8
NOVEMBRE 2016...
Cette
page concerne l'année 178 du calendrier julien. Ceci est une
évocation ponctuelle de l'année considérée il ne peut s'agir que
d'un survol !
LORSQUE
LES EMPEREURS ROMAINS DÉCÉDÉS DEVIENNENT DES DIEUX.
Cette
étude est la présentation succincte de premières conclusions de
travaux en cours sur le tombeau d’Hadrien et sur le culte des Divae
au IIe siècle. On s’attache plus particulièrement à inventorier,
selon un angle diachronique et narratif, les divers monuments dont la
fonction est d’honorer, dans la ville de Rome, la dynastie antonine
à travers ses membres défunts...
Trois
principaux secteurs sont privilégiés dans cette célébration
urbaine du deuil antonin :
Le
tombeau dynastique (appelé le plus souvent mausolée d’Hadrien par
les modernes, actuel château Saint-Ange).
La
zone centrale du Champ de Mars.
Une
aire élargie comprenant les parages de la Vélia et du Palatin.
Sans
méconnaître le rôle joué par d’autres quartiers de l’Urbs,
l’attention se concentre sur ces 3 secteurs ainsi que sur un
certain nombre de pratiques dont ils sont le théâtre.
Mais
le propos sera allusif : Il s’agit bien plutôt d’histoire
dynastique, de chronologie impériale et de topographie de la Ville
de Rome.
Le
deuil princier, sous le Haut-Empire, repose sur une très ancienne
tradition : déjà à l’époque républicaine, la mort des
Grands s’entoure d’une pompe et d’un éclat qui en assurent la
publicité, dans des circonstances exceptionnelles, l’État
s’engage, financièrement parfois mais surtout honorifiquement, en
accordant à un personnage (qui, le plus souvent, a revêtu les plus
hautes magistratures) un « deuil public » (ou funus
publicum).
Des
funérailles d’illustres défunts peuvent susciter des émotions
publiques variées et une intervention de la foule :
Le
cortège funèbre de Pompeius Strabo, père du Grand Pompée, est
intercepté et malmené par la populace en fureur.
En
54, la foule détourne les funérailles de Julie, fille de César et
épouse de Pompée, et la jeune femme sera ensevelie dans un tombeau
des Iulii sur le Champ de Mars plutôt que sur une propriété de
Pompée près d’Albe.
Des
manifestations collectives d’indignation et de douleur entraînent
l’improvisation des funérailles de l’assassiné Clodius dont la
Curie est le bûcher funéraire,
TEMPLE D'ANTONIN ET DE FAUSTINE |
Quant
aux funérailles de César, par le rôle déterminant qu’y joue
Antoine, elles sont le parangon de la scène funéraire de grand
genre, paradigme du deuil public spontané (et savamment orchestré)
ainsi que de la participation affective d’une foule en deuil à un
rituel qu’elle accompagne et détourne... Pareilles scènes sont
riches d’implications politiques.
Le
Principat d’Auguste voit une mise en place, progressive et
fondatrice, d’un rituel de deuil dynastique. Les coups du destin
qui frappent la parentèle d’Auguste permettent, de la part du
princeps, une codification du deuil d’une famille dont le rôle
émerge peu à peu, à travers des pratiques créatrices, étrange
mélange de traditions patriciennes et de nouveauté politique, pour
ne pas dire d’improvisations successives. Auguste fait bâtir un
mausolée qui accueille les défunts de sa famille, des honneurs
funèbres sont décrétés pour certains d’entre eux, le nom de ces
défunts est parfois inscrit dans le calendrier et des célébrations
annuelles perpétuent leur mémoire. Le site de leur crémation
demeure marqué et entretenu comme tel. Des lieux publics peuvent
accueillir des statues de ces défunts, ainsi que leurs portraits. La
mémoire de la dynastie s’inscrit dans le paysage urbain, dans
l’ornement comme dans la toponymie de la Ville, des temples vont
croître, et un culte finit par s’organiser pragmatiquement et
progressivement sous les princes ultérieurs.
La
mort d’un membre de la famille impériale, qu’il le soit ou non,
est toujours un événement : Il faut imaginer que, dans bien
des cas, de tels décès s’accompagnent de manifestations de
douleur collective, de processions réglées par la dynastie et
d’attroupements spontanés (non loin du lieu de décès, sur le
parcours du cortège ramenant dans l’Urbs le corps du défunt s’il
était mort ailleurs, le long de la procession funèbre et dans la
proximité du bûcher).
Il
est incontestable que, par l’instauration d’un rituel et d’une
étiquette, de telles dévotions sont canalisées par le pouvoir,
mais le souvenir de princes défunts peut être extrêmement durable
dans la mémoire collective, ainsi qu’en témoignent les
calendriers tardifs mentionnant encore leur dies natalis ou les
médaillons contorniates qui, au IVe siècle, réactivent la figure
exemplaire de princes du temps jadis. Les temples, les statues
subsistent et la Ville devient l’écrin conservatoire de la mémoire
dynastique.
LE QUARTIER DES ANTONINS |
Parler
de dynastie à propos des Antonins se fait avec une apparente
facilité, encore faut-il justifier la pertinence du mot. En effet,
la dynastie antonine n’est pas à proprement parler une famille,
mais un groupe de familles étroitement liées entre elles.
À
l’exception de Commode, aucun prince n’est le fils biologique de
son prédécesseur, mais le recours quasi systématique à l’adoption
vient se surimposer à un réseau très étendu de parentés
antérieures et brouiller notre connaissance des mécanismes subtils
qui, précisément, mènent à ces adoptions...
L’historiographie
antique relative au IIe siècle est très lacunaire : Le
continuateur de Suétone, Marius Maximus, auteur de 12 nouvelles Vies
des Césars, de Nerva à Antonin Héliogabale, a été perdu, son
adaptateur en grec, Dion Cassius, n’est connu qu’à travers un
abréviateur byzantin qui a élagué son propos de la plupart des
notices généalogiques un filon d’abréviateurs latins des années
360-400 (Aurélius Victor, Eutrope, l’Epitome de Caesaribus),
dérivé d’un résumé de Marius Maximus, ne fournit que des
lambeaux, quant à l’Histoire Auguste, notre principal relais de la
tradition inaugurée par Marius Maximus, est modelée par
l’idéologie théodosienne qui veut qu’à l’instar de Trajan
nommé par Nerva, l’Espagnol Théodose, élevé à l’Empire par
Gratien, soit le fondateur d’une nouvelle lignée antonine.
Fidèle
à l’idéologie déployée par les panégyriques contemporains,
l’Histoire Auguste tronque les arbres généalogiques des Antonins
afin de réduire leurs parentés biologiques et en présente une
succession impériale où domine presque exclusivement l’adoption,
le choix du meilleur qui n’est qu’une fiction d’époque
théodosienne.
De
fait, l’adoption vient resserrer des liens, mais elle consiste en
un choix parmi de nombreux candidats possibles. Certes, l’adoption
est l’acte fondateur de la dynastie, puisque Nerva, non sans y être
contraint, adopte Trajan qui, dans l’état de nos connaissances, ne
lui était rien par le sang, mais il ne faut pas oublier que
l’adoption de Trajan se fait bien que Nerva ai des parents, enfin
il est étonnant que Nerva n’ai jamais eu d’épouse :
Peut-être est-il marié avec une femme morte longtemps avant son
adoption et son sacre mais l’existence de celle-ci, aisée à
postuler malgré les lacunes de la documentation, aurait pu éclairer
de façon capitale quelques-unes des tractations survenues dans
l’ordre sénatorial lors des années 96-98.
L’adoption
de Trajan est le couronnement d’un réseau sénatorial, solidement
implanté en Bétique, en Narbonnaise et (plus souvent qu’on ne le
dit) en Italie et à Rome même, réseau de familles dont bien des
membres ont pris parti pour Vespasien lors de la crise de 69 et s’en
sont vu récompenser par le Réatin.
L’écheveau
de la parenté antonine est donc bien plus complexe que celui liant
entre eux les princes sévériens ou même les Julio-Claudiens. On
parle, par commodité de langage, de « dynastie »,
entendant par là ceux qui règnent et leurs proches parents. En
fait, la vision ainsi retenue de la parentèle antonine est aussi
réductrice que celle, dans la lumière rasante du couchant, d’un
massif montagneux dont seule la crête est éclairée et les arêtes
des pentes déjà plongées dans l’obscurité.
Si
l’image publique de la dynastie (domus diuina) résulte d’une
sélection, on n’omet pas que d’autres membres de la famille
puissent être fort bien en cour, voire faire l’objet de mesures
publiques à leur mort sans pour autant être divinisés.
Ce
sont des gens que l’on connaît, qui disposent de résidences à
Rome ou en Italie et d’un patrimoine entretenant des liens subtils
avec le patrimoine privé des empereurs.
Des
hommages sur pierre à Rome et dans l’Empire témoignent assez de
la popularité de ces parents de la dynastie ainsi que de la
revendication de ce statut de consanguins ou alliés.
La
liste des princes ou princesses d’époque antonine qui sont
divinisés est beaucoup plus rapidement dressée que celle des
parents de la famille impériale, et elle est révélatrice des choix
opérés par la dynastie, avec l’assentiment du Sénat (qui est
l’organe décisionnel accordant la divinisation).
Trajan
fait diviniser son prédécesseur et père adoptif Nerva, puis il
fait diviniser son père naturel M. Vulpius Traianus ainsi devenu le
Divus Traianus pater.
Il
fait pareillement diviniser sa sœur Marciane à qui il a accordé le
titre d’Augusta.
En
accord avec le Sénat, Hadrien fait diviniser son père adoptif
Trajan, puis sa belle-mère Matidie (nièce de Trajan, fille de
Marciane, devenue elle-même Augusta à la mort de sa mère, et mère
de Sabine épouse d’Hadrien), puis sa mère adoptive Plotine, veuve
de Trajan, son épouse Sabine morte à la fin de son règne.
En
revanche, son fils adoptif et successeur désigné Ælius César,
mort avant lui, n'est pas divinisé.
Divinisé
à son tour Hadrien par son fils adoptif Antonin. L’épouse
d’Antonin, Faustine l’Aînée, morte au cours de la 3e année du
règne de son mari, est aussi divinisée.
Lucius
Vérus à sa mort en 169, puis Faustine la Jeune, fille d’Antonin
et épouse de Marc, morte lors de l’hiver 175-176.
Marc
l'est en 180.
Enfin,
Commode, après avoir été un temps écarté du nombre des Divi,
sera réhabilité et divinisé par un Sénat poussé par Septime
Sévère.
On
peut dresser, pour l’époque antonine, une liste assurée de 13
personnes qui deviennent Divi ou Divae peu après leur mort,
auxquelles on adjoindra Trajan père qui est divinisé longtemps
après sa mort sans doute survenue avant l’avènement de son fils.
À
l’exception dudit Trajan père, tous passent du statut d’Augustus
ou Augusta à celui de Divus ou Diva.
Cela
ne signifie pas que seules ces personnes reçoivent des honneurs
publics après leur mort. On a vu que Trajan avait eu le souci de
faire placer parmi les Divi son père naturel.
Antonin
permet au Sénat d’honorer par des statues son père, sa mère, ses
aïeux ainsi que ses frères déjà morts au moment de son avènement.
Il fait, alors qu’il est déjà empereur, transférer dans le
tombeau fondé par Hadrien les restes de ses enfants morts avant
l’avènement, ce qui, à n’en pas douter, est l’occasion d’une
cérémonie familiale et assurément dynastique.
En
152, les Fastes d’Ostie mentionnent un décès survenu dans la
famille du César Marc Aurèle gendre et fils adoptif de l’empereur :
Il
s’agit sans doute de la sœur de Marc (ou peut-être encore de sa
mère), mais que ce décès soit mentionné dans les Fastes officiels
d’une cité aussi importante et étroitement liée à Rome qu’Ostie
permet de supposer avec quelque sûreté qu’il y eut un deuil
officiel, à défaut d’une divinisation...
Pareillement,
il est très probable que, déjà sous Antonin, la mort en bas âge
de quelques-uns des enfants du César Marc et de l’Augusta Faustine
(et petits-enfants de l’empereur) fasse l’objet d’un deuil
officiel. C'est du moins le cas lors du règne de Marc Aurèle, de
166 à 169, lors d'une sorte de tétrarchie avant la lettre,
puisqu’aux Augustes adultes Marc et Vérus sont associés en
qualité de Caesares les 2 fils survivants de Marc, Commode (né en
161) et M. Annius Verus (né en 162).
Il
n’est pas exclu que la proclamation d’un deuil dans la famille
impériale puisse entraîner, en certains points de l’Empire, des
initiatives locales.
C’est
sans doute ainsi qu’il faut interpréter la série de 18 dédicaces
à un Divus Fuluus retrouvée à Thessalonique, datée entre 219 et
269. Il n’est pas douteux que la nouvelle d’un deuil impérial
ait pu, çà et là, susciter des appellations « inofficielles »
(s’il est permis de risquer ce germanisme) dans telle ou telle cité
(surtout en contrée hellénophone) et des hommages posthumes fort
proches de ceux décernés aux personnes officiellement divinisées :
De tels hommages peuvent se perpétuer (comme en témoignent les
dédicaces de Thessalonique toutes faites en l’honneur du Divus
Aurelius Fulvus 50 à 100 ans après sa mort, ce qui est remarquable
pour un enfant mort à 4 ans et sans rôle politico-dynastique).
L’insertion
d’une personne dans l’une ou l’autre de ces listes est
révélatrice de pratiques dynastiques que l’on rencontre sans les
analyser de manière approfondie, mais, en envisageant divers
secteurs de la ville de Rome qui sont le théâtre du deuil
dynastique à l’époque antonine, on a du moins contribué à
préciser quelques-uns des usages qui président à l’établissement
de ces rituels dans le décor urbain.
Si
l’on donne à l’adjectif « dynastique » une valeur
politique, alors, assurément, certains de ces deuils apparaîtront,
au prime abord, plus strictement familiaux que dynastiques (les
défunts, en particulier femmes ou enfants en bas âge, ne jouant pas
de rôle politique majeur), mais, puisque ces deuils sont accompagnés
de cérémonies et de mesures précises, ils acquièrent une valeur
politique (ou dynastique) en ceci qu’ils contribuent à renforcer
l’image d’une famille impériale unie dans une douleur offerte à
la foule spectatrice.
Même
privé et strictement lié à l’accomplissement de pratiques
familiales, le deuil familial, touchant un membre de la dynastie
impériale, s’insère dans l’image publique de la domus diuina.
Il
convient de présenter tout d’abord les pratiques de déposition
des défunts de la famille antonine dans le tombeau fondé par
Hadrien. Ce prince, aussi philhellène que profondément attaché aux
antiques traditions romaines, s’inspire, pour cette réalisation,
du mausolée familial construit par Auguste et qui a fonctionné
comme lieu privilégié de sépulture impériale pendant tout le Ier
siècle. Dans la décennie qui suit, seuls deux décès sont datés
avec précision dans la famille impériale, celui de Faustine la
Jeune et celui de Marc Aurèle.
À
sa mort, la dépouille de Commode, d’abord menacée d’être jetée
dans le Tibre, est transférée dans le tombeau des Antonins sur
ordre d’un Pertinax soucieux de ne point établir de rupture
violente avec la dynastie antonine regrettée des soldats et d’une
partie du Sénat.
Le
texte de l’épitaphe de Commode, gravé sur la plaque S de la
façade du tombeau des Antonins, a été conservé.
Les
vicissitudes subies par la mémoire de Commode dans les années
193-196 sont complexes, et mériteraient sûrement un réexamen
approfondi, mais il est assuré que dès 195-196 Septime Sévère
s’étant proclamé frère de Commode ce dernier est dit sans
ambiguïté Divus... De fait, la date de gravure de l’épitaphe de
Commode sur la façade du tombeau des Antonins demeure incertaine.
Faut-il
penser qu’en 193 ses restes sont déposés dans le tombeau sans que
son nom soit gravé sur la façade, ou bien que cette épitaphe ne
soit rédigée et gravée qu’au moment où Septime Sévère
revendique une parenté avec Commode ?
En
l’état de la documentation, ce problème paraît difficile à
résoudre. En revanche, la position de la plaque (S) sur laquelle
cette épitaphe est gravée est significative : Elle est située
au-dessus du bandeau de gauche, dans un registre supérieur qui
indique nettement que le bandeau de gauche est déjà rempli en
193-195.
LE FORUM DE NERVA |
D’après
la reconstitution d’Hülsen, elle serait placée immédiatement
au-dessus de celle de Lucius Vérus, peut-être n’est-ce pas un
hasard, dans la mesure où Commode est usuellement désigné par le
cognomen traditionnel de la famille des Ceionii Commodi, famille
naturelle d’Ælius César et de son fils Lucius Vérus, et où il
a, à la fin de son règne, modifié sa nomenclature et y a inclus la
séquence L. Ælius, qui est une référence non seulement à Hadrien
(pour le gentilice) mais aussi à Ælius César (traditionnellement
appelé L. Ælius Caesar ou même L. Caesar).
La
plaque R portant l’épitaphe de Commode est aussi placée, selon
Hülsen, au-dessus de la plaque P, qui semble avoir contenu celle de
son frère, le César M. Annius Verus mort en 169. Toujours est-il
que la déposition de Commode dans le tombeau d’Hadrien est,
d’après notre documentation, la dernière d’un Antonin lié à
la dynastie par le sang...
Rome,
les Césars et la ville - Deuil dynastique et topographie urbaine ...
books.openedition.org/pur/19286?lang=fr
L'épouse
d'Antonin, Faustine l'Aînée, morte au cours de la troisième année
du ... fut exilée par Commode à la suite d'un complot, puis
éliminée ; Bruttia Crispina, ... son mariage avec Commode en 178,
fut pareillement exilée puis supprimée ...
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