésitation, ses fonctions épiscopales à Constantinople... La réconciliation est fragile. L'ambitieuse impératrice n'hésite pas à se débarrasser d'Eutrope en 399 afin de dominer le faible esprit de son époux. Elle obtient alors le soutien du général Goth Gaïnas, ancien allié d'Eutrope. Mais Jean Chrysostome reçoit Eutrope et le protège grâce au droit d'asile des églises... Eutrope s'étant aventuré hors de l'église, est arrêté et mené devant Arcadius. Eudoxie le fait exiler à Chypre, d'où il est peu de temps après ramené vers Chalcédoine, pour y être jugé et décapité.

Le chambellan d'Eudoxie, Amandius s'occupe d'organiser les bonnes œuvres de l'impératrice, mais elle a aussi de mauvais conseillers parmi ses femmes et ses eunuques, tels que Marsa, Castricia et Eugraphia. Elle fait construire des thermes et un palais à Constantinople, et donne 4 enfants, dont Théodose II et Pulchérie. Le couple impérial apprécie le patriarche de Constantinople Jean Chrysostome mais celui-ci il s'attire rapidement l'inimitié des classes supérieures et des évêques par ses critiques sévères de leur mode de vie non conforme à l'idéal évangélique. Lorsque Jean ordonne le retour des reliques de Saint Phocas, l'impératrice Eudoxie se charge en personne de porter la châsse à travers la ville, ce dont Jean Chrysostome la remercie ensuite vivement dans une homélie.

Le second à être éliminé est le remuant général Goth Gaïnas en 400, dont elle fait massacrer les soldats par la foule, ce qui provoque la fuite de ce dernier.
La ville de Sélymbrie en Thrace demande l'autorisation de changer son nom en Eudoxiopolis en hommage à l'impératrice. Flattée, Eudoxie leur assure une augmentation de revenus.

Eudoxie scandalise les chrétiens par son luxe et son amour du faste. Elle se voit reprocher par Jean Chrysostome l'accaparement d'une somme appartenant à la veuve Callitrope et des biens d'une autre veuve : Il compare l'impératrice à l'infâme reine Jézabel de l'Ancien Testament.
Jean Chrysostome, qui a déjà tenté de protéger Eutrope de la vengeance d'Eudoxie, se trouve en mauvaise posture à la cour.
Pour se venger, Eudoxie profite d'un conflit canonique avec Théophile, patriarche d'Alexandrie, pour faire exiler Jean Chrysostome.
En juin 403, Théophile arrive à Constantinople pour être jugé par le patriarche de Constantinople, mais l'affaire se retourne alors contre Jean Chrysostome qui est alors déposé avec une condamnation ratifiée par Flavius Arcadius. Face à la réaction outrée de la population de Constantinople, il est aussitôt rappelé à la demande de l'impératrice qui, à la suite d'un mystérieux accident (une fausse couche) y voit un avertissement du Ciel.
Eudoxie le félicite de ce prompt retour. Cependant, l'impératrice ne peut souffrir la présence d'un prélat si indépendant.

Comme elle souhaite être adorée au même titre que l'empereur, elle obtient du sénat qu'une statue la représentant soit installée sur le forum de la cité.
En septembre 403, une statue d'Eudoxie en argent, posée sur une colonne de porphyre, donne lieu à des jeux de théâtre et des danses à l'occasion de sa dédicace.
Saint Jean Chrysostome, indigné, se plaint dans un discours public que ces réjouissances perturbent le service religieux. Ses propos sont rapportés à Eudoxie qui enrage... La tension avec Eudoxie est à son comble, Jean se montre peu diplomate, commençant un sermon par une allusion à Hérodiade réclamant la tête de Jean le Baptiste :
« De nouveau Hérodiade est en démence.
De nouveau elle danse.
De nouveau elle réclame la tête de Jean sur un plat. »
L'allusion à Eudoxie est très claire. Elle envoie chercher les évêques opposants de Chrysostome qui prétendent qu'il a été condamné dans un concile et ne peut donc gérer une église. Il n'a pas la possibilité de se défendre contre les accusations dont il est victime devant l'empereur car Eudoxie se débrouille pour empêcher que le grand orateur rencontre l'empereur et le persuade de renoncer à l'exiler. Des troubles importants secouent alors la communauté chrétienne de Constantinople. Finalement, en 404, il est une deuxième fois condamné et exilé à Cucusus, en Arménie.

Les reproches de Jean Chrysostome lequel s'en prend à nouveau à l’impératrice rendent furieux Arcadius celui-ci fait savoir à l’évêque son désir de ne plus le voir tant qu’il ne se sera pas justifié devant lui.
Lors de la Pâques 404, Jean Chrysostome et ses proches dont Olympias, sont chassés des églises de Constantinople après que le sang ait bien trop coulé dans ces lieux consacrés.
Le 9 juin, l’évêque est conduit en Arménie Romaine à Cucuse. Mais il est encore trop proche d’Antioche et de Constantinople pour ses adversaires : 3 ans plus tard, il est envoyé à Pityonte sur la côte orientale de la mer Noire. Malade, se déplaçant difficilement à pied, il ne parviendra jamais au lieu de relégation : Il meurt d’épuisement à Comane (Pont) le 14 septembre 407. Eudoxie, elle, est morte en couches, le 6 octobre 404, quelques semaines seulement après le départ en exil de l’évêque prophète.
La jeune impératrice, décédée prématurément, constitue alors un bouc émissaire idéal pour tous ceux qui ont planifié l’élimination de Jean Chrysostome et qui sont toujours dans les coulisses du pouvoir quand l’évêque est réhabilité et sa dépouille ramenée à Constantinople avec tous les honneurs dus à un saint, le 27 janvier 438.


Eudoxie était restée alors seule maîtresse de l'empereur et de l'empire. Profitant de sa toute-puissance pour dénouer avec autorité les intrigues de son palais et assouvir ses haines. Les dernières années du règne d'Arcadius sont encore troublées par la dévastation de plusieurs provinces. Les Huns ravagent une partie de l'Asie Mineure. Arcadius meurt enfin en 408, la même année que le célèbre Stilicon, le dernier défenseur de Rome. Arcadius a montré un grand zèle pour la religion chrétienne, et les lois qu'il a promulgué à ce sujet indiquent bien que le christianisme est déjà la religion officielle de l'empire. En 396 il a ordonné la confiscation des temples païens et a interdit les assemblées des hérétiques.
Il fait chasser les Apollinaristes de Constantinople, et décide que les chrétiens seuls seront admis aux emplois. Il permet cependant aux juifs de pratiquer leur religion et défend aux gouverneurs de province de les inquiéter en cette matière.
Arcadius voulait aussi que la justice soit promptement rendue et que les vrais coupables seuls soient retenus en prison, mais, trompé par ses favoris, il signe souvent des sentences odieuses et des lois indignes... Ce prince, dominé tour à tour par ses ministres, ses eunuques et sa femme, a laissé à la postérité le souvenir d'un des règnes les plus tristement funestes à l'empire. A sa mort, la misère la plus complète règne dans toutes les provinces de l'Orient, ravagées par les Barbares, ruinées par des tremblements de terre, souvent en proie à la famine et à la peste

De leur réconciliation bientôt méconnue date une nouvelle série d’événements plus tragiques que les premiers, et qui conduisent Constantinople à deux doigts de sa ruine, et Jean Chrysostome à la mort.
Cette paix en effet, si sincèrement jurée qu’elle est de part et d’autre, ne pouvait être qu’une courte et fragile trêve, trop de griefs se sont accumulés depuis 2 ans entre l’archevêque et l’impératrice, trop d’antipathie naturelle les sépare, enfin trop de passions intéressées s’agitent autour d’eux, pour qu’il en soit autrement. L’impératrice d’ailleurs a été amenée à de meilleurs sentiments envers son ennemi par une crainte surnaturelle, le croyant à couvert sous la main de Dieu, mais il ne manque pas de gens, à la cour et dans l’église, pour lui expliquer le tremblement de terre comme un phénomène naturel et enlever à cette femme, avec ses terreurs superstitieuses, la seule prise que l’honnêteté a encore sur elle.
Aussi, à mesure que cette appréhension salutaire s’évanouit, on la voit revenir à ses anciens errements, ses amies, écartées du palais par ménagement pour l’archevêque, y apportent peu à peu leurs dénigrements et leurs intrigues, et Jean Chrysostome redevient comme jadis pour tous les courtisans un objet de sarcasme et de haine.
L’archevêque de son côté suit ce mouvement d’un œil inquiet. On s’observe de l’archevêché au palais comme de 2 citadelles ennemies, et les mesures que prenne Jean Chrysostome ressemblent parfois à des préparatifs de défense. Depuis son retour triomphal dans Constantinople et sur son trône, depuis l’amende honorable que l’altière Augusta s’est vue obligée de lui faire, sa croyance en sa propre force s’est accrue peut-être outre mesure.
Il se sent plus maître du peuple, et il l’est encore du prince, au moins pour quelques moments, il profite de ces moments pour avoir autour de sa personne un clergé devant lequel il n’a plus à trembler comme auparavant.
Évidemment la tranquillité de son église ne peut être qu’à ce prix. Durant la nuit mémorable où la ville entière enivrée de joie l’a ramené dans la basilique de Sainte-Sophie et replacé malgré lui sur son siège en présence d’Arcadius et d’Augusta, des voix nombreuses lui ont crié de la foule : « Évêque, épure ton clergé, chasse les traîtres ! » Et il a répondu à ces incitations, qui partent de bouches amies, « qu’il avise avec les conseils de son peuple et ceux de la très pieuse impératrice. »

Il avise effectivement, et sa réforme tranche au vif. Les clercs suspects sont renvoyés, les plus compromis se faisant justice eux-mêmes, les fidèles au contraire sont récompensés par des grades ecclésiastiques.
Le diacre Tigrius, élevé au sacerdoce, reste attaché à la personne de Chrysostome. Son autre confident, Sérapion, devenu prêtre, reçoit l’évêché d’Héraclée en Thrace, vacant par la fuite ou la déposition de l’évêque Paul, qui a assisté Théophile au concile du Chêne, et qui préside même ce synode lors de la condamnation de Chrysostome. Les faveurs rémunèrent ainsi largement les clercs qui ont montré de la fidélité et du courage pendant le péril, et le clergé de Constantinople reconstitué présente un corps plus homogène et plus uni autour de l’évêque. Le peuple, qui fait de plus en plus cause commune avec son pasteur, applaudit aux récompenses comme aux sévérités. Chrysostome le consulte-t-il, comme il l’a fait entendre ? On l’ignore, car l’histoire n’en dit rien, mais nous pouvons regarder comme certain qu’il ne consulte point Eudoxie Augusta.
Les choses en arrivent rapidement à ce point que le moindre incident peut amener un éclat et rallumer la guerre : L’insatiable orgueil d’Eudoxie se charge de le faire naître. Cette demi-barbare, élevée par une intrigue d’eunuque au second trône du monde Romain, a des prétentions de grandeur que n’auraient osé avouer les plus fières patriciennes de la vieille Rome unies à des césars. Plusieurs impératrices ont reçu à la vérité des honneurs solennels comme mères et épouses d’empereurs, honneurs se rapportant au prince dont ils étaient une émanation, car l’empereur, d’après la constitution romaine, est un dieu vivant en qualité d’incarnation du peuple qui lui a transmis tous ses droits, et il participe en conséquence au culte rendu à la déesse Rome.
C’est à ce titre que Livie, Agrippine, Julia Severa, Julia Moesa et d’autres ont été honorées sous le premier empire, ainsi que plus tard Hélène, mère du fondateur de Constantinople, et Flaccille, épouse chérie du grand Théodose et mère des 2 princes régnants. Eudoxie veut davantage. Elle obtient de son faible mari le droit d’être adorée comme l’empereur lui-même dans ses images, promenées de province en province avec le cérémonial réservé aux Augustes... Cet acte indigne l’Occident, qui n’y voit qu’une profanation du caractère de la souveraineté impériale, laquelle ne peut être transmise à une femme, et une violation des mœurs romaines. Honorius en fait des reproches amers à son frère, qui ne l’écoute pas.

La statue d’Eudoxie est donc présentée à l’adoration des peuples d’Orient, qui, il faut le dire, ne partagent point en cette matière les scrupules des Occidentaux, habitués qu’ils sont à compter des reines, et de glorieuses reines, dans leur histoire.
La vanité d’Eudoxie est-elle satisfaite ? : Que non. Il lui faut encore une statue dans les murs de la ville impériale, et le sénat la vote, décrétant en outre qu’elle sera placée sur le forum principal, en face du palais où se tiennent ses grandes assemblées, non loin aussi des rostres Byzantins, ridicule copie de la tribune rostrale de Rome, qu’a foulée jadis le pied des Gracques, (Les Gracques sont deux frères issus de la haute noblesse Romaine, Tiberius Sempronius Gracchus, l'ainé et Caius Sempronius Gracchus, le cadet, né 9
ans plus tard. L'intelligence et l'éloquence des frères Gracques ont marqué leurs contemporains mais ils sont surtout connus pour avoir courageusement tenté de réformer le système social romain.) des Hortensius et des Cicéron.
Le théâtre choisi pour les vanités d’Eudoxie présente un vaste quadrilatère borné au midi par le palais sénatorial, appelé grande Curie, au nord par le portail de Sainte-Sophie, à l’est et à l’ouest par de riches bâtiments, demeures des officiers de la cour et des citoyens les plus opulents. Derrière la Curie, sur un forum plus petit, se trouve le palais impérial habité par Arcadius et sa famille. Vis-à-vis du portail de Sainte-Sophie, à l’extrémité des façades latérales de la place, s’ouvre une large voie qui communique à l’est avec le quartier du Bosphore, à l’ouest avec les Thermes de Constance, et forme une des rues les plus fréquentées de Constantinople. Au milieu de la place s’étend un terre-plein dallé de marbres de diverses couleurs, il contient la tribune aux harangues, d’où l’empereur et ses représentants adressent leurs allocutions au sénat, au peuple et à l’armée. C’est en ce lieu qu'est érigée la statue d’Augusta, sur une colonne de porphyre qu’exhausse encore un grand piédestal, elle est d’argent massif.
Représentée en costume impérial, dans l’attitude du commandement, Eudoxie domine de là l’église, le palais, la ville, et semble être l’âme des délibérations du sénat.

Cette grande Curie, à l’opposite de laquelle l’empereur Constance a fondé la basilique de Sainte-Sophie, est une œuvre de son père Constantin, qui en a fait un temple païen. Construite à l’instar du Capitole de Rome, où se réunit dans les occasions importantes le sénat de l’empire occidental, la grande Curie Byzantine, destinée au même usage, a été mise par le fondateur sous le patronage des mêmes dieux, Jupiter et Minerve, et, comme le Jupiter Capitolin est la plus vénérée des divinités de l’Occident, Constantin a choisi pour son capitole Grec le Jupiter de Dodone, qu’entoure en Orient une non moindre vénération.
Il a fait amener aussi d’une ville d’Asie nommée Lindus une statue de Minerve consacrée jadis par des rites mystérieux, et dont le culte est répandu dans toute l’Asie-Mineure. Les deux simulacres sont placés à l’entrée de la Curie, comme les gardiens de la grandeur du nouvel empire. Sous les portiques figurent en outre, rangées par ordre, avec leurs attributs divers, le chœur des muses enlevé aux sanctuaires de l’Hélicon, de sorte que la grande Curie de Constantinople, enrichie de tant de profanations païennes, est devenue un temple véritable que sanctifie la présence des premières divinités de la Grèce...
L’édifice lui-même, bâti ou revêtu de marbres précieux, décoré de colonnes monolithes, de frises, de statues où les principales villes de l’Orient peuvent reconnaître la dépouille de leurs temples, présente aux amis des arts comme à ceux de la vieille religion Hellénique un ensemble d’objets sacrés dont ils n’approchent qu’avec admiration ou respect. Singulier hasard qui a rapproché les deux monuments les plus magnifiques des cultes païen et chrétien, comme pour les confondre dans une ruine commune !

L’inauguration des statues des empereurs se fait d’après un cérémonial traditionnel où le paganisme a laissé sa forte empreinte. La raison d’état maintient sous les princes chrétiens ces vieux usages qui fortifient dans l’esprit du peuple le respect dû à la souveraineté. Théodose lui-même, l’empereur catholique par excellence, exige pour ses effigies les honneurs de l’adoration. Ce n'est qu’après les événements dont nous allons parler que le petit-fils de cet empereur, fils d’Arcadius et d’Eudoxie, Théodose II, abolit par une loi ce que le rituel de ces fêtes a de trop contraire au sentiment chrétien. Dans la circonstance présente, le cérémonial s’accomplit avec tous les développements que l’adulation peut imaginer. Pendant plusieurs jours sont célébrées autour de la statue d’Eudoxie des réjouissances publiques auxquelles le peuple se porte en masse : Il y a des danses, des jeux de force ou d’agilité, des représentations de mimes et de bateleurs et des scènes comiques de tout genre.
On croit que les fêtes de Cybèle ont fourni autrefois le programme de ces divertissements, or les écrivains latins nous apprennent quels spectacles extravagants ou impurs donnent à la multitude les prêtres et des servants mutilés de la mère des dieux.

Voilà donc ce qui se déploie et doit se déployer pendant plusieurs jours sur la place du sénat, en face de la basilique. Jean Chrysostome professe pour les spectacles une aversion déclarée, et nul des moralistes chrétiens ne s’est montré plus sévère contre des divertissements où il voit des pièges et des inventions du démon.
La présence de ces pièges diaboliques s’étalant aux portes du sanctuaire lui paraît une insulte préméditée à l’église et à lui-même. Il paraît aussi que les cris des bateleurs, les sons de la musique, les applaudissements ou les clameurs des assistants, pénétrant par intervalles jusque dans l’intérieur de l’édifice, y viennent troubler ou le chant des psaumes ou les instructions du pasteur à son troupeau... Il se plaint au préfet de la ville, demandant la répression du scandale. Le préfet, que l’on taxait de manichéisme, mais qui est bien plus sûrement un flatteur d’Eudoxie et un familier de sa cour, reçoit assez mal les observations de l’archevêque. « N’était-ce point là l’usage immémorial ? Fallait-il faire pour l’impératrice Eudoxie moins qu’on n’a fait de tout temps pour tous les césars, et punir l’enthousiasme que les sujets font éclater envers leur souveraine ? Au reste, il en référera à Eudoxie Augusta. » Telle est la réponse du préfet, autant qu’on la peut induire du témoignage des historiens et du caractère des faits.
Le lendemain de ses remontrances, l’archevêque croit remarquer que, loin de cesser ou d’être moins gênant pour l’église, le bruit n’a fait que s’accroître avec le scandale, il y voit une bravade et une provocation non-seulement du préfet, mais du personnage plus élevé qui veut lui marquer son dédain. Cédant à l’entraînement de la colère, il a recours à son défenseur et à son juge habituel, le peuple de son église.
Du haut de sa chaire, il tonne contre ceux qui prennent part à ces jeux sacrilèges, contre le préfet qui les ordonne, contre celle en l’honneur de laquelle on les célèbre, et qui dans son orgueil fait profaner le Lieu Saint par des cris impurs comme pour se mettre au-dessus de Dieu même. Son discours n'est pas recueilli, mais l’histoire énonce que jamais sa parole n’a été plus incisive et plus amère, que les allusions aux femmes impies de l’Ancien et du Nouveau-Testament sont prodiguées dans cette improvisation sans ménagement ni voile, et qu’il y est encore question de la courtisane Hérodiade et de saint Jean-Baptiste...
Jean Chrysostome cette fois s’attache à combler la mesure. Le soir, toute la ville est en rumeur... L’impératrice court au palais demander vengeance, l’empereur lui-même, profondément offensé, déclare qu’il faut en finir avec ce factieux.

Cela ne faisait que 2 mois que Chrysostome était rentré à Constantinople, quand cette seconde guerre éclate, avec non moins de violence que la première.
Les Marsa, les Castricia et Eugraphia, « la double folle, » comme la qualifie un historien ecclésiastique contemporain, reprennent possession de l’impératrice pour l’exciter encore, Sévérien, Antiochus, Acacius, accourt de leurs diocèses, redevienent avec beaucoup d’autres, soit clercs soit laïques, les conseillers d’un nouveau complot contre la paix de l’église.
Le même historien les appelle une cohorte ivre de fureur, tant ils se montrent animés à la perte de Jean Chrysostome. Ceux d’entre eux qui n’estiment qu’une solution prompte émettent le vœu que l’archevêque soit livré aux tribunaux séculiers sous l’accusation de lèse-majesté.
« N’a-t-il point par d’odieuses paroles outragé l’impératrice au milieu des fêtes que le peuple et le sénat lui décernent, et provoqué la populace à la révolte, acte qui constitue le crime de lèse-majesté tel qu’il est déterminé par les lois de l’empire ? Ce crime d’ailleurs n’exige dans la circonstance ni enquête ni débat juridique : Il a été commis publiquement, dans l’église métropolitaine, au milieu des solennités d’une fête, la condamnation ne peut donc être douteuse. »

De plus prudents répondent qu’il faut craindre les manœuvres de cet homme qui dispose de la populace, et ne point compromettre les noms de l’empereur et de l’impératrice dans un procès dont l’issue doit être la mort.
Un des conseillers, Sévérien peut-être, fait alors cette proposition, à laquelle tout le monde se rend : « Jean Chrysostome assiège depuis 2 mois les oreilles du prince pour lui arracher la convocation d’un concile qui, réformant les décrets du Chêne, l’absolve lui-même et condamne ses juges.
Eh bien ! que le prince lui accorde ce concile pour le tourner à sa confusion, ce qui ne sera pas difficile, vu le nouveau crime qu’il vient de commettre et qui soulève contre lui l’indignation universelle. En ne négligeant point les moyens d’influence, on arrive, la cour aidant, à un résultat dans lequel la dignité du souverain ne sera point compromise, et Jean Chrysostome, condamné deux fois par un tribunal ecclésiastique pour des faits ecclésiastiques, n’a plus qu’à aller mourir en exil, à moins que l’impératrice ne trouve bon de le rappeler encore. »

Cette proposition semble trancher toutes les difficultés, elle écarte du moins les plus graves, l’empereur l’adopte et fait préparer les lettres de convocation... On pensa qu’il y avait avantage à tenir le nouveau synode à Constantinople, sous la main d’ Eudoxie Augusta, qui encourage ou effraie les évêques, et aussi pour que Jean Chrysostome ne puisse se plaindre, comme il l’a fait antérieurement, d’être enlevé à la juridiction de son siège. On comprend sans doute la faute qu’on a commise en transférant le premier concile à Chalcédoine, hors de l’action de la cour, et en laissant l’accusé maître en quelque sorte de Constantinople.

Pendant le cours de ces délibérations, et principalement quand il s’agit de la convocation du synode, le nom de Théophile se trouve dans toutes les bouches. Ce patriarche d’Alexandrie paraît un rouage indispensable dans une entreprise ecclésiastique ayant pour but de renverser Jean Chrysostome. Il a été l’âme du concile du Chêne ou, pour mieux dire, le concile du Chêne tout entier : Il l’a composé de ses affidés, il en a tracé le plan, conduit les discussions, dicté les décrets. Pour ceux qui l’ont vu à l’œuvre, qui ont apprécié dans l’action ce génie fécond en ressources qu’aucun incident ne démonte, qu’aucune vérité ne confond, et qui, s’appuyant tour à tour de la fourberie et de l’audace, tour à tour souple et impérieux, séduisant et menaçant, entraîne le commun des évêques par la subtilité de ses arguments ou par la crainte de ses vengeances, Théophile est un homme dont on ne peut se passer dans l’assemblée qui se prépare.
D' un autre côté, quand on songe à son peu de courage, aux terreurs qu’il a montrées lorsqu’une poignée de gens du peuple le cherchait pour le noyer, on peut affirmer qu’il ne viendra pas.
les évêques lui écrivent, en dehors de l’encyclique de convocation, une lettre particulière ainsi conçue : « Théophile, viens pour être notre chef, et, si tu ne le peux absolument, mande-nous ce que nous devons faire. »
Théophile répond par des excuses qu’il cherche à rendre acceptables à l’impératrice et à l’empereur, « qu’il ne peut s’absenter d’Alexandrie encore une fois sans manquer à son devoir d’évêque et au désir de son peuple, déjà très mécontent, et qui se soulèvera sans aucun doute, s’il essaie de partir. « Il ajoute d’autres raisons encore, « mais ce n’est pas cela qui le retient, dit l’historien que nous citons : C’est la peur, » car il a toujours présente à l’esprit cette terrible journée où il s’est sauvé avec ses Égyptiens sur une frêle barque pour n’être pas jeté dans le Bosphore.

Toutefois, si le patriarche, malgré toute son envie de mal faire, ne se réunit pas de corps aux ennemis de l’archevêque, il leur envoie du moins son esprit. Il annonce en effet qu’il possède un moyen infaillible d’obtenir l’expulsion immédiate de Jean Chrysostome, que ce moyen est contenu dans des documents qu’il confiera à des évêques Égyptiens de ses amis. Ceux-ci porteurs des documents confidentiels et des instructions verbales du patriarche sont au nombre de trois, tous bien dignes de la confiance de leur patron par leur talent d’intrigues déjà éprouvé, quoique l’un d’eux soit très jeune encore et tout récemment ordonné.
Tout en jetant ainsi ses filets autour du futur concile, Théophile ne néglige rien pour qu’il soit composé et préparé à l’avance suivant le désir de l’empereur et le sien.
Il écrit des lettres pressantes à tous les évêques des provinces voisines de l’Égypte qui peuvent espérer ou craindre quelque chose de lui son influence étant grande en Palestine et en Syrie, les endoctrinant et leur dictant en quelque sorte leur vote. Sévérien, Antiochus et Acacius firent la même chose dans les églises voisines de leurs siéges de Gabales, Ptolémaïs et Bérée, promettant ou intimidant, recrutant enfin, au nom de l’empereur, des juges pour opprimer son ennemi.
Ces menées ne sont pas sans effet. Une agitation extrême se propage dans tous les diocèses, depuis l’Égypte jusqu’au Pont, et depuis Constantinople jusqu’aux confins de la Thrace. La convocation d’un nouveau synode pour la révision des actes de celui du Chêne, demandée par Jean Chrysostome comme un moyen de se justifier, est présentée par ses adversaires comme un moyen d’aggraver la première sentence, conformément au vœu de l’empereur et aux justes ressentiments d’ Eudoxie Augusta.
Le rôle de plus en plus apparent que prend Arcadius dans ce second procès est fait pour imposer à beaucoup d’évêques impartiaux ou amis de Jean Chrysostome, tandis que l’action ardente de la cour excite au contraire la passion de ses ennemis. Si l’on voit dans cette confusion des sentiments et des consciences éclater plus d’un acte de justice et de courage, on y voit aussi bien des lâchetés. Il y a des évêques qui, n’osant pas venir voter en personne, par crainte peut-être des mouvements du peuple, que l’on suppose devoir soutenir Jean Chrysostome.

La statue d’Eudoxie a été inaugurée à la fin de septembre 403, et déjà au commencement de janvier 404 le concile se constitue. Quelques jours auparavant avait eu lieu la fête de la nativité du Christ, la seconde des grandes solennités chrétiennes, où l’empereur et la famille impériale ont coutume de se rendre à la basilique métropolitaine pour y assister aux saints mystères. Arcadius déclare qu’il ne s’y rendra point cette année, ne voulant pas, dit-il, communiquer avec l’archevêque que celui-ci n’ait purgé sa condamnation.


Eudoxie (épouse d'Arcadius) - Unionpédia
fr.unionpedia.org/Eudoxie_(épouse_d'Arcadius)
Elle fut fondée par Constance II, fils de Constantin Ier, dans les années 350 et ... Eudoxie (épouse d'Arcadius) et Église des Saints-Apôtres (Constantinople) ...

[Caritaspatrum] 25. Eudoxie, l'impératrice mal-aimée
caritaspatrum.free.fr/spip.php?page=imprimer&id_article=865
5 déc. 2015 - Il fit ainsi accroître le désir d'Arcadius et le persuada de la choisir ... Le mariage fut célébré le 27 avril 395 et dût être assez heureux car ... L'impératrice se vit frapper des monnaies à son effigie comme ce solidus (401-403), Antioche, 3 e off ... Eudoxie accouchait d'un garçon l'année suivante le 10 avril 401.

Jean Chrysostome et l'impératrice Eudoxie/03 - Wikisource
https://fr.wikisource.org/wiki/Jean_Chrysostome_et...Eudoxie/03
1 févr. 2015 - La statue d'Eudoxie avait été inaugurée à la fin de septembre 403, et déjà au ... où l'empereur et la famille impériale avaient coutume de se rendre à la ... Arcadius déclara qu'il ne s'y rendrait point cette année, ne voulant pas, ...













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