jeudi 26 janvier 2017

EN REMONTANT LE TEMPS... 160

26 NOVEMBRE 2016...

Cette page concerne l'année 160 du calendrier julien. Ceci est une évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que d'un survol !

MARCION ET SA DOCTRINE

MARCION
Marcion dit du Pont ou de Sinope (né à Sinope vers 85, mort vers 160) est une personnalité du christianisme ancien de la fin du Ier et de la première moitié du IIe siècle. Armateur fortuné, il se rend à Rome vers 140 où il se distingue par ses prodigalités au sein de la communauté chrétienne de Rome alors dirigée, selon la tradition, par l'épiscope Pie.
Se fondant uniquement sur l’Écriture, il développe sa doctrine qui rompt avec la tradition juive : Du contraste absolu qu'il décèle entre la Loi juive et l'Évangile, il conclut à l'existence de deux principes divins « Dieu de colère de la Bible hébraïque et Dieu d'amour de l'Évangile » dont celui des textes chrétiens est le Dieu Suprême.
Celui-ci est le père de Jésus-Christ qui est venu pour abroger la Bible hébraïque et le culte de son démiurge. Pour Marcion, Jésus n'est pas le messie attendu par les Juifs, ni né de la Vierge Marie : Il est apparu à la 15e année du règne de Tibère sans avoir connu ni naissance ni croissance et sauve l'homme en le rachetant par sa mort.
Marcion est en outre le premier à donner au mot εὐαγγέλιον (euangélion, « bonne nouvelle ») un sens littéraire et à élaborer un « canon » de l’Écriture dont il écarte la Torah et tout ce qui, dans la littérature néotestamentaire, porte la marque du judaïsme, proposant un texte résumé à l'Évangile selon Luc et 10 épîtres Pauliniennes.

En rupture avec la communauté chrétienne de Rome pour ces doctrines, il fonde sa propre Église à l'organisation solide et concurrente, ce qui lui vaut d'être considéré par la suite comme l'un des premiers hérésiarques par les auteurs de la « Grande Église ». Le marcionisme se développe essentiellement en Orient, en Mésopotamie et en Perse mais aussi en Occident et non sans connaître des dissidences.
Persécutées au cours du IVe siècle, les communautés marcionites disparaissent définitivement au cours du Ve siècle...

Les textes de Marcion sont perdus et les éléments le concernant sont connus exclusivement par les écrits de ses adversaires : Justin de Naplouse dans sa Grande apologieet de manière indirecte dans son Syntagma contre les Hérésies (aujourd'hui perdu), à travers les citations qu'en font Irénée de Lyon puis Eusèbe de Césarée. Irénée consacre encore à Marcion une notice particulière et s'y réfère dans de multiples allusions polémiques. De nombreuses réfutations antiques sont par ailleurs perdues.

La source essentielle sur Marcion reste Tertullien. On a conservé une édition de son « Contre Marcion », datée d'environ 210, où il combat la théologie de Marcion et discute du canon d'Écritures Marcionite ou encore de nombreux textes des Anthitèses : Ces polémiques ont permis leur reconstitution, parcellaire et fragile, grâce notamment aux travaux de Adolf von Harnack.
Il existe également d'autres mentions de Marcion et de sa théologie dans :
Les Stromates de Clément d'Alexandrie.
L'Elenchos du pseudo Hippolyte de Rome.
Le Panarion d'Épiphane de Salamine qui cite des passages du texte biblique marcionite.

Plus tard, plusieurs auteurs s'attachent à critiquer les développements ultérieurs du marcionisme :
Adamantius dans son Dialogue sur la foi correcte.
Éphrem le Syrien dans la Réfutation en prose de Bardesane.
Mani et Marcion.
Eznik de Kolb dans Sur Dieu.

Les données biographiques concernant Marcion sont ainsi lacunaires et peu sûres. Il s'agit souvent d'inventions après coup de ses détracteurs dans un processus où « les chrétiens [doivent] affronter la question de l'authentique tradition sur Jésus et son œuvre ainsi que les critères nécessaires à la définir » et y apportent diverses réponses.
Marcion serait né vers 85 à Sinope, port de la mer Noire, et serait d’origine païenne. Suivant la tradition, lorsque Marcion atteint l’âge adulte, son père (un riche armateur) devient « évêque » de la communauté chrétienne de Sinope, ce qui pour certains chercheurs est douteux, vu que l'épiscopat n'est pas encore établi dans les communautés chrétiennes à cette époque, mais ce qui pour d'autres est plausible.
D'après Hippolyte, ce denier l'a chassé pour avoir tenté de séduire une vierge, dans une métaphore de l'hérétique qui tente de corrompre l'Église vierge. Il part alors pour Smyrne.

Tertullien fait du jeune Marcion un disciple d'Épicure ou encore un stoïcien.
D'autres indications légendaires mettent Marcion en relation avec Papias, l'apôtre Jean ou encore Polycarpe qui l'a déjà affronté comme le « premier-né de Satan ». Ce n'est qu'à partir de son arrivée à Rome que Marcion sort quelque peu de la légende

Armateur fortuné, Marcion se rend à Rome vers l’an 140, où il intègre la communauté chrétienne, alors dirigée selon la tradition par l'épiscope Pie. Marcion y a pour maître un certain Cerdon, un personnage dont on ne sait presque rien et sur lequel il semble que les hérésiologues aient projeté la doctrine de Marcion.
Celui-ci semble rapidement populaire dans la communauté de Rome. Il y propose un livre qui est en quelque sorte le précurseur du Nouveau Testament, une appellation qui à l'époque n'existe pas... Et dont Marcion est peut-être l'auteur, pas plus que la collection connue sous ce nom. En plus d'une introduction de sa main, ce livre est composé de deux parties : Un apostolicon, qui comprend un certain nombre de lettres de Paul de Tarse, et un evangelion, (L'Évangile du Nouveau Siècle) correspondant à ce que l'on connaît désormais comme l’Évangile selon Luc, amputé des premiers chapitres jusque 4, 32.

APÔTRE JEAN ET MARCION DE SINOPLE
En outre, Marcion se distingue par ses prodigalités en faisant notamment cadeau de l'énorme somme de 200 000 sesterces.
La communauté de Rome est en proie à de nombreuses dissensions théologiques et, en 142, suivant la Tradition, Cerdon et Valentin sont exclus de la communauté romaine par l'épiscope Hygin.
Marcion défend au sein de la communauté Romaine l'inconciliabilité radicale qu'il voit entre la révélation de Jésus et celle du judaïsme ainsi qu'il semble l'avoir développée dans ses Antithèses qui doivent également contenir des exégèses des textes qu'il retienent pour son canon. Il défend ce point de vue devant un collège de presbytres dirigé alors par l'épiscope Pie, à une époque que les marcionites datent précisément « 115 ans et 6mois et demi » après l'« apparition de Jésus », la 15e année du règne de Tibère, soit en 144 de notre ère.
Marcion entre alors en rupture avec une partie de la communauté Romaine, exclu ou parti de lui-même.
Il ne quitte peut-être pas Rome pour autant puisque, selon certaines traditions, il y a été encore établi comme maître, enseignant ses propres doctrines pendant l’épiscopat d’Anicet (vers 155-166).

Après son excommunication de la communauté Romaine, qui semble lui avoir rendu ses 200 000 sesterces, Marcion fonde rapidement, peut-être grâce à ces énormes moyens, sa propre Église qu'il présente comme une création du « Dieu Bon », suivant sa théologie. Celle-ci est dotée d'une solide organisation tant sur le plan hiérarchique que liturgique, ce qui lui amène un grand succès : Selon Justin de Naplouse, 10 ans après son exclusion, celle-ci s'étend sur la totalité de l'empire.
Cette rupture et le succès de cette véritable « contre-Église » lui valent d'être considéré par la suite comme l'un des premiers hérésiarques (avec Simon le Magicien et son disciple Ménandre) par les auteurs de la « Grande Église » qui se répandent à son encontre en de nombreux écrits polémiques.

À la fin du IVe siècle, Jérôme de Stridon le qualifie encore d'« esprit passionné et très instruit » (ardens ingenii et doctissimus) : Vécu comme une menace pour la proto-orthodoxie naissante, Marcion n'en est pas moins l'un des penseurs et écrivains chrétiens les plus importants du christianisme des premiers siècles.
Il n’existe aucune preuve qu’il ait quitté la ville de Rome où il meurt peut-être, entre 161 et 168, en tout état de cause, on n’entend plus parler de lui sous le règne de Marc Aurèle.
Adolf von Harnack estime pour sa part que Marcion, après avoir quitté le Pont, avait enseigné en Asie Mineure.

Quoi qu'il en soit, l'Église marcionite se développe tant en Orient, en Mésopotamie et en Perse qu'en Occident où elle ne recule qu'à partir de la moitié du IIIe siècle à la suite de répressions. Elle connaît par ailleurs des dissidences. Au Ve siècle, des communautés marcionites sont encore attestées en Syrie
Marcion entend se fonder uniquement sur l’Écriture mais s'appuie essentiellement sur l’Évangile selon Luc dont il élimine ce qui se rapporte à la généalogie, la nativité, le baptême et la tentation au désert du Christ, sur 10 épîtres de Paul et rejette en bloc la Bible hébraïque comme écriture inspirée.
La doctrine de Marcion rompt avec la tradition juive : du contraste absolu qu'il décèle dans les épîtres de Paul, entre la Loi juive et l'Évangile, il conclut à l'existence de deux principes divins. Marcion dénie ainsi la continuité entre la Bible hébraïque et le nouveau message ainsi qu'il distingue le Dieu créateur qui est un Dieu de colère et, supérieur à ce dernier, le Dieu de bonté apparu dans l'Évangile qui est un Dieu d'amour. Ce dernier est le Père de Jésus-Christ qui est venu pour abroger la Bible hébraïque et le culte de son démiurge.
Marcion est le premier auteur chrétien attesté à accorder une autorité théologique exclusive aux seuls textes chrétiens.

Il semble également avoir été le premier à avoir rassemblé une collection d’écrits d’origine apostolique, qui comportait trois parties : l’Evangelion, les Épîtres, et les Antithèses, ces dernières étant perdues.

Tertullien, farouche contempteur du marcionisme, explique qu'elles comportent deux parties : Une partie historique et dogmatique, montrant comment, selon Marcion, le pur Évangile s’est altéré, et une partie exégétique. Selon Marcion, les textes originaux ont été contaminés par des ajouts, des réécritures ou des gloses qui les entachent.
Marcion opère ainsi un travail d'exégèse pour parvenir à la reconstitution critique d'un texte originel, principe de critique littéraire qui n'est pas rare dans les démarches éditoriales à cette époque durant laquelle les textes chrétiens demeurent relativement instables et sujets à révisions : Si elle est sans mesure avec la critique moderne, son approche des textes s'inscrit néanmoins largement dans la tradition de la critique philologique propre à l’Antiquité Gréco-Romaine, une époque où les conditions de production et de transmission des textes ne sont jamais garanties.

Pour sa part, Marcion rejette donc radicalement la Bible judaïque et ne retient que l’Évangile selon Luc, et dix épîtres de Paul (Galates, 1 et 2 Corinthiens, Romains de 1 à 14, 1 et 2 Thessaloniciens, Éphésiens, Colossiens, Philippiens et Philémon) qu'il épure de tout ce qu'il considère comme éléments ou interpolations judaïsants, non sans se référer abondamment aux écrits judaïques anciens pour les dénoncer.
Par exemple, son Évangile selon Luc ne débute qu'en 4, 32 (après l'épisode d'une naissance miraculeuse du Christ mêlant des éléments de 3, 1 et 4, 31-3223) et les épîtres aux Romains et aux Galates sont expurgées des promesses faites à Abraham. On ignore d'ailleurs pour quelle raison précise c'est le texte lucanien que Marcion a retenu : Peut-être suit-il ainsi la tradition qui fait de Luc un disciple direct de Paul ou plus simplement n'en connaît-il pas d'autre. Mais en tout état de cause, il entend éliminer tout ce qui peut laisser ouverte la possibilité d'assimilation ou d'identité du « Dieu amour » à celui de la Bible hébraïque.

S'il retouche des textes, en particulier ceux où Jésus de Nazareth est identifié au Dieu des textes juifs, ces changements apparaissent moins nombreux et moins importants qu'on l'a longtemps pensé, et certaines des adaptations que l'on croit de sa main lui préexistaient vraisemblablement. Cette accusation de retoucher les textes formulée par les contempteurs de Marcion se retrouve d'ailleurs chez celui-ci à l'encontre de ses contradicteurs orthodoxes et, quoi que Marcion ait retiré des textes en sa possession, il n'y a rien ajouté, une démarche qui semble accréditer la sincérité de ses intentions exégétiques : Retrouver un texte original exempt de corruption et non pas créer un nouvel Évangile

C'est dans ses Antithèses, aujourd'hui disparues, que Marcion développe ses théories théologiques qui entendent montrer l'inconciliabilité entre les révélations de la Bible juive et celles de l'Évangile dans lequel apparaît le Dieu suprême qui ne s'est révélé nulle part ailleurs que dans ce dernier.
La théologie marcionite est ainsi une manière de dualisme qui, développant l'opposition Paulinienne de la Loi juive à l'Évangile qui a été mal comprise, conclut à l'existence de deux principes divins.
Pour Marcion, le Démiurge des textes judaïques, créateur du monde sensible et de l'humanité, est un Dieu sévère, coléreux et vindicatif, qui rend durement la justice au nom de sa Loi mais n'est pas pour autant malfaisant. Ce Dieu se choisit un peuple, Israël, lui donne la Loi et lui promet un Messie. Cependant, il a créé un monde imparfait où existent les plantes empoisonnées, les insectes ou les scorpions qui, avec la sexualité (qui répugne à Marcion) témoignent de son incompétence.
Les préceptes despotiques qu'il a imposés à l'homme, une créature faible et mortelle, ont avili ce dernier, le promettant aux châtiments cruels.
Le Tanakh reste valable comme révélation de ce Dieu juste et créateur, mais limité et étranger à l'amour. Radicalement inférieur au Dieu de l'Évangile, il est d'ailleurs amené à disparaître.

Le Dieu bon de l'Évangile est le Dieu suprême, extérieur au monde, sans les limitations du Dieu de la matière. Étranger à la Loi, à ses transgressions et donc au péché, il n'a pas créé le mal : C'est un Dieu d'amour et de miséricorde plus que de justice. Pris de compassion pour les humains écrasés par leur Créateur, le Dieu suprême décide de les sauver et envoie son propre fils Jésus-Christ qui n'est pas le Messie attendu par les Juifs, « pour libérer les hommes du monde et de son Dieu, pour faire d'eux les enfants d'un Dieu nouveau et étranger ».
Le Fils (qui ne connaît ni naissance ni croissance) se manifeste à travers une figure humaine non charnelle car, pour Marcion et à l'instar de croyances docètes, la chair est fondamentalement mauvaise. Celui-ci est soumis par son Créateur au supplice de la croix et, par sa mort, sauve les hommes en les rachetant à ce dernier, leur propriétaire légitime. Cet achat salvifique fait des humains des enfants adoptifs du Dieu amour, qui doivent accepter cette adoption par la foi en Jésus et l'Évangile afin d'accéder à la félicité dans le royaume du Dieu suprême.
Avant de retourner lui-même auprès de son Père, le Christ de Marcion envoyé dans l'Hadès (les enfers) par son créateur y sauve les hommes (Caïn, Coré, les Sodomites, les Égyptiens, les païens…) qui se sont opposés au Dieu hébraïque mais croient dans le Dieu bon, tandis qu'il y laisse les ancêtres comme Noé ou Abraham qui, trop liés à leur Créateur, refusent l'invitation rédemptrice du Christ. C'est une fois parvenu au Ciel que Jésus communique à Paul l'« Évangile authentique » au moment de sa vocation, un texte original ensuite corrompu par des interpolations de judaïsants, qui livrent l'Église toute entière à l'erreur...

Le rapport de Marcion au gnosticisme est fort débattu. La Tradition en fait un disciple d'un gnostique nommé Cerdon mais un auteur comme Celse distingue dans son Discours véritable les marcionites des gnostiques. Les études de Von Harnack ont proposé un Marcion éloigné du gnosticisme mais depuis, cette position est contestée et le débat reste ouvert.
En tout état de cause, s'il existe bien des traits communs entre Marcion et certaines doctrines gnostiques, il existe de nombreuses différences sur le plan de la doctrine. Pour Marcion, c'est la foi (pistis) et non la gnose (gnosis) qui joue le rôle principal, à telle enseigne qu'on a parlé d'un « paulinisme exacerbé ». Et sur le plan exégétique, réfutant, à la différence des gnostiques, toute mythologie concernant le monde divin, Marcion entend se fonder exclusivement sur l’Écriture. Néanmoins, une partie de la recherche actuelle décèle des influences encratites, antilégalistes et docètes dans le marcionisme, autant de traits qui tendent à le rapprocher du gnosticisme chrétien.
Si l'indéniable succès obtenu par les capacités d'organisation de Marcion et l'attraction exercée par sa doctrine sont relativement brefs en Occident, ils sont nettement plus durables en Orient, où les marcionites sont encore fort présents au cours du Ve siècle : Ce n'est qu'à la suite de persécutions impériales recherchant l'unité religieuse de l'empire autour d'une orthodoxie chrétienne qu'ils disparaissent ou s'intègrent à la « Grande Église ».

Au XXe siècle, il est récupéré par les idéologues nazis qui apprécient son antijudaïsme. Ainsi pour Alfred Rosenberg :
« En 150 , le Grec Marcion défend l'idée Nordique d'un ordre du monde reposant sur une tension organique et des hiérarchies, en opposition avec la représentation sémitique d'une puissance divine arbitraire et de son despotisme sans limite. Pour cette raison il rejette aussi le « livre de la Loi » d'une telle « divinité », c'est-à-dire l'ancien testament hébreux. » (Le Mythe du vingtième siècle). »
Il radicalise les thèses antijudaïques de Paul: L'histoire d'un évêque réputé hérétique du 2e siècle par le théologien Adolf von Harnack.

Le théologien Allemand Adolf von Harnack (1851-1930), une des figures historiques du «protestantisme libéral», a, très tôt dans ses travaux, rencontré Marcion, haut personnage du premier christianisme, décrété «hérésiarque» au milieu du IIe siècle, et a fini 50 ans plus tard par lui consacrer une monographie, Marcion. L’Évangile du Dieu étranger. Celle-ci a contribué à faire de la question du gnosticisme un dossier fréquenté aussi par des non-théologiens.
Ainsi, Hans Jonas a consacré sa thèse (sous la direction de Rudolf Bultmann) et ses premières recherches au dualisme antique. Dans Ni le soleil, ni la mort (2003), Peter Sloterdijk évoque « la ligne fine et emmêlée qui va d'Alexandrie à l'Institut für Sozialforschung » (l’École de Francfort) et qu'on peut aussi prolonger jusqu'à Hans Blumenberg et Sloterdijk lui-même en tant qu'auteur d'une anthologie gnostique, la Révolution mondiale de l'âme. La traduction du livre de Harnack mérite donc être saluée, quoique tardive.
Harnack est né en 1851 à Tartu (alors Dorpat, en Estonie), où son père enseigne la théologie à l'université, ce qu'il fera à son tour, étant nommé à Berlin avec le soutien de Bismark. Il développe une théologie non trinitaire de facture rationaliste et fortement christo-centrée.
Philologue respecté, il est l'auteur d'une volumineuse Histoire des dogmes. Il fonde en 1911 l'Institut de l'empereur Guillaume II (devenule Max Planck). Il est le conseiller de ce monarque et il a même été son « nègre » lors de la déclaration de la guerre de 14-18. Toutefois, dégoûté par celle-ci, il s'engage fermement pour la République de Weimar, ce qui lui vaut de nombreuses inimitiés dans les années mêmes où son Marcion suscite des polémiques.
Pour Harnack, ce livre n'est pas simplement une étude savante comme il en a produit beaucoup. Il l'avoue d'ailleurs sans ambages : « Marcion a été mon premier amour dans l'histoire de l’Église, et cette inclination et cette vénération n'ont pas été atténuées, même par Augustin, dans le demi-siècle que j'ai vécu avec lui. » En effet, pour Harnack, « Marcion nous tend la clé permettant de résoudre la plupart des difficiles problèmes que présente le passage de l’Église de l'âge post-apostolique à celui du catholicisme ancien (...) non seulement le catholicisme s'est édifié contre Marcion mais, plus encore, il a repris de cet hérétique quelque chose de fondamental ». L'édition qui en est donnée aujourd'hui est complétée par des essais de 3 spécialistes contemporains qui font le point du dossier.

Pour Harnack, le testament chrétien serait donc « né sous l'impression faite par la création de Marcioné ».
Par ailleurs, celui-ci a écrit un autre livre, les Antithèses, dont « l'autorité doit être reconnue de tout marcionite » admis dans l'église. L'ouvrage commence par « la seule phrase un peu longue que nous possédions mot à mot de la plume de Marcion : « oh, merveille de merveilles, ravissement, puissance et étonnement, que l'on ne peut rien dire ni penser de l’Évangile et qu'on ne peut le comparer à rien »».
Harnack remarque qu'aucun mot n'y est plus fréquent que celui de « nouveau » : « Tout doit être lu sous le seul point de vue de la nouveauté du message du Dieu d'amour rédempteur et du caractère effrayant et lamentable du Dieu cruellement juste du monde et de la Loi (...).
Seul Luther, avec sa foi en la justification, peut rivaliser ici avec Marcion. »
Harnack, un luthérien gagné au néo-marcionisme ? Sans doute. Bien qu'il ait protesté contre son assimilation à l'antisémitisme, un tel rejet de la culture vétérotestamentaire et donc juive dans l'Allemagne des années 20 ne peut laisser d'interroger son lecteur d'aujourd'hui. Mais la question déborde sur toute l'histoire religieuse Européenne, avec ou sans la figure de Marcion, celui dont on a pu faire tour à tour le plus grand des hérétiques ou l'inventeur du christianisme.

Marcion — Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Marcion
Marcion dit du Pont ou de Sinope (né à Sinope vers 85, mort vers 160) est une personnalité du ..... Il apparaît à la quinzième année du règne de Tibère sans avoir connu ni naissance ni croissance mais il sauve l'homme en le rachetant par sa ...
L'évangile selon Marcion - Culture / Next
next.liberation.fr/livres/2003/12/26/l-evangile-selon-marcion_456574
26 déc. 2003 - En effet, pour Harnack, «Marcion nous tend la clé permettant de ... On ne connaît pas les dates exactes de la vie de Marcion (approximativement 85-160). ... vétérotestamentaire et donc juive dans l'Allemagne des années 20 ...





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire