mercredi 4 janvier 2017

EN REMONTANT LE TEMPS... 172

14 NOVEMBRE 2016...

Cette page concerne l'année 172 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

COMPORTEMENTS DES AGENTS DU PRINCE PAR RAPPORT AUX LIEUX ET AUX TEMPS.

ROUTE ROMAINE EN SYRIE
Les attitudes de quelques agents du prince à l’époque des guerres des règnes de Marc Aurèle et Commode...

Lucius Vespronius Candidus Sallustius Sabinianus nous est connu par un nombre relativement restreint de sources. À quatre inscriptions, trois en Numidie et une en Dacie, s’ajoutent un passage de Tertullien, un de Dion Cassius et un de la
Vita de Didius Julianus dans l’Histoire Auguste.
Une des inscriptions de Numidie a été élevée par ses bénéficiaires et speculatores.
Il est alors légat de la 3e légion Auguste et gouverneur de fait de la Numidie.

Les raisons de cet hommage ne sont pas précisées mais il faut déduire que les gradés qui servent dans son officium ont voulu exprimer une certaine reconnaissance envers le personnage. Cette situation, convenue et banale au demeurant, contraste fortement avec le témoignage des sources littéraires.

Selon l’Histoire Auguste, Vespronius est un consulaire âgé qui en 193 va au-devant de Septime Sévère au nom du Sénat.
Le biographe anonyme précise que notre personnage s’est rendu odieux aux soldats en raison d’un imperium durum et sordidum, âpre et vil.
Dion Cassius, conservé dans les excerpta Valesiana, confirme cette réputation. Candidus est connu pour son caractère sombre et rustre, les soldats ont même failli le tuer.

À Chersonèse, en 174, les éloges de la cité au sujet de la mission réussie de Calpurnianus Apollonides vont d’abord à l’empereur pour avoir envoyé un tel responsable. C’est là un argument semblable à celui de Pline le jeune faisant « gloire à Trajan de n’employer à son service que des hommes dont lui-même ou Nerva ont pu apprécier les qualités. Telle doit donc être l’attitude des empereurs soucieux de constituer un excellent corps de fonctionnaires pour l’Empire. »
L’Histoire Auguste loue Marc Aurèle d’avoir éloigné, après la mort de Vérus, ses affranchis malhonnêtes (à l’exception d’Eclectus.) Le prince peut choisir les bons agents et les inciter à respecter les vertus du bon administrateur. On considère que son exemple et sa personne comptent aussi dans le comportement des agents. Si l’on en croit l’Histoire Auguste, la mort de Marc Aurèle met fin au comportement intègre de Pertinax qui cherche alors à s’enrichir.
PERSCINNIUS NIGER
Rien n’autorise à croire en une telle rupture dans la biographie du futur empereur, il n’en reste pas moins que le passage est révélateur d’un ensemble de représentations politiques. Toujours selon l’Histoire Auguste, le jeune Marc Aurèle, par souci de sa réputation, exhorte « ses procurateurs à ne pas se montrer trop arrogants » . Inversement la complaisance de Verus envers ses affranchis est critiquée et par 2 fois l’Histoire Auguste signale la (trop) grande influence de Geminus et Agaclytus. Par-delà la construction littéraire de la figure d’un prince exemplaire en Marc Aurèle et de son antagoniste en Vérus, on peut penser que l’Histoire Auguste s’appuie sur des anecdotes réelles rapportées par ses sources et en tout cas sur une différence de style flagrante entre les 2 princes. Le style de commandement adopté par l’empereur n’est donc pas sans conséquence sur les attitudes et les comportements de ses subordonnés, du moins le pensait-on.

Les princes en tout cas sont bien conscients que leur réputation se construit à travers l’action de leurs subordonnés : Être aux côtés des princes (ad latus principum) constitue une obligation de comportement exemplaire comme le rappelle, sous les Sévères, la seconde lettre de nomination de l’affranchi impérial Ianuarius. On peut se rappeler par ailleurs comment Lucien dans son Apologie fait du prince lui même le premier des serviteurs salariés de l’empire, le sommet d’une pyramide de travail et de responsabilité qui descend jusqu’au dernier des serviteurs de l’État. Le rôle du prince est donc vu comme déterminant : C’est lui qui en dernier ressort peut décider des nominations, c’est lui qui donne ou valide les consignes, qui légitime toute initiative implicitement ou explicitement. Il peut en tout cas définir un cadre normatif de valeurs structurant l’attitude idéale des agents du prince.
La fameuse lettre de nomination de Domitius Marsianus par Marc Aurèle nous présente les attentes de l’empereur envers un de ses procurateurs.

Le bon agent doit associer innocentia, diligentia et experientia : Silvio Panciera a montré comment cette association de 3 vertus ne rencontre le texte des inscriptions honorifiques de gouverneurs que pour le premier terme, l’innocentia.
Experientia et diligentia sont des vertus qui semblent liées à une position de subordonné et expriment plus les attentes de l’empereur que celles que peuvent formuler publiquement des administrés. Mais diligentia et
industria sont aussi « 2 notions qui ont une portée essentiellement morale et désignent pour le noble dans la cité, ou pour le patron à l’égard de ses clients, ou encore pour l’empereur, l’aptitude morale à agir dans la sphère publique, notamment à accomplir son devoir ou officium ». On peut noter à cet égard que l’industria fait, avec la vigilantia, partie des qualités que Fronton loue chez Avidius Cassius, tandis que diligentia apparaît aussi dans l’inscription élevée pour honorer l’affranchi impérial Beryllus, restitutor de la mine de Vipasca. Ces qualités ressortent aussi des lettres de recommandation par lesquelles un grand personnage peut apporter son suffragium.
PERTINAX

Selon Pline le Jeune, l’affranchi Maximus est honnête (probus), zélé (industrius), consciencieux (diligens) et, comme Beryllus, il est amantissimus, attachés aux biens et aux intérêts de l’empereur : atque sicut rei tuae amantissimum.
Aridelus, recommandé par Fronton à Marc Aurèle, est quelqu’un qui a servi avec zèle (procurauit uobis industrie) grâce à ses qualités personnelles : est enim homo frugi et sobrius et acer et diligens, honnête, sobre, énergétique et consciencieux.
Il faut constater avec Gérard Boulvert comment le discours des lettres de recommandation et celui des lettres de nomination se rejoignent.

L’affranchi impérial Ianuarius est probus et diligens comme Maximus. Comme lui et Beryllus, il aime sa fonction. Comme Maximus encore, il applique scrupuleusement les instructions (disciplina). Ainsi ressort un « portrait du bon administrateur tel que le conçoit l’administration impériale ». On peut faire ressortir les limites de ces qualités en comparant le vocabulaire de ces recommandations à la lettre que Fronton donne pour le jeune chevalier Faustinianus qui effectue une de ses milices équestres en Germanie.
L’industria est présente mais le cœur des qualités de Faustinianus vient de sa
doctrina. Il est doctus et peritus : C’est sans risque qu’on le met à l’épreuve dans les domaines des choses militaires, judiciaires ou des lettres, sa prudentia et sa facilitas en ressortiront toujours.
On pointe là la nécessité d’une éducation qualifiante et qui distingue. Les bonnes dispositions et les qualités morales ne suffisent pas dès lors que l’on se trouve à un certain niveau aristocratique.
Si les inscriptions honorifiques nous donnent le point de vue des administrés et la lettre de Marsianus celui de l’empereur, quelques documents nous permettent de saisir le point de vue des agents eux-mêmes, ou plus exactement le point de vue qu’ils ont souhaité présenter publiquement à un moment donné.

Le papyrus Thmouis montre comment, dans une zone exposée aux brigandages, le village de Pététei a vu en 167-168 la plupart de ses hommes tués, ou enlevés, par un détachement de soldats, parce que l’on considère qu’il a des liens avec des rebelles :
« Déclarant que Pététei a adhéré aux troubles passés, que la plupart des hommes de Pététei, ainsi que des hommes de Psenharpokratis et Psenbienchis qui résident à Pététei ont été tués, en l’an 8 par le détachement militaire qui a été envoyé et que les villages sont complètement abandonnés ».
Cette intervention militaire très violente, prend place dans le contexte particulier d’une région du delta du Nil marquée par l’insurrection des Nikochites, les Boukoloi de nos sources littéraires. Ses circonstances exactes nous échappent.

Nous nous trouvons plusieurs années avant le point culminant de la révolte, vers 172, lorsqu’il faut faire intervenir Avidius Cassius et des troupes de Syrie pour épauler une administration et une armée provinciale débordées.
Le massacre de Pététei intervient donc dans le contexte de répression d’une insurrection qui peut être vue par le pouvoir Romain comme du brigandage encore ordinaire mais endémique. Il nous rappelle comment, dans certaines circonstances, le déchaînement de violence peut être une des attitudes des armées de Rome, des soldats agents du prince. Il ne peut toutefois imaginer l’attitude des soldats en Égypte à la lumière du seul épisode de Pététei, leur relation à la population civile n’est pas marquée systématiquement par la haine et la méfiance.

Comment concevoir alors ce qui s’est passé à Pététei ? Les considérations sur les crimes de masse impliquant des armées au XXe siècle peuvent nous aider à formuler certaines questions.
Elles ont montré les circonstances favorables à ces situations, « un arrière-plan de données normatives, des sollicitations dues à la situation et un manque individuel de repères suffisent manifestement pour que cela arrive » . Les données normatives qui peuvent justifier une tuerie ne manquent pas. On peut se demander dans quelle mesure les soldats qui ont agit à Pététei partagent les représentations des Boukoloi qui marquent nos sources littéraires, qu’il s’agisse des romans ou du récit de leur révolte par Dion Cassius, mais si tel est le cas cela peut contribuer à faciliter le massacre : Les Boukoloi sont un monde à l’envers, des impies et des cannibales éloignés de l’humanité, ils forment un groupe radicalement autre.
Le village de Pététei étant considéré comme lié aux rebelles, ses habitants deviennent une menace, et ils le deviennent de manière indifférenciée.
En effet si l’on en croit encore une fois les représentations littéraires des Boukoloi, ils pratiquent la trahison, le travestissement, la ruse : On ne peut se fier aux apparences et cette menace peut être perçue comme difficile à identifier, floue, aux limites impossibles à fixer. Dans une telle situation c’est la violence exercée qui peut définir clairement l’ennemi, et se justifie d’elle-même en trouvant un rôle structurant.

De tels massacres peuvent aussi trouver d’autres justifications : Il s’agit de couper les brigands d’un soutien populaire, de faire un exemple pour dissuader par la terreur les autres villages de les soutenir. En ce sens on ne peut exclure que le massacre ou la vente des hommes de Pététei ait été prémédité et décidé par la hiérarchie Romaine. Une telle mesure est tout à fait envisageable pour des agents du prince : Le gouvernement Romain repose aussi sur la peur, la sévérité.
Des précédents existent pour justifier ou inspirer une telle stratégie, ils ont même valeur d’exemple. Ainsi quelques années avant le massacre de Pététei l’Alexandrin Appien, chevalier Romain qui est au service du prince, consacre une des dernières parties de son livre Ibérique à détailler l’extermination préméditée, soigneusement organisée et complète (avec femmes et enfants) d’une cité Celtibère dans les années 90 avant notre ère.

L’extermination a été décidée par le gouverneur Titus Didius, avec l’accord, selon Appien, d’une commission sénatoriale présente sur place, parce que cette cité, installée quelques années auparavant par Marcus Marius, se livre au brigandage. On fait croire aux Celtibères qu’ils vont recevoir les terres d’une cité voisine de la leur, et doivent être recensés pour cela. Sous ce prétexte, la population est emmenée dans un retranchement, les hommes sont séparés des femmes et des enfants, et encerclés, puis exterminés... Les campagnes de Titus Didius semblent avoir été renommées pour les ruses qui s’y sont déployées. Le stratagème de Didius et son récit par Appien font par ailleurs directement écho au stratagème presque identique de Galba, plusieurs décennies auparavant, illustration, pour Appien qui juge son action indigne de Rome, de la perfidie de certains chefs Romains dans les guerres Ibériques. Par-delà ces jugements moraux qui portent avant tout sur le mode opératoire et ne sont pas répétés aussi clairement à propos de Didius, nous constatons que, dans la continuité de traditions militaires romaines remontant à l’époque républicaine, la possibilité d’avoir à exterminer une collectivité locale peut faire partie des attitudes attendues des agents du prince, ils contribuent ainsi à protéger l’ordre romain et la paix des affronts que brigands et barbares lui font subir.

Dans les années qui suivirent le massacre de Pététei, les guerres du Danube apportent ainsi leur lot de massacres qui sont exposés et commémorés aux yeux des Romains au fil des spires de la colonne aurélienne. Là, le spectacle de la « punition » et de sa « dureté requise » magnifie la domination exercée par les soldats Romains sur le corps des Barbares tout en proclamant la protection que le prince et ses agents garantissent aux Romains mais aussi aux peuples de l’empire.
Accomplie aux confins de la Mésie, de la Thrace et de la Macédoine, à peu près au moment où l’on peut commencer à envisager les travaux de la colonne, la mission de Valerius Maximianus contre les brigands briséens ne doit donc pas être regardée à l’image de l’action abstraite et efficace du procurateur agissant contre les brigands dans le roman quasi contemporain d’Apulée, mais comme le rappel violent de la domination Romaine dans des zones au contrôle difficile, et l’on peut penser qu’elle donne vraisemblablement lieu à des accès de violence semblables à celui de Pététei à défaut d’égaler la ruse glaçante d’un Titus Didius.
Protection et domination sont donc 2 faces indissociables du pouvoir Romain. Reconnaître la domination Romaine c’est aussi bénéficier de sa protection, la deditio était aussi un appel à la fides du vainqueur mais se rebeller après avoir fait sa soumission c’est, en bafouant cette offre de protection, s’exposer à des représailles qui peuvent avoir un caractère définitif.
Le brigandage manifeste et la sédition placent leurs acteurs hors des protections légales et les exposent à une juste punition immédiate. L’attitude des agents du prince dépend donc de la situation et de la manière dont elle qualifie leurs interlocuteurs : Tel village qu’il s’agit de protéger des brigands peut donc rapidement se retrouver comme devant subir la puissance d’une domination brutale et punitive.
Pététei et les Briséens sont des cas extrêmes, mais au quotidien, en période de paix, il importe de souligner l’ambiguïté et l’ambivalence des structures administratives impériales et de leurs agents. Considérons le cas des fameux moutons de Saepinum et de leurs bergers transhumants. Les stationarii sont complices des exactions commises par les cités à l’encontre des transhumants. Le procurateur Cosmus et les préfets du prétoire protègent ces derniers mais surtout parce que le fisc a à y perdre.
On ne protège que dans la mesure où cette protection assure le bon fonctionnement de la domination. Il faut donc songer, par exemple, que l’affranchi impérial Beryllus, restitutor de la mine de Vipasca, quelle qu’ait pu être la mission recouverte par le terme de restitutor, restitue d’abord un certain niveau de revenus fiscaux, même si son action est célébrée par les colons du site minier et leur est aussi profitable. On peut songer aussi, au demeurant, à la place de la sécurité dans les règlements miniers qui sont trouvés à Vipasca et sont antérieurs de quelques décennies à l’action de Beryllus.
La protection n’y a pas de but philanthropique, elle assure la bonne marche du chantier pour garantir de bonnes rentrées fiscales. C’est donc très logiquement, et habilement, que les colons du saltus Burunitanus font observer que les agents du prince, les alliés du conductor Allius Maximus, le procurateur et ses soldats, agissent non seulement contre le bon droit mais aussi au détriment des revenus de l’empereur (in perniciem rationum tuarum). Finalement on constate la nécessité pour l’administration impériale de protéger les administrés contre les abus de domination qui se font au nom des exigences de l’Empire comme lorsqu’en juin 193, mais encore sous le règne de Commode croit-on, Syros fils de Syrion d’Arsinoé fait écrire une requête au centurion Ammonius Paternus car les collecteurs d’impôts ont brutalisé sa mère à cause d’une artabe de blé de retard.

Dans ce cas individuel, comme dans celui collectif du saltus Burunitanus, il s’agit d’être reconnu et entendu par l’autorité qui peut contrôler et arrêter les abus, en dernier ressort l’empereur. La proximité avec des agents du prince, des liens existant avec eux constituent alors la meilleure protection contre les abus de leur domination, d’où l’ambiguïté de certains dossiers documentaires où abus et bons rapports semblent coexister. À défaut d’un lien particulier, il faut construire une image de soi susceptible de renverser la situation, démontrer son honorabilité, exalter celle de l’agent du prince lorsqu’il est haut placé.
On peut alors manifester l’appartenance à un univers commun, en déployant les trésors de la rhétorique, de la paideia, et pourquoi pas songer à engager une relation qui le place dans la position de protecteur en s’en faisant un patron ? Finalement la question n’est-elle pas alors celle des modalités d’exercice de la domination Romaine par les agents du prince, la protection n’étant qu’une des composantes de cette domination, et le rôle protecteur une des modalités possibles de l’exercice du pouvoir conféré par la position d’agent du prince ? Au plus haut niveau, nous l’avons vu avec le cas de Vespronius Candidus, les modalités d’exercice de la domination sont scrutées par les sujets, les différents agents comparés l’un à l’autre, ramenés à une échelle de distinction fondée sur des valeurs sociales, morales et culturelles.

Certains des hauts personnages au service du prince peuvent choisir d’en jouer consciemment, on peut songer ainsi au cas d’Aufidius Victorinus. Dans le portrait qu’il dresse de lui, à l’occasion de sa confrontation à Pérennis lors de ses dernières années, Dion Cassius le présente comme incorruptible, expliquant comment il a renvoyé, tant dans son gouvernement de Germanie supérieure que dans son proconsulat d’Afrique, les seconds indélicats. Il est possible que la grande inscription qui porte son cursus et qui a été retrouvée à Rome ait aussi gardé la trace de ces attitudes.

Une lettre, fameuse, du jeune Marc Aurèle à Fronton témoigne du choix apparemment précoce que fait Victorinus proclamant préférer la fonction du juge à celle de l’orateur. L’importance accordée plus généralement à l’activité judiciaire est certaine, nous l’avons vu avec Lucien. Le gouverneur de province trouve dans cette fonction un fort prestige. Le pouvoir judiciaire du gouverneur peut aussi justifier la domination Romaine par la protection des faibles qu’il semble offrir. Il semble légitime de penser que le comportement de Victorinus rappelé par Dion Cassius correspond à un investissement personnel important, une image publique de sa personne que Victorinus a construite sans doute explicitement et assez consciemment.

Ce sont ses mœurs autant que son éloquence que Fronton signale aux décurions de Cirta lorsqu’ils cherchent un patron, par delà une formule peut-être convenue, le vieux rhéteur Cirtéen pointe une caractéristique réelle de son gendre. Nous nous trouvons toutefois là dans un cas très spécifique, au sommet de l’aristocratie impériale, quand être agent du prince c’est aussi être son condisciple, mais cela nous donne une documentation explicite là où d’ordinaire nous n’avons que l’implicite de la documentation épigraphique. On peut à cet égard proposer à la réflexion le dossier concernant Varius Clemens. Ce chevalier fait une belle carrière le menant, des années 150 aux années 170, des milices équestres au sénat et vraisemblablement au consulat. Une dizaine d’inscriptions montrent qu’il a été honoré, par des administrés ou des subordonnés, dans sa cité natale de Celeia, sans que l’on puisse préciser clairement si les statues qui expriment l’honneur figurent dans un cadre public ou privé.
Ces honneurs ont été reçus, lorsque cela est identifiable, en lien avec ses fonctions exercées en tant que procurateur de Maurétanie Césarienne, de Rhétie et de Belgique et des deux Germanies. Les hommages ont été décidés et reçus au moment du départ de chaque poste. Clemens est aussi honoré en tant que patronus causarum prouinciae Mauretaniae Caesariensis : Les liens tissés en tant qu’agent du prince se sont poursuivis dans des relations de clientèle.

Le frère de Clemens, Priscus, bénéficie en tout cas, à Celeia, d’un hommage similaire.
Peut-on s’autoriser à lier ces manifestations à sa belle carrière, à songer que ces soutiens et leur publicité l’ont aidé à gravir les échelons administratifs, à se faire bien voir du prince ?
DIDIUS JULIANUS
Qu’il soit, pour beaucoup, plus protecteur que dominateur ? Il est cependant au moins possible de conclure sur la gloire et l’honneur que l’on tire en affichant les signes tangibles d’une attitude appréciée de ceux que l’on a dirigés. Au terme de ce rapide parcours, l’attitude des agents du prince nous semble donc se construire au croisement de plusieurs facteurs mais surtout en fonction des situations et des interactions sociales, politiques, juridiques et culturelles. Parmi les facteurs, il faut considérer un certain nombre de choix...
Les choix politiques du prince, comme encourager tel ou tel type d’action, ou encore manifester plus ou moins fermement la volonté d’un contrôle plus ou moins scrupuleux.
Choix politiques contraints cependant, et qui se heurtent à la difficulté de contrôler les agents, en particulier dans les provinces.
Choix des agents eux-mêmes aussi, mais alors on ne sait parler d’un choix politique (ils ne l’ont pas) il s’agit plutôt d’adopter un style de commandement : Etre plus ou moins arrogant, corruptible, engagé, etc.
Ces attitudes sont cependant contraintes par les circonstances, elles peuvent correspondre à des stratégies sociales, en particulier des stratégies de distinction.
Mais ces stratégies, ces styles ne sont pas indéterminés : L’attitude des agents semble aussi commandée par le poids des structures sociales, le poids des habitus pour reprendre un terme de sociologie.
L’habitus aristocratique, celui des notables lettrés, celui qui structure le modèle de parité semble particulièrement prégnant. Les changements dans le recrutement des agents du prince occasionnés par les conséquences multiples des guerres du règne de Marc Aurèle ont-elles alors eu des conséquences en modifiant la composition sociale de certains groupes d’agents du prince ?
Une attitude sociale n’est pas non plus la résultante de l’action d’un seul sujet. Ce sont les interactions entre agents sociaux, les contextes qui orientent aussi les attitudes, les rôles sociaux.
Dès lors il faut considérer l’attitude de l’agent du prince en fonction des personnages concernés, et surtout tenir compte de la dissymétrie possible. On ne se comporte pas de la même manière face aux notables d’une vieille cité Grecque aux marges de l’empire et face aux coloni d’un saltus africain ou face aux paysans-bergers d’un village du delta du Nil.
On ne se comporte pas de la même manière selon que l’on est procurateur ducénaire ou affranchi dans un petit tabularium de province. Ce sont des évidences, mais il nous faut les garder à l’esprit, plus que des attitudes c’est la logique des situations sociales et politiques qu’il faut retrouver, logique qui découle de normes sociales et culturelles et de rapports de forces. Les nombreux exemples d’attitudes différentes que nous avons vus ne sont pas tant alors des reflets de situations que des effets des situations, on peut les comprendre, mais on ne peut généraliser à partir de tel ou tel cas. Si l’attitude doit être mise en regard des normes de comportement explicites, telles que formulées dans les lettres impériales, mais aussi implicites, dans chaque cas l’attitude de l’agent doit donc être aussi considérée en fonction de sa place hiérarchique et de la dignité reconnue à ses interlocuteurs.
La vulnérabilité de ces derniers doit être prise en compte et estimée. La cité de Chersonèse manifeste le prestige de l’identité Grecque aux yeux des administrateurs impériaux, les victimes du massacre de Pététei manifestent le mépris pour les ruraux Égyptiens et les conséquences d’une situation fortement déséquilibrée. Le cas de Saepinum et celui du Saltus Burunitanus invitent aussi à prendre en compte l’existence d’un réseau d’appui local pour l’agent, de sa surface sociale, des complicités possibles. Se pose alors la question de la force du contrôle exercé par les supérieurs mais aussi par les possibilités d’appel offertes aux administrés et les stratégies sociales, juridiques ou rhétoriques accessibles à ces derniers.
DOURA EUROPOS
Reste enfin la question de la dynamique chronologique de ces rapports. La diffusion de la citoyenneté dans les provinces, d’une culture commune de l’honorabilité civique au sein des élites locales, l’intégration de la frange supérieure de ces dernières aux ordres dirigeants de l’empire, la stabilisation des frontières d’un imperium qui se pense désormais comme territorial constituent sans doute autant d’évolutions qui, au cœur du IIe siècle, peuvent placer un nombre croissant de provinciaux dans une position où le pouvoir de l’empereur peut sembler devoir être plus protecteur. En revanche les difficultés de l’époque, menaces sérieuses aux frontières et guerres longues, disettes et épidémie entraînent incontestablement un alourdissement de la domination impériale et d’abord de sa pression fiscale. Protéger et dominer, dominer en protégeant, c’était aussi l’enjeu du prince.


Années 170 — Wikipédia
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Les attitudes de quelques agents du prince à l'époque des guerres ...
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